Thierry Seveyrat. La “séquence” de Trappes, ou le délitement des territoires

La séquence de #Trappes offre une nouvelle illustration de ce qu’est le délitement des territoires : la superposition de strates sociales, politiques et administratives où la référence républicaine a disparue, et n’est plus ni le langage, ni la pratique communs ; face à quoi l’on se retrouve, comme dans les sociétés totalitaires, avec des citoyens isolés tâchant de faire entendre, simplement, mais au prix possible le plus fort, quelque chose qui ait à voir avec la vérité. C’est peu dire, dans cet épisode, que le cas de Didier Lemaire m’a souvent fait penser aux écrits de Vaclav Havel.

Voilà un homme, professeur de philosophie, qui tente de témoigner de son vécu personnel et professionnel, et qui pour cela doit composer avec l’hostilité de ses élèves et des habitants de sa ville, le silence gêné de ses collègues, l’instrumentalisation de ses propos par son maire dans l’indifférence des groupes de la majorité municipale, la désignation publique hostile de son préfet, et les jugements en 280 caractères des réseaux sociaux ; parce qu’il rapporte des faits, auxquels il refuse de se résigner. L’exposé de ces faits fait alors classiquement l’objet des tentatives de délégitimation ordinaires, “extrême-droite”, “groupuscule”, “islamophobe et raciste”, etc. Mais ce verbiage qui a désormais plus de 20 ans ne trompe aujourd’hui plus grand monde ; alors les institutionnels s’y mettent en dernier recours. Très loin des bouées de la République.

Le maire Ali Rabeh, qui vient d’être déchu de son mandat, et déclaré inéligible pour un an pour avoir distribué avant les élections 15.000 masques accompagnés de sa photo électorale, poursuit dans la fuite en avant hors des clous de la légalité, viole l’article L 511-2 du code de l’Éducation Nationale, qui précise que la neutralité doit être respectée dans l’enceinte scolaire, et distribue un tract aux élèves qui prend à partie le professeur (“la situation du professeur de l’établissement au cœur de la polémique et de ses prises de position médiatiques”).
Jean-Jacques Brot, préfet des #Yvelines, département qui a compté les plus nombreux actes d’insurrection lors du premier confinement, se lance lui dans une lecture politique de la situation : “le sujet était récupéré par toute une frange d’extrême-droite”,” “c’est irresponsable. Il met de l’huile sur le feu. Il saccage nos efforts”. L’État, plutôt que de soutenir les lanceurs d’alerte, et d’écouter leurs pronostics, donne dans un militantisme tribunicien digne du MJS.
En attendant Didier Lemaire vit désormais sous la garde rapprochée du service de la protection (SDLP), et depuis novembre son domicile et son lycée font l’objet d’une vigilance policière accrue. Il vient aussi de renoncer à son métier de professeur, non sans panache puisqu’il a commencé par décliner l’offre de mutation proposée par son rectorat.

Il faut souhaiter que la logorrhée compassionnelle que l’on décerne aux morts, qui ont au moins cette qualité de ne plus gêner personne, ainsi que Samuel Paty ou Jean-Baptiste Salvaing et Jessica Schneider également dans les Yvelines, que le lieutenant-colonel Beltrame, que ceux de Charlie ou de Toulouse et Montauban, persiste à ne pas avoir cours pour Didier Lemaire, parce que ce pathos convenu arrange beaucoup trop de monde.

Il faut souhaiter de continuer à entendre sa voix singulière, dans laquelle j’entends moi, et c’est une excellente nouvelle, le signe annonciateur d’une nouvelle manière de faire de la politique.

Périlleuse, mais utile. Sensible aux faits et nécessaire. Nous pouvons tous devenir des Didier Lemaire. C’est même peut-être notre dernière chance.

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2 Comments

  1. Ils n’en ont pas assez ces islamos gauchistes de nous sortir toujours la même litanie. L’extrême droite, les fachos. Que je sache ce n’est pas l’extrême droite qui criait dans les rue de Paris Morts aux juifs? et ce n’est toujours pas l’extrême droite qui décapite des professeurs.
    ROSA

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