Tibère Gracque. Projet de Loi sur le séparatisme ou projet de loi sur la Séparation ?

Au moment où des fuites testent l’acceptabilité de certaines mesures incluses dans le projet de loi sur le séparatisme islamiste, il est temps de dire aux apprentis sorciers que, justement, leurs élucubrations ne sont pas acceptables !

Le séparatisme ne se résorbera pas en tuant la Séparation… Car dans ces ballons d’essai, on sent un air vicié… Plutôt que d’affirmer l’autorité de l’Etat et des préfets, plutôt que de rappeler à l’ordre tous ces maires qui depuis le mois de juin prennent les pires initiatives en matière de laïcité, les rédacteurs du projet de loi semblent bien plus empressés de faire un grand pas vers le concordat – si les informations relayées par les radios sont exactes.

L’Etat labelliserait les cultes ou les lieux de culte ! Voilà donc le chef du bureau des cultes du ministère de l’Intérieur soudain bombardé grand mamamouchi de toutes les religions passées, présentes ou à venir, capable dans son immense sagesse et dans sa très grande science des dogmes d’aller traquer le licite et l’illicite républicains dans la Torah, la Bible, le Coran, la Bhagavad-Gita ou le Gospel of the flying spaghetti monster… Belle perspective de carrière pour un fonctionnaire de la République laïque.

Les associations cultuelles se verraient enfin – car cela fait des décennies qu’elles en rêvent – autorisées à exploiter directement les biens immobiliers que les vieilles dames dûment circonvenues leur lèguent avec enthousiasme, bénéficiant ainsi, sur leurs profits, des abattements et allègement d’impôt généreusement consentis par la République au denier du culte ou autres dons manuels. Quelle merveille ! Le beurre et l’argent du beurre ! N’oublions pas en effet que ces avantages exorbitants sont accordés aux cultes à condition qu’ils ne s’occupent que du culte. De même, la garantie donnée par la République au libre exercice du culte ne vaut qu’en contrepartie de ce cantonnement à l’activité cultuelle. Si ce n’est plus le cas, voilà que soudain de très nombreux promoteurs immobiliers vont ressentir l’irrésistible appel du culte et transformer leur petite entreprise en religion, privant au passage la communauté nationale de 66 % des impôts qu’ils sont censés payer.

Sommet de l’édifice ainsi échafaudé, on verrait le titre 5 – Police des cultes de la loi de 1905 – révisé, dans le sens d’une plus grande fermeté vis-à-vis des fauteurs de trouble, puisqu’on vous le dit ! Mais lorsqu’on ouvre la boîte de Pandore, on s’attend rarement à ce que s’en échappent de grands bienfaits… Et dans une Assemblée nationale qui semble désormais de plus en plus souvent se soustraire à la discipline majoritaire, est-on bien sûr qu’il ne se trouvera pas un groupe de députés espiègles pour venir modifier par exemple les articles principiels de la loi ?

Ce n’est pas la loi de 1905 qui doit être démantelée ; c’est l’ordre public qui doit être imposé

La plaisanterie n’a-t-elle pas assez duré ? Si l’on veut vraiment lutter contre le séparatisme islamiste, commençons par appeler les choses par leur nom. Ce n’est pas le séparatisme des Corses, Alsaciens, Bretons ou Savoyards que ce projet de loi doit viser, mais le communautarisme et le multiculturalisme. Ce n’est pas la loi de 1905 qui doit être démantelée ; c’est l’ordre public qui doit être imposé. Ce n’est pas au ministre de l’Intérieur de se transformer en docteur en théologie ; c’est aux ministres du cultes de se transformer en laïques. Ce n’est pas aux Français de toutes opinions philosophiques de financer indirectement les cultes sur leurs impôts ; c’est aux cultes organisés de se financer auprès de leurs fidèles en respectant les lois et les règlements.

Si l’on veut affirmer une bonne fois pour toutes le principe de laïcité, il suffit que tous les agents de l’Etat et des collectivités appliquent les lois et adoptent une attitude ferme, constante et uniforme sur la question. Commençons par inscrire à l’article 1er de la Constitution que « la République ne reconnaît, ne salarie, ni ne subventionne aucun culte ». Et cela devrait valoir de Brest à Strasbourg, de Cayenne à Mayotte, sur tout le territoire de la République.

© Tibère Gracque 25 septembre 2020

Tibère Gracque est membre du CLR.

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1 Comment

  1. Ave Tiberius Gracchus ! Ô tempora ! Ô mores !
    Souviens-toi de ton célèbre homonyme qui a connu une fin tragique en l’ouvrant un max ! Avoir raison ne l’a nullement sauvé !

    D’autant que toi, t’a pas raison…
    Car une loi de 1905 peut difficilement rester valable en l’état en 2020.
    Elle porte inévitablement la marque de son époque, Ô (j’adore le circonflexe) combien différente de la nôtre.

    En 1905 la France était uniforme et monochrome.
    Et encore en 1959, disait De Gaulle à Peyrefitte : « peuple européen de race blanche, de culture grecque et latine et de religion chrétienne ».
    A tel point qu’elle l’ignorait comme un poisson ignore l’eau. Ses dissensions étaient sociales et idéologiques ; ni ethniques ni religieuses.
    L’ennemi intime était l’Eglise catholique, traditionnellement hostile à la République ; et c’est pour faire face à l’ingérence cléricale que la loi de 1905 fut promulguée.

    Aujourd’hui la France est bigarrée et diverse. L’Eglise, loin de séparer, en est un ciment identitaire, pour ceux qui croient au ciel et pour les autres.
    Hélas bien fissuré, le ciment… Insuffisant pour combattre les forces centrifuges qui viennent d’ailleurs, alimentées par les migrations massives dues à la mondialisation.

    Il serait donc utile de revoir la Loi de 1905.
    MAIS vaste projet et peut-être déjà condamné à l’échec.
    Peut-on légiférer l’identité ?

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