Sarah Cattan. “Israël sur sa terre. Ce qu’en disent les Palestiniens”, de Jacquot Grunewald

Outre que l’auteur est … rabbin, outre que l’Histoire n’est pas mon domaine, ne voilà-t-il pas que Jacquot Grunewald est le Fondateur de Tribune juive, qu’il dirigea longtemps, et de main de maître.

Ne voilà-t-il pas encore que la simplicité et l’humour, la délicatesse, l’indulgence, l’humilité faits Homme, m’appelèrent un jour pour se présenter à moi et … m’envoyer ledit ouvrage. “Allo, c’est Jacquot. Jacquot Grunewald“.

Alors voilà, cher Jacquot, comment j’ai compris votre dernier-né: une offre de paix. D’égal à égal. La rancoeur vous étant étrangère. L’Humanisme vous caractérisant.

Terre promise, disent-ils pour déterminer la Terre d’Israël. Mais pour Jacquot Grunewald, que les choses soient claires : Ce n’est pas au nom de la Promesse que les Juifs ont fait valoir leurs droits : ils l’ont fait parce que leur Terre est inscrite au cadastre. Et de citer ces copies du cadastre, écrites sur des rouleaux de parchemin, appelés depuis les manuscrites de la mer Morte, attestés comme ayant été écrits entre le IIIe siècle av. J.-C. et le premier du siècle chrétien.

D’autres manuscrits encore allaient confirmer que les Israélites étaient les maîtres de la terre d’Israël depuis l’antiquité et stipulaient ces terres inaliénables. La Bible l’assurait, cette inscription au cadastre,  depuis belle lurette. Mais la Bible passa de mode, et notre auteur de proposer que ces données fussent réunies dans un Cadastris, lequel réunirait des certificats d’Isaïe, d’Amos, Jérémie, Ezéchiel…  et confèrerait à Israël ses droits.

L’auteur entend remettre au goût du jour le trucage de l’Empereur Hadrien, qui substitua, en référence aux Philistins, au nom d’Israël celui de Palestine : nos civilisations sont marquées par Abraham, le premier Patriarche, auquel sont rivés Israélites, Chrétiens et Musulmans.

L’histoire d’Israël a commencé et s’est poursuivie sur sa terre.

Et d’aborder le retour des déportés en Eretz-Israël, guidés par les Prophètes du retour, ces inspirés qui répétaient que la Terre d’Israël restait inaliénable dans l’attente de leur retour.

Les certitudes des lendemains parleront promesses de planter et bâtir. Les premières prophéties du retour datent de la moitié du VIIIe siècle, écrit Grunewald, l’idée d’une invraisemblable permanence des tribus perdues perdant son statut de fantasme : quelque 60 millions de personnes[1] pourraient théoriquement se réclamer d’un lien génétique avec l’Etat juif[2].

Dans un chapitre prodigieux intitulé Des Evangiles à Proust via le Coran, le Coran citant la Bible des dizaines de fois, l’auteur montre alors comment l’art dans toutes ses expressions, aidé de la littérature, serviront de relais à la Bible.  

Jacquot Grunewald va à présent en venir au narratif et à la propagandes arabes, qui entraînent la remise en question du lien des Juifs à leur terre : Racine, Chateaubriand, Lamartine… et quelques autres sionistes rappelle ce temps où nombre d’observateurs en Europe étaient attentifs au retour des Juifs à Sion, les exhortant à reprendre leur splendeur première : relire Itinéraire de Paris à Jérusalem de Chateaubriand où l’écrivain évoque ces légitimes maîtres de la Judée, esclaves et étrangers dans leur propre pays. Idem pour le Voyage en Orient, tome premier, de Lamartine.

Nous y voilà donc, au narratif palestinien en ses cabrioles : On récrit  l’histoire de l’Etat d’Israël et celle de la Palestine. Les Juifs, peut-on lire, colonisent la … Judée et judaïsent … Jérusalem ! Quant aux Palestiniens, on en fait des Philistins. Voire des Cananéens ! Les manuels scolaires aidant, nulle référence à une présence juive en Palestine avant 1948[3]. Certes le Mouvement islamique en Israël parlait concomitamment de terre de djihad et d’envahisseurs qui la convoitaient. Certes Mahmoud Abbas entendait déposer plainte contre … l’Angleterre devant la Cour Internationale de La Haye pour avoir accordé aux Juifs un foyer national via la Déclaration Balfour de 1917.

