A Gordes, le pianiste Abdel Rahman El Bacha, originaire de Beyrouth, joue pour “exorciser la tristesse”

Abdel Rahman El Bacha joue lors du Beiteddine International Art Festival, à Beyrouth en 2019.  (JOSEPH EID / AFP)

Le produit des 200 places du récital ira à des ONG caritatives pour aider des habitants à acheter des matériaux de construction. 

Révolté par “la négligence impardonnable” qui a détruit une partie de Beyrouth, sa ville natale, le pianiste Abdel Rahman El Bacha joue dans l’espoir que la musique “exorcise la tristesse” et donne la force aux Libanais de s’unir pour reconstruire. 

Un tremblement de terre, il fait souffrir, il fait mourir, mais c’est une force qui vient de la nature contre laquelle l’homme ne peut rien. Une guerre entre les hommes, on pense que c’est ce qu’il y a de pire, mais je crois que ce qui s’est passé à Beyrouth c’est pire que ça encore“, a confié à l’AFP Abdel Rahman El Bacha, né à Beyrouth, en marge d’un récital de soutien au Liban, à Gordes, en Provence.

C’est une négligence, c’est de la corruption, pour laquelle des gens innocents sont morts, la moitié d’une ville historique a été détruite ou abîmée.

“Je trouve que c’est impardonnable”

S’il est parti à 16 ans de Beyrouth pour étudier au Conservatoire national supérieur de musique à Paris, et se produit depuis des années dans le monde entier en solo ou avec l’Orchestre national de France, le Royal Philarmonic Orchestra ou l’Orchestre philarmonique de Berlin, le pianiste-compositeur a gardé “un attachement imprimé dans le coeur” pour sa ville natale : “J’ai découvert le monde à travers sa lumière“. “Qu’il y ait une sorte de négligence par rapport à ce danger qui guettait la population, je trouve que c’est impardonnable“, insiste-t-il, se disant en phase avec “la grande majorité des Libanais qui critiquent la classe dirigeante“.

Mais les responsables restent à leur place“, se désole le Franco-Libanais. Les discussions pour un nouveau gouvernement , censé marqué une nouvelle ère politique, n’ont pas avancé. Le ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian a évoqué un pays “au bord du gouffre“.

Face à cet océan de désolation, à ces maisons soufflées, à ces vitres et ces corps brisés, que peut la musique? “La musique a toujours été importante pour les Libanais“, rappelle Abdel Rahman El Bacha, citant les chanteurs icônes du monde arabe Mohammed Abdel Wahab, Oum Kalthoum. Et la Libanaise Fairouz, si écoutée durant la guerre (1975-1990). Après l’explosion, nombreux sont ceux qui ont réécouté Li Beyrouth, dans laquelle Fairouz évoque la mer et le parfum du jasmin mais aussi le “goût de feu et de fumée“.

Des notes “consolatrices”

Accueilli dans les jardins de la mairie de Gordes, Abdel Rahman el Bacha, connu pour ses interprétations de Chopin, Beethoven et Ravel, est un des rares pianistes au monde à avoir décroché à l’unanimité du public et du jury le premier prix du prestigieux Concours Reine Elisabeth de Belgique. Il a joué samedi soir pour “exorciser la tristesse“, la Sonate “pathétique” de Beethoven, un chant andalou, une chanson libanaise, une de ses compositions, Nocturne, accompagné de la violoncelliste Astrig Siranossian.

Quand Chopin exprime une profonde tristesse, un désespoir, il vous régénère, il vous exorcise de votre désespoir par la force de la beauté. C’est ça qui est miraculeux dans la musique, la tristesse ne vous rend pas triste, elle vous redonne de la force”.

Le produit des 200 places du récital, diffusé au Liban sur le site du journal An-Nahar, ira à des ONG caritatives pour aider des habitants à acheter des matériaux de construction.  Des notes “consolatrices“, espère le pianiste. “Si la musique ne peut pas entasser les pierres, elle permet d’avoir la volonté de s’unir pour pouvoir entasser les pierres” et reconstruire un Liban où “chacun ait les mêmes droits et puisse accéder à la dignité qu’il mérite“.

Source: France Info. 30 août 2020

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