Emma la Rouge anarchiste russe et femme la plus dangereuse d’Amérique

Library of Congress, Russia Beyond

« Manifestez devant les palais des riches, exigez du travail ! S’ils ne vous donnent pas de travail, demandez du pain ! Et s’ils ne vous en donnent pas, prenez-le », s’est écriée Emma Goldman lors d’un meeting devant des travailleurs. Pour « Emma la Rouge », ​​l’une des plus importantes figures du mouvement anarchiste du début du XXe siècle, toutes les méthodes pour parvenir à la justice sociale étaient bonnes.

Ses activités violentes contre le pouvoir aux États-Unis ont pratiquement fait d’elle une ennemie de l’État. Le premier directeur du FBI, John Edgar Hoover, a même qualifié Goldman de « femme la plus dangereuse d’Amérique ». 

Lutte à mort contre le pouvoir

Emma Goldman parle de contrôle des naissances à New York en 1916. – Getty Images –

Emma Goldman est née dans une famille juive dans l’ouest de l’Empire russe, mais à l’âge de 17 ans, elle a déménagé aux États-Unis. Elle a immédiatement plongé tête baissée dans le mouvement anarchiste local.

Goldman est devenue une ardente opposante des institutions politiques et ecclésiastiques américaines, plaidant pour l’égalité des sexes et contre le mariage, auquel elle reprochait de restreindre les droits des femmes. « Je veux la liberté, le droit à l’expression de soi, le droit universel à quelque chose de beau, de brillant. L’anarchisme n’est que ça pour moi. Je vivrai de cette façon, sans regarder le reste du monde, les prisons, les persécutions – quoi qu’il arrive. Oui, même si mes camarades les plus proches me condamnent, je vivrai dans ce merveilleux idéal ».

La tentative de Berkman d’assassiner Frick, comme illustré par WP Snyder en 1892, publié à l’origine dans le Weekly Harper. – Getty Images –

En 1892, elle a aidé son amant, anarchiste lui-aussi, Alexander Berkman, à tenter d’assassiner « la personne la plus détestée d’Amérique », Henry Clay Frick, industriel et ennemi juré des syndicats. La tentative a échoué et Berkman a été emprisonné pendant 14 ans. Cette fois, Emma a échappé à la prison, mais elle sera interpellée plus d’une fois par la suite pour avoir appelé à la rébellion, distribué de la documentation inappropriée, et même participé à une tentative d’assassinat contre le président William McKinley (même si elle n’a pas pu être reconnue coupable).

En 1908, Emma Goldman a été privée de la citoyenneté américaine, mais a continué à vivre aux États-Unis et à se battre pour sa cause. Néanmoins, le gouvernement a trouvé un autre moyen de se débarrasser de son ennemi…

« Arche soviétique »

Emma Goldman avec l’avocat Harry Weinberger – Getty Images –

En juin 1919, une série d’attaques terroristes contre des procureurs et des juges, ourdies par les partisans de l’anarchiste italien Luigi Galleani, ont balayé plusieurs villes américaines. Malgré le fait qu’il n’y ait pas eu de victimes, la panique s’est propagée dans tout le pays.

En réaction, des mesures sans précédent ont été lancées. Au cours des soi-disant « raids de Palmer », organisés par le procureur général Alexander Mitchell Palmer, 249 radicaux de gauche et anarchistes ont été arrêtés. La plupart d’entre eux étaient des immigrants de l’Empire russe qui n’avaient pas la citoyenneté américaine.

Parmi eux, Emma Goldman : elle a été inculpée d’incitation à la rébellion et s’est vu rappeler son casier judiciaire bien rempli. Avec des personnes proches d’elle idéologiquement, elle a été embarquée sur le bateau à vapeur Buford, qui se dirigeait vers la Russie soviétique et a reçu dans la presse le surnom d’« Arche soviétique ». Edgar Hoover, qui était alors l’assistant de Palmer, était particulièrement déterminé à expulser « Red Emma ».

En Russie soviétique

Emma Goldman et Alexander Berkman – Domaine public –

Bien que les anarchistes et des marxistes eussent depuis longtemps divergé, et que Goldman elle-même eût qualifié le marxisme de « formule froide, mécanique et asservissante », Emma nourrissait de grands espoirs concernant le « pays du socialisme victorieux ». Cependant, ses attentes seraient très vite déçues.

« Emma la Rouge » n’était pas du tout enthousiasmée par la façon dont les bolcheviks opprimaient ses camarades d’armes anarchistes et par l’appareil bureaucratique monstrueux qu’ils avaient mis sur pied. Lors de sa rencontre avec Lénine, elle a été découragée par les propos de cet « asiatique pénétrant » selon lequel la liberté d’expression pouvait être bafouée dans des circonstances extraordinaires.

La goutte qui fit déborder le vase à ses yeux fut la répression brutale du soulèvement des marins de Kronstadt en 1921. Goldman elle-même n’était pas toujours hostile aux mesures cruelles : « Dans la lutte contre les maux sociaux, tous les extrêmes sont permis, car les opinions extrêmes sont souvent les plus correctes ». Cependant, la cruauté déployée à Kronstadt était trop extrême pour elle: « J’ai vu devant moi l’État bolchevik, énorme, écrasant tout effort révolutionnaire créatif, réprimant, dégradant et corrompant tout ce qu’il touchait ».

Le retour

Emma Goldman en 1934 – Getty Images –

Emma Goldman et Alexander Berkman, avec lequel elle avait fait tout ce long chemin, ont quitté la Russie soviétique pour ne plus jamais y revenir. Ils ont connu des années d’errance dans des pays étrangers.

En raison de son rejet du système bolchevique, une partie importante de ses soutiens se sont détournés d’elle. Cependant, Emma la Rouge ne comptait aucunement renoncer pour si peu à son opinion sur la Russie soviétique.

Emma Goldman est décédée à Toronto le 14 mai 1940. Les autorités américaines se sont finalement réconciliées avec leur ennemie de longue date et ont autorisé qu’elle soit enterrée aux États-Unis. Une de ses citations a été gravée sur le monument de sa tombe à Forest Park, Illinois : « La liberté ne descendra pas jusqu’au peuple, le peuple lui-même doit grandir jusqu’à la liberté ».

Source : Boris Egorov, Russia Beyond 

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