Danielle Khayat. La liberté d’expression, otage du séparatisme islamiste et de ses affidés

Du Djihad judiciaire à la haine sur les réseaux sociaux, la « dhimmisation » des esprits est en route.

La réduction au statut de dhimmi ou dhimmitude est consécutive au Djihad.

On a souvent tendance à ne voir, à travers ce dernier terme, que la conquête sanglante, oubliant un peu vite que l’esprit expansionniste utilise toute la panoplie de moyens qu’une époque donnée lui offre.

Les camions, les bombes, les ceintures d’explosifs et les avions n’existaient pas au VIIᵉ siècle de l’ère commune. On sait l’utilisation qui en a été faite au cours des dernières décennies.

D’autres moyens, issus ou non des nouvelles technologies, sont également à l’œuvre dans cette phase de reprise des conquêtes islamistes.

À côté de la conquête de territoires et des individus qui les habitent, celle des esprits est également au programme – la conversion ou la disparition restant le but final de l’entreprise. Tant il est vrai aussi que d’une part, le terrorisme peut également être intellectuel ; et d’autre part, ceux qui passent à l’acte pour commettre un attentat ont préalablement été formatés idéologiquement, endoctrinés : tous les totalitarismes usent des mêmes méthodes.

L’entrisme dans les structures éducatives, associations sportives, conseils municipaux, etc. commence à être documenté et dénoncé.

Djihad intellectuel et ses improbables soutiens

Mais il est un domaine dans lequel le Djihad est particulièrement actif, car il ne vise à rien moins que la « dhimmisation » des esprits, le bâillonnement de la parole et donc de la pensée : parallèlement à la mort physique, la mort sociale est un objectif recherché.

Réduire au silence et terroriser ceux qui pensent : telle est l’une des formes du Djihad intellectuel.

Pour y parvenir, ces adeptes du terrorisme intellectuel se servent, comme d’armes retournées contre nous, de nos principes fondamentaux, et, plus particulièrement de la liberté d’expression dont ils font une utilisation subversive tant dans le cadre du Djihad judiciaire que par le recours massif aux réseaux dits sociaux pour y répandre discours haineux, menaces et formatage des esprits.

Et ce terrorisme intellectuel bénéficie de l’aide surprenante de soutiens improbables.

En effet, dans le cadre de ce qu’il est convenu d’appeler « la convergence des luttes » ou « l’intersectionnalité », on assiste à des alliances entre des mouvements qu’en apparence tout oppose mais qui décident de s’unir pour devenir plus puissants en arguant que ce qui les rassemble est le combat contre un « ennemi commun ».

On voit ainsi des mouvements LGBT s’allier à des islamistes – alors que les homosexuels sont persécutés et massacrés par les islamistes.

Le PIR, des membres du Comité Vérité pour Adama Traoré, le futur ex-CCIF, et toute la galaxie des partis écologistes et d’extrême gauche défilèrent ensemble « contre l’islamophobie » le 10 novembre 2019. Qu’ont en commun des partis se réclamant du marxisme-léninisme qui exècre les religions – cet « opium du peuple » – et des mouvements se réclamant de l’islam, on ne le voit pas au premier abord. De même, on a du mal à comprendre l’alliance entre des groupuscules décolonialistes et des mouvements islamistes quand on sait l’importance quantitative de la traite négrière arabo-musulmane (cf. « Le génocide voilé » de Tidiane N’Diaye, éditions Gallimard), et le sort réservé aux Noirs encore de nos jours par nombre de pays arabo-musulmans. Ce sont des alliances « objectives » pour reprendre la terminologie marxiste, chacun pensant au final l’emporter sur les autres, et l’important étant, dans un premier temps, l’union contre un « ennemi commun », le mâle blanc hétérosexuel chrétien ou juif – ce qui correspond exactement au dhimmi. Mais il peut aussi s’agir d’un athée ou d’un agnostique, ou encore d’une femme.