Le narratif palestinien va jusqu’à décréter, au nom du Coran, (II, 79), que les Juifs ont … dénaturé la Bible.

N’est-il pas là une réécriture de l’Histoire, assortie d’un indicible dénigrement des Juifs, Enfants de cochon et autres Fils de singes, ces moins-que-rien qui se piquaient de réclamer un Etat, une réécriture de l’Histoire définitivement catastrophique pour les Arabes de Palestine, pour qui l’idée-même que le Juif cherchât à être un égal était insupportable : Georges Bensoussan a bien expliqué[4] ce cadre mental duquel émanait l’hostilité arabe à l’idée d’un Etat juif et l’Histoire atteste des massacres de Juifs pour protéger … la Palestine arabe.

Tout un chapitre est consacré à La guerre contre les Juifs en Erets-Israël, que l’auteur date d’au moins depuis 1920, et au début de la grande révolte arabe à l’encontre des britanniques et du yichouv, qui amena les Britanniques à fermer aux Juifs, pour calmer ledit monde arabe, les portes de la Palestine. Ce qui porta un coup redoutable au projet sioniste et condamna les Juifs d’Allemagne.

 Une Commission ad hoc, l’UNSCOP,  recommandant en 1947 de partager la Palestine, exhorta au retour d’un Etat juif souverain, marquait le début de la guerre civile à la seule initiative des Arabes.

La Nakba – Pourquoi ? est consacré à cette période.  Le narratif arabe à nouveau convoqué explique ce qu’est ladite Nakba. Les Arabes de Palestine n’ont pas été expulsés, insiste l’auteur, arguments et archives à l’appui, interrogeant et demandant pourquoi les Etats arabes n’exigèrent-ils pas que fût fondé, en Cisjordanie annexée, l’Etat arabe de Palestine. Grunewald répond qu’il eût fallu une tatbia, une normalisation des relations entre Juifs et Arabes, mais que tatbia est un mot tabou et porteur d’effroi dans le narratif arabe.

On sait la suite… Dans leur conflit avec Israël, les Palestiniens pensent que le temps joue en leur faveur. Ils risquent de s’y brûler méchamment. Mais le narratif sera sauf, conclut-il.

Après de passionnants commentaires historiques, Jacquot Grunewald revient à l’inexorable, cette aliya qui est toujours un retour. Ce peuple a assisté dix-sept fois à la ruine de Jérusalem, et rien ne peut le décourager, écrivit Chateaubriand, évoquant  ce petit peuple existant encore dans les décombres de sa patrie.

Le chapitre La Shoa aux portes se clôt par une entrée du Grand Larousse de 1925 : La Palestine est aujourd’hui un Etat juif sous le mandat de l’Angleterre.

Après-Shoa rappelle l’imposture où l’Israélien est assimilé au Nazi et les tentatives arabes de ce prêtre arabe ou du professeur Dajani Daoudi de casser le tabou en lançant l’idée d’un voyage judéo-arabe à Auschwitz. Dajani Daoudi, traité de vendu et menac é de mort, dut quitter l’Université Al Kuds de Jérusalem…

L’auteur imagine alors une Lettre à Ibrahim, son ami Palestinien, lettre par laquelle il lui demande que fussent pardonnées l’absence d’arabesques dans le narratif palestinien ainsi relaté. Mais Trump, ce 6 décembre 2017, parla.  Delenda Israël, clamait-on de partout, pendant que des rockets pleuvaient sur Sdéroth et alentour. Et l’auteur de rappeler la constance de ce refus arabe ou musulman.

