Rémi Richelet. Quand le déséquilibre des choses de la justice casse l’envie de participer à la société

Bon, c’est officiel. Les citoyens vont tous mourir. Enfin la citoyenneté. A croire qu’il y a une machine à faire perdre le sens commun aux plus attachés aux valeurs communes.

Le problème est là en fait. Il n’y a plus rien de commun entre nous, étrangers aux autres dans notre propre pays. Bon, on a les gestes barrières qui limitent nos interactions, nous empêchant d’utiliser nos instincts pour marquer notre passage, conserver un semblant d’identité visuelle, de garder en mémoire les gens que nous rencontrons dans l’odeur du produit hydroalcoolique.

Prenons par exemple cette attaque de commissariat

Mais surtout, selon où on se trouve sur le territoire, nos cas sont traités différemment.
Prenons par exemple cette attaque de commissariat. Mais de où, quelqu’un peut penser à une normalité ?  Des flics pris d’assaut dans les murs de la République par des types qui disent ne plus en être. Des hommes qui veulent en tuer des autres, comme ça, tranquilles, en s’organisant.
Dupont nous explique que c’est un sentiment. Celui de l’insécurité.
Comme ça n’implique que des flics, un corps dépersonnalisé, ce n’est pas un problème, la République est sauve!
Darmanin, lui, va interdire les feux d’artifice, considérant sûrement que c’est le seul moyen.

Le citoyen, seul dans un pays qui donne des droits de fait à des gens qui veulent sa peau

Bizarrement, le citoyen lui, n’a toujours pas compris. Pas encore, mais ça va venir.
Il n’a pas compris qu’il était seul dans un pays qui donne des droits de fait à des gens qui veulent sa peau. Oui, qui veulent la peau du citoyen, de celui qui marche dans les clous et qui n’est plus protégé lorsqu’il le fait.
La sécurité, c est deux plans. Le sentiment, et les actes. Avoir peur de sortir parce que dehors ça semble dangereux, et avoir peur de sortir parce qu’on s’est fait agressé.
Dans un cas comme dans l’autre, cette sécurité, c’est le rôle d’un Etat qui s’occupe de ces citoyens. Des gens lambda.

Le Darmanin de droite, et le Dupont de gauche nous jouent de la flûte

Manifestement ça ne marche pas. Le Darmanin de droite, et le Dupont de gauche, à deux ils ont déglingué la balance de la justice. Soyons honnête, pas que eux. Les autres avant ceux là, n’ont pas fait mieux.
Mais ces deux cocos-là nous jouent de la flûte. La bascule va se faire ici.
Si le citoyen n’a plus l’assurance d’être protégé en dehors de chez lui, ou chez lui d’ailleurs, par les services publics de la justice et de la sécurité, il se défendra seul.

Un décalage infernal

Le jour de l’attaque de commissariat, en manque de clopes je file au bureau de tabac de mon village. La mobilité limitée m’oblige à prendre mon véhicule pour parcourir le petit kilomètre aller et retour. En short et en sandales je tombe sur un 4X4 neuf de la gendarmerie qui me saute dessus. Pas de ceinture, 90 balles et 3 points. Morale à deux balles, et discussion synthétique. Vous pourriez mourir monsieur.
Madame, je pense que vous ne vous rendez pas compte que ce sont vos collègues de sécurités qui risquent leur vie.
Moi, à 30 a l’heure dans mon village, j ai plus de chance de vivre qu’un simple coyotte qui pose un PV à Herblay et à Champigny.

Ce décalage est infernal. Le type lambda est sermonné vigoureusement par le droit, alors que le pays est en feu à chaque nuit qui passe, sans qu’aucune réponse sécuritaire ne soit mise en place. Personne n’est arrêté, tout le monde s’en fout. Tout le monde se fout que le type lambda soit moins protégé que le sas d’un commissariat. Ce gars est une statistique. Le pire c’est que cette gendarmette pense m’avoir sauvé la vie alors qu’elle a juste renforcé l’idée que ma citoyenneté court à sa perte.

Ma citoyenneté court à sa perte

Parce que je ne me sens plus à place dans une société qui tape sur les doigts de la délinquance et qui déglingue des gens qui font 1km en bagnole pour cause de hernie discale. La justice s’applique aux individus. La répression aussi. Mais le droit c’est pour tous.
Comment trouver légitime de prendre un prosper à la campagne, alors que la nuit et le jour des rodéos sauvages sont en cours partout, occasionnant accidents et morts.
J’ai beau essayer, ça m’est impossible, et pourtant je me considère comme un type raisonnable.
C’est cette violence-là, ce truc sourd que l’on ravale et qu’on remâche sans cesse, ce déséquilibre des choses de la justice ou de ce que l’on croit juste qui casse l’envie de participer à la société.

Effectivement je suis un délinquant. Pas de ceinture. Mais je prends plus cher qu’un type qui décide de butter un flic avec des potes.
Lui n’est même pas un délinquant puisqu’on le choppe pas. Même pas un assassin, puisqu’il n’a pas réussi à tuer. Même si c’était bien l’intention.
Moi j’avoue je n’ai jamais eu l’intention de sortir sans ceinture.
Statistiquement, ma sécurité a été défendue, mais moralement et judiciairement, on a un putain de problème. Je n’arrive même pas à voir ça sous le prisme de la répression.
Je ne me considère même pas comme un délinquant, je m’en tape juste, parce que ce pays court à sa perte. A celle des dernières cartouches d’une société malade d’elle-même, qui vomit le bon et protège le mal, qui inverse tout.
Quand on voit la fierté d’une gendarmette en 4×4 d’avoir choppé un délinquant de village, un chevelu pouilleux en short, la bile monte monte quand on voit l’attaque violente d’un comiko en ville. Comment ne pas comprendre qu’un viol ou une agression dans un wagon de RER ne lève pas une foule, puisque le délinquant c’est celui qu’on choppe au petit matin sans ceinture à 30 à l’heure.
Cette castration de la citoyenneté passe par ce déséquilibre des choses. Il n’y a qu’à voir Arnaud Beltrame ”mort a cause de son héroïsme” et le comparer au tableau de chasse de la gendarmette pour se dire qu’on est quand même sérieusement à côté de la plaque. OnNous les citoyens.

Il n’y a que deux options. Soit je plie et je me fous de la société entière, je participe à vomir le monde, rire de cette violence qui ne me touche pas, qui n’a pas cours autour de moi.
Soit je résiste, en espérant que la justice et le droit s’appliquent avec force contre ceux qui veulent ma mort ou celle de l’ordre de la société.
Mais pour combien de temps?
Notez cependant que je ne me plains pas, je payerais ce PV parce que je le dois. Mais pour combien de temps? Combien de temps encore penserai-je qu’il est légitime de payer ma dette alors que ceux qui veulent abattre la société tirent des feux d’artifices ou jettent des cailloux sur ceux qui me doivent sécurité et justice?

© Rémi Richelet

Rémi Richelet est Président de l’association Esprit Laïque, association de défense de la loi 1905. Esprit Laïque soutient toutes actions visant à défendre la laïcité et la liberté de conscience.

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