Parmi ces affidés au séparatisme islamiste, une place particulière doit être également réservée à des syndicats et associations se réclamant de la lutte contre le racisme – et, parfois, contre l’antisémitisme – et qui n’hésitent pas à s’allier aux islamistes dans les prétoires – voire les manifestations de rue – pour dénoncer « l’islamophobie », ce concept créé par la Confrérie des Frères Musulmans pour museler toute critique contre l’islam par les « mécréants », et ce à peine de mort. Le logo du défunt CCIF était sans ambiguïté, deux sabres entrecroisés…

Or « l’islamophobie » n’est pas une variante de lutte contre un racisme visant les musulmans, mais une arme destinée à mener un combat idéologique et hégémonique. Et il fallut subir de longues années de « Djihad judiciaire » avant que la Cour de cassation ne décide que cette farce sinistre n’avait que trop duré, et que ni la liberté d’expression ni les juridictions ne pouvaient continuer à être prises ainsi en otage.

I – État des lieux

Au cœur du problème qui nous intéresse ici se trouve une de nos libertés fondamentales, garantie tant par notre Constitution (la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 qui la consacre en fait partie) que par la Convention européenne des Droits de l’Homme : la liberté d’expression.

— Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, article 11 :

« La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi ».

— Convention Européenne des Droits de l’Homme, article 10 :

« Toute personne a droit à la liberté d’expression… ».

Pour que la liberté d’expression puisse être garantie dans ce qui, à l’époque, était le mode le plus usuel de communication des idées et des opinions, à savoir la presse écrite (et le livre, bien sûr), un régime dérogatoire au droit commun fut institué par la loi du 29 juillet 1881 « sur la liberté de la presse » qui énonce « les cas déterminés » où la liberté d’expression peut dégénérer en « abus » susceptible d’engager la responsabilité tant civile que pénale de son auteur.

Ce texte prévoit des règles très particulières et complexes : prescription, règles de preuve, procédure à tous les stades, depuis l’enquête jusqu’au jugement et à son exécution, tout y est soumis à un régime exorbitant du droit commun.

Ce régime particulier se justifie par le nécessaire équilibre à trouver entre deux exigences fondamentales :

  • assurer la liberté d’expression ;
  • protéger les personnes contre les attaques injustifiées dont elles pourraient être victimes par un usage dévoyé de cette liberté.

Il s’agissait alors, en 1881, essentiellement de réprimer la diffamation et l’injure.

Par la suite, de très nombreuses autres infractions ont été créées, au fil de l’évolution historique et de l’apparition de dérives objectivement choquantes souvent, mais aussi, parfois, d’une concurrence victimaire et d’une hyper-sensibilité discutable.

C’est ainsi qu’une loi du 1ᵉʳ juillet 1972 a institué le délit de

« provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée » (art. 24 de la loi du 29 juillet 1881).

Par un arrêt du 16 avril 2013, la Chambre criminelle de la Cour de cassation rejetait en ces termes la question prioritaire de constitutionnalité dont elle avait été saisie par le Tribunal de Grande Instance de Paris à propos de ce texte :

« cette question ne présente pas à l’évidence un caractère sérieux dès lors que, d’une part, les termes de l’article 24, alinéa 8 de la loi du 29 juillet 1881, qui laissent au juge le soin de qualifier des comportements que le législateur ne peut énumérer a priori de façon exhaustive, sont suffisamment clairs et précis pour que l’interprétation de ce texte, qui entre dans l’office du juge pénal, puisse se faire sans risque d’arbitraire, et que, d’autre part, l’atteinte portée à la liberté d’expression par une telle incrimination apparaît nécessaire, adaptée et proportionnée à l’objectif de lutte contre le racisme et de protection de l’ordre public poursuivi par le législateur ».

Les tenants du djihadisme intellectuel ont vu dans cette position de la Cour de cassation un effet d’aubaine.

On assiste, en effet, à un déferlement de procédures pour « provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence » raciale. Les Tribunaux correctionnels (mais aussi les chambres civiles des tribunaux de grande instance) sont littéralement submergés par les actions intentées par des organisations se réclamant de l’antiracisme mais dévoyées dans le combat contre la soi-disant « islamophobie », fer de lance d’un muselage en règle de toute opinion dissidente par les islamistes qui étaient à la manœuvre.

Cette offensive contre la liberté d’expression devait conduire la Cour de cassation en juin 2017 à une intervention énergique.

Après les retentissants procès intentés notamment à Eric Zemmour et Pascal Bruckner, et alors qu’était pendant devant la Cour de Paris l’appel formé par le Parquet contre le jugement de relaxe de Georges Bensoussan – poursuivi par ce même Parquet sur « signalement » du CCIF, déjà fort sulfureux et néanmoins suivi et approuvé par des associations comme la LICRA, la LDH, le MRAP, ou SOS RACISME – la Cour de cassation rappelait de manière cinglante que l’interprétation restrictive de la loi pénale est un principe fondamental de notre droit, et la liberté d’expression un droit constitutionnellement garanti et protégé.