Et le voilà irrésistiblement s’adressant à Ibrahim, lui demandant pourquoi ils faisaient de leurs socs des épées et de leurs serpes des lances. Pourquoi ils glorifiaient le shahid, la haine du yahoud, le conjurant de cesser d’appeler à la haine, et de prier pour la paix dans le monde, en attendant ce jour où, depiuis le Kotel, seront jointes les prières de leurs deux peuples.

La voilà donc, la Lettre à Ibrahim, promettant que L’Accord du siècle est aussi une victoire palestinienne. L’adjurant de reconnaître qu’il n’est point d’apartheid en Israël, exhortant à rompre avec ce narratif pernicieux chantant le mépris du Juif, appelant à une idylle entre Gaza et Ramallah, fustigeant le Hamas et ses acolytes, lesquels prônent la destruction d’Israël, reconnaissant les souffrances et dénis de justice produits par la présence israélienne en milieu palestinien : il n’est pas de bonne occupation, mais rien ne permet de traiter les Juifs de Judée de colons.

Il faut dire oui à Trump, Ibrahim, écrivait Jacquot Grunewald alors que se décidaient en coulisses Les Accords d’Abraham. Laisser sa place à l’imprévisible, écrivait-il, citant L’Histoire d’Israël d’un Giuseppe Ricciotti. Penser l’impensable. Jouer au shesh besh.

Considérez, Ibrahim, les progrès réalisés dans … l’Israël arabe, conclut-il, prônant l’engagement de mettre fin au conflit.

Je n’appellerai pas cette œuvre un combat, comme le firent d’autres très bons critiques, mais plutôt une œuvre salutaire, une pierre, que dis-je, un édifice, une plaidoirie difficilement contestable tout en étant humble, aimante, fraternelle, pédagogue, porteuse d’espérance : imaginez tout cela réuni lorsque érudition et humour viennent s’en mêler…

Ce livre de 225 pages paru sur Amazon en version papier ou numérique vous offre de lire gratuitement les premières pages, TJ ayant déjà publié les meilleures…


[1] D’après le Ministère israélien des Relations avec le judaïsme mondial.

[2] Noa Landau, Haïm Lewinson. Haaretz. 28 mars 2018.

[3] 2018-2019. Source : IMPACT

[4] Bensoussan. Les Juifs du monde arabe – La question interdite. Odile Jacob. P. 15 et suivantes

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5 Comments

  1. Jacquot Grunwald est rabbin, citoyen israélien, d’origine française mais vivant en Israël de son choix délibéré, ancien dirigeant de « Tribune Juive » (l’ancienne, version papier), fervent sioniste.
    C’est son droit.
    MAIS de ces faits il est probablement la dernière personne qualifiée pour raconter « Ce qu’en disent les Palestiniens ».
    Laissons ces derniers s’exprimer, si on veut VRAIMENT le savoir. Le discours pourrait être TRES différent.

    • Comme il est difficile de se faire entendre! Le titre que j’avais retenu, dans une xème hésitation fut “Israël sur sa terre – le narratif palestinien”. L’éditeur avec qui j’étais en contact me fit remarquer (je ne le savais pas car en Israël “narratif” est entré dans la langue) qu’en français le terme de narratif n’était pas connu. Voilà pourquoi le titre de mon livre. Mais là encore, à vous lire, ça ne colle pas! En fait une bonne partie de mon livre est consacré au narratif palestinien. Qui est effectivement très différent de ce que je pense et de ce que je dis. Très cordialement

  2. Comme il est difficile de se faire entendre! Le titre que j’avais retenu, dans une xème hésitation fut “Israël sur sa terre – le narratif palestinien”. L’éditeur avec qui j’étais en contact me fit remarquer (je ne le savais pas car en Israël “narratif” est entré dans la langue) qu’en français le terme de narratif n’était pas connu. Voilà pourquoi le titre de mon livre. Mais là encore, à vous lire, ça ne colle pas! En fait une bonne partie de mon livre est consacré au narratif palestinien. Qui est effectivement très différent de ce que je pense et de ce que je dis. Très cordialement

  3. Livre émouvant dans le rappel de notre histoire ,livre passionnant par les informations qu’il nous donne,livre questionnant quant au futur avec ou sans les palestiniens..merci en tout cas

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