Par un arrêt dit de principe du 7 juin 2017, la Chambre criminelle de la Cour de cassation, au visa des articles 10 de la Convention européenne des droits de l’homme et 24, alinéa 8, devenu l’alinéa 7, de la loi du 29 juillet 1881, assénait :

– « Attendu que, selon le premier de ces textes, la liberté d’expression ne peut être soumise à des ingérences que dans les cas où celles-ci constituent des mesures nécessaires au regard du paragraphe 2 du même texte ;

– Attendu que, selon le second, le délit de provocation qu’il prévoit n’est caractérisé que si les juges constatent que, tant par leur sens que par leur portée, les propos incriminés tendent à inciter le public à la discrimination, à la haine ou à la violence envers une personne ou un groupe de personnes déterminées ».

Elle prenait soin, en l’espèce, de souligner que

« les propos litigieux, portant sur une question d’intérêt public relative à la politique gouvernementale de naturalisation, ne dépassaient pas les limites admissibles de la liberté d’expression et que, même si leur formulation peut légitimement heurter les personnes de confession musulmane, ils ne contiennent néanmoins pas d’appel ou d’exhortation à la discrimination, à la haine ou à la violence à leur égard ».

Qu’il s’agisse de caricatures ou de propos, la liberté d’expression ne saurait être limitée par le fait qu’ils heurtent la sensibilité de personnes se réclamant de telle ou telle idéologie, qu’elle soit politique, philosophique ou religieuse ; ou qu’ils constituent pour elles un « blasphème », notre droit ayant banni depuis longtemps l’incrimination de celui-ci.

Et la liberté d’expression ne saurait être instrumentalisée pour interdire la critique d’une idéologie, fût-elle religieuse, dès lors qu’il ne peut être relevé d’appel ou d’exhortation à la discrimination, à la haine ou à la violence des adeptes de cette idéologie.

Les limites à la liberté d’expression visent à protéger les individus, non leurs idées ou croyances.

La conception française de la liberté d’expression est ainsi très différente de celle qui prévaut dans les pays anglo-saxons où l’on peut librement tenir des propos islamistes ou nazis, mais où, parce que ces sociétés sont structurées sur un mode communautariste, au nom du « respect des croyances » c’est-à-dire du multiculturalisme qui y règne, les caricatures de Mahomet, non seulement n’ont jamais été publiées, mais font l’objet d’une condamnation unanime.

C’est que notre conception de la liberté d’expression est, à l’instar de celle d’autres pays, le résultat de notre Histoire, de notre culture et de nos valeurs.

Elle s’articule avec d’autres principes fondamentaux de notre droit.

Et la laïcité, qui a valeur de principe constitutionnel, en est un.

Devant la Cour d’appel de Paris le 29 mars 2018, Mme Noëlle Lenoir, citée comme témoin de la défense de Georges Bensoussan, rappelait qu’en 2005, le Conseil constitutionnel, dont elle fut membre, avait subordonné la ratification par la France du Traité européen et du Protocole additionnel, au respect intégral de « la laïcité, partie intégrante de l’identité intellectuelle française ». Fustigeant « la stratégie d’intimidation » dont l’historien était victime, elle lâchait : « C’est de la com’ », ajoutant « cette culture victimaire pourrait nous détruire ».

« Culture victimaire » et inversion des valeurs sont portées au pinacle dans les pays anglo-saxons qui voudraient nous imposer leur vision et leur culture. Mais même adossée au terme de « positive », la discrimination reste un concept odieux, contraire à l’égalité de notre devise – qui n’a rien à voir avec l’égalitarisme. Et elle est prévue et réprimée par les articles 225-1 à 225-4 du Code pénal.

L’indifférenciation du « tout se vaut » n’est que le masque derrière lequel se cachent, plus ou moins habilement, le racisme des racialistes « anti-racistes » et le totalitarisme islamiste. Tant il est vrai que le renversement sémantique va de pair avec l’inversion des valeurs.

II – Perspectives

Si la Justice se voit souvent reprocher la lenteur de son action, que dire du politique ?

Il faudra attendre bien des attentats, beaucoup de sang et de larmes, et une inexorable montée de la haine jusqu’à l’inimaginable pour les chantres aveuglés du « vivre ensemble » et du « vous n’aurez pas ma haine », pour que le pouvoir exécutif sorte de sa léthargie.

Un vendredi veille de vacances scolaires, en sortant de son établissement, un professeur d’histoire dans un collège est assassiné à Conflans Sainte-Honorine (78). Son bourreau le décapite, photographie sa tête ensanglantée et poste le cliché sur les réseaux dits « sociaux » avec un commentaire islamiste qui a glacé les sangs.

C’était le 16 octobre 2020, Samuel Paty devenait un martyr de la République, lui dont le crime avait été de dispenser un cours d’instruction civique consacré à la laïcité en se servant, pour l’illustrer des caricatures de Mahomet publiées par Charlie-Hebdo. Alors même que se tenait le procès des complices des assassins des membres de la rédaction de l’hebdomadaire satirique et d’autres personnes qui se trouvaient sur les lieux en ce tragique vendredi 7 janvier 2015. Et qu’un attentat avait ciblé, le vendredi 25 septembre 2020, les anciens locaux parisiens du journal – l’agresseur ignorant le déménagement intervenu. Et qu’il fallut aussi, durant la même période, exfiltrer précipitamment de son domicile une salariée du journal dont la vie était menacée.

Ce n’est donc qu’après l’assassinat de Samuel Paty par un terroriste islamiste que le gouvernement décida, par décrets, de la fermeture pour six mois de la mosquée de Pantin (93), ainsi que de la dissolution de deux associations particulièrement actives dans la diffusion de l’idéologie islamiste : Baraka City et le CCIF.

Celui-ci avait d’ailleurs anticipé sa dissolution en décidant son auto-dissolution. Ce qui ne l’empêche pas de contester devant le Conseil d’État la légalité du décret ordonnant sa dissolution.

Je n’entrerai pas dans le détail de ces mesures. Je me borne à les rappeler parce que, s’agissant du CCIF., il a, durant des années, bénéficié d’une étrange et incompréhensible écoute bienveillante des pouvoirs publics : subventions de la part de l’agglomération grenobloise, organisation de manifestations aux slogans haineux, dénonciation de « l’islamophobie », et de tous ceux qui osaient s’attaquer à l’islam, sa culture, ses textes.

N’avait-il pas eu l’oreille de la Chancellerie lorsqu’il « signala » au Parquet de Paris comme provoquant à la haine raciale Georges Bensoussan pour des propos, tenus en octobre 2015 sur France-Culture dans l’émission « Répliques », similaires – la métaphore était proche, à défaut d’être identique – à ceux qui avaient déjà été ceux prononcés par un sociologue franco-algérien dans un reportage télévisé ? Et le Parquet de Paris d’engager des poursuites, puis, à la suite du CCIF, de former appel contre le jugement relaxant l’historien.

Dissolution tardive, donc, après des années de complaisance. Sera-t-elle une mesure autre que symbolique ?

On peut légitimement en douter. D’abord parce que les deux associations avaient déjà transféré leurs avoirs et leurs activités au sein d’autres structures – voire à l’étranger. Ensuite parce que c’est une idéologie qu’il s’agit de combattre, qu’elle est déjà fortement enracinée dans les « territoires perdus de la République », lesquels ne cessent de s’étendre depuis le constat qui en fut fait au début du siècle ; et que des considérations indignes, d’ordre bassement électoraliste ou clientéliste, risquent de fortement compromettre la volonté de lutter réellement contre ce fléau. La comparaison qui me vient à l’esprit est celle de la lutte – sans cesse recommencée – contre la mafia sicilienne, cette pieuvre qui semble indestructible tant ses ramifications se sont multipliées, son entrisme politique développé, et sa puissance économique étendue.

Un autre motif d’inquiétude vient de la mise en œuvre sans cesse renouvelée des modes d’action de la nébuleuse islamiste.

Les réseaux dits « sociaux » sont devenus un mode de communication planétaire, utilisé tant par les particuliers ou les entreprises que par les gouvernants et institutions. Il n’est nul besoin d’insister sur l’impact mondial des propos qui y sont tenus, et, corrélativement, sur la puissance des dirigeants des sociétés propriétaires de ces réseaux : s’arrogeant le droit de censurer le Président de la première puissance mondiale comme de suspendre ses comptes de messageries, ils nous précipitent dans un monde orwellien où ils ont le pouvoir de décider ce que nous pouvons savoir, ce que nous devons penser. Leur conception de la liberté d’expression s’impose ainsi à la terre entière, au mépris des règles de la démocratie mais au nom de leur vision du Bien et du Mal, comme s’ils étaient les nouveaux prophètes porteurs de la parole divine.

Pourtant leur sourcilleuse surveillance de propos qu’ils jugent haineux ne les conduit pas à la même sévérité lorsque sont répandus les pires propos négationnistes ou anti-Juifs, les glorifications de Hitler, les appels au meurtre, ou à la destruction d’un seul État, celui d’Israël – le compte Twitter de l’ayatollah Khamenei n’a jamais été suspendu, ni ses propos censurés au nom de la « politique de la communauté » prohibant les appels à la violence.

De Mila à April Benayoun – Miss Provence, candidate à l’élection de Miss France voici quelques semaines, à propos de laquelle Houria Boutelja, celle qui put impunément écrire « Mohamed Mérah, c’est moi », s’est permis d’écrire sur son blog hébergé par Médiapart : « on ne peut pas être israélienne innocemment » – en passant par toutes les personnes, connues ou non, qui ont osé critiquer les islamistes ou l’islam, ou défendre le droit d’Israël à exister sur sa terre, les campagnes sur les réseaux sociaux sont un authentique lynchage. Et l’assassinat de Samuel Paty en est une illustration tragique.

La réponse qu’avait prétendu apporter notre pays s’est rapidement révélée être une menace pour nos libertés et une opportunité inespérée pour les islamistes.

En confiant aux « modérateurs » des réseaux sociaux le soin de décider souverainement des messages « haineux » à proscrire, le législateur remettait en effet notre liberté d’expression, dont les abus ne relèvent constitutionnellement que des tribunaux, à des opérateurs privés et à la masse des utilisateurs qui, en cliquant par millions sur l’icône « signaler », pouvaient devenir le bâillon planétaire de leurs adversaires.

La « ligne rouge » était franchie, décidait le Conseil constitutionnel le 18 juin 2020 quand il jugeait que ces dispositions de la « loi Avia » étaient contraires à notre Constitution.

Le problème demeure pourtant de la lutte contre le déferlement de la haine sur les réseaux sociaux. Et le Conseil constitutionnel soulignait d’ailleurs, dans sa décision, que l’objectif poursuivi par la loi, à savoir de combattre la prolifération des discours haineux en ligne, était « louable ».

Alors pourquoi ne pas réfléchir à des modes d’action plus respectueux de nos lois et conformes à notre tradition juridique ?

Il serait ainsi tout à fait possible d’imposer aux GAFAM l’interdiction de l’anonymat des abonnés, tant il est vrai qu’il permet à ceux qui en usent de se croire à l’abri de toutes poursuites et d’agir en meutes.

Il serait également opportun de s’interroger sur la pertinence d’une protection injustifiée : celle qui consiste, pour les utilisateurs des réseaux sociaux, à bénéficier des dispositions de la loi de 1881.

Cette loi est destinée à assurer la liberté de la presse, qu’elle soit écrite, audiovisuelle ou en ligne. Elle prévoit, je l’ai indiqué, un régime procédural dérogatoire au droit commun dont bénéficient aujourd’hui, faute de dispositions limitatives, tous ceux qui s’expriment sur les réseaux sociaux c’est-à-dire y déversent des torrents d’injures, menaces, etc.

Il ne serait pourtant pas difficile pour le législateur de prendre la disposition ad hoc : un seul article de loi ajouté dans celle de 1881 suffirait, qui indiquerait que :

« les dispositions de la présente loi s’appliquent, pour les modalités de poursuites et de jugement des infractions qu’elles prévoient, aux seuls organes de la presse écrite, audiovisuelle ou en ligne, ainsi qu’aux journalistes indépendants ».

On verrait sans doute les professionnels de la contestation s’insurger, y compris des syndicats de journalistes. On a pris l’habitude de ces gesticulations. Et alors ? Si l’action des pouvoirs publics doit être dictée par l’ampleur des protestations infondées plutôt que par les nécessités de l’ordre public, nul doute que l’injustice ne l’emporte très vite sur le désordre. Or gouverner c’est prévoir… DK

Danielle Khayat
Magistrat en retraite.

MABATIM.INFO

24 janvier 2021

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