Noël et H’anoucca : deux fêtes « de fin d’année » ?

En cette période de fêtes de fin d’année, les Juifs fêtent H’anoucca et les Chrétiens Noël. Mais n’y a-t-il vraiment que le calendrier qui les rapproche ?

En cette période de fêtes de fin d’année, les Juifs fêtent H’anoucca1 et les Chrétiens Noël. Contrairement à Pâques et la Pâque, fêtes sœurs si l’on peut dire, les fêtes de H’anoucca et de Noël ne semblent proches que par le calendrier, Noël prenant place le 25 décembre, et H’anoucca à une date variable en décembre, qui se trouve aussi être le 25 décembre cette année.

QUELLE EST LA SIGNIFICATION DE LA FÊTE DE H’ANOUCCA ?

H’anoucca signifie « inauguration » ou « dédicace » en hébreu, et fait référence à un événement historique qui a eu lieu au IIe siècle avant notre ère. À cette époque, et depuis l’épopée d’Alexandre le Grand un siècle et demi plus tôt, la culture juive est en contact avec la culture grecque, et la Judée est tributaire des royaumes des héritiers d’Alexandre, en l’occurrence de l’empire séleucide à la période qui nous intéresse.

Cette cohabitation ne se fait pas sans en chiffonner certains (Juifs traditionalistes refusant toute influence extérieure, mais aussi Juifs assimilationnistes souffrant notamment du regard des Grecs sur leur circoncision), mais elle fut longtemps pacifique.

Arrive alors le règne d’Antiochos IV Épiphane. Les Séleucides devant s’acquitter d’une lourde dette de guerre aux Romains depuis leurs défaites dans les batailles des Thermopyles (-191) et de Magnésie (-190), le nouveau roi séleucide décide d’augmenter les impôts que la Judée lui verse, impôt prélevé sur le trésor du Temple de Jérusalem ; il nomme donc un Grand-Prêtre conciliant envers ses intérêts, Jonas (qui a hellénisé son prénom de naissance, Joshua). Jonas en profite pour mener une politique d’hellénisation douce, bien acceptée par la plus grande partie de la population, qui peut garder la plupart de ses traditions tout en profitant de la technique et de la culture grecques.

Mais une tradition est tout de même abolie de facto, celle qui veut que la fonction de Grand-Prêtre soit héréditaire. Jonas, lui, a été nommé par le roi, et se voit remplacé de force au bout de quelques années par un certain Ménélas (on notera à leurs prénoms le degré d’hellénisation des prétendants à la charge). Des troubles éclatent alors entre partisans des deux factions, au point où Antiochos IV doit envoyer des troupes pour pacifier la province en -170.

Informé que c’est au sujet de leur Loi, la Torah, que les Juifs se disputent, le roi finit par prendre une décision aussi logique que funeste : supprimer la Loi. Sont donc interdites la circoncision, le respect du repos du Chabbat et les sacrifices au Temple, qui se voit dès lors consacré à Zeus.

En réaction à ces brimades (que les Juifs perçoivent comme particulièrement abominables) qui s’ajoutent à la pression fiscale déjà écrasante, certains Juifs fuient dans les déserts et les montagnes, d’autres en arrivent au martyre, et ceux qui restent se soulèvent violemment. C’est cette révolte qui va être menée par les Macchabées, et notamment Judas Maccabée 2.

En -165, Jérusalem est libérée par les Maccabées, et le Temple à nouveau dédié au Dieu des Juifs. Par la suite, les Juifs rétabliront une indépendance de facto, aidés par les faiblesses internes de l’empire séleucide à partir de cette période, et les Maccabées donneront naissance à la dynastie hasmonéenne. Mais ceci est une autre histoire (qui nous mène d’ailleurs à Noël).

En effet, la femme d’Hérode le Grand était de la dynastie hasmonéenne. Or c’est Hérode qui est « roi de Judée » au moment de la naissance de Jésus – ce titre lui a été donné par les Romains. C’est à cause du recensement ordonné par ces mêmes Romains que la naissance de Jésus aura lieu à Bethléem, où Joseph doit se faire enregistrer avec son épouse Marie, enceinte de Jésus.

Le plus étonnant est que ni la fête de H’anoucca ni ces évènements pourtant marquants ne sont mentionnés nulle part dans la Bible hébraïque. Et pour cause : ils sont retranscrits dans les Livres des Maccabées, qui ont été écrits après que le canon hébraïque ait été défini3.

En revanche, les livres des Maccabées font partie des bibles chrétiennes : les livres 1 et 2 font partie intégrante de la Bible catholique, tandis que les orthodoxes ont retenu les livres 1 à 44.

POURQUOI FÊTE-T-ON NOËL ?

À Noël, les Chrétiens fêtent l’anniversaire de la naissance de Jésus-Christ. Mais pourquoi est-ce un motif de fête ? La bonne nouvelle de Noël, c’est l’incarnation, la venue de Dieu dans l’Humanité en la personne de Jésus, vrai Dieu et vrai homme : « Et le Verbe s’est fait chair, et Il a habité parmi nous » (Jn 1). Les Chrétiens fêtent en ce jour l’« Emmanuel », littéralement « Dieu avec nous » ; un Dieu si proche qu’Il s’appuie sur la libre collaboration de l’humanité par le « Oui » de Marie et qu’Il choisit de venir comme petit enfant, dans l’intimité d’une famille ordinaire.

Les derniers jours de l’Avent nous replongent dans les récits de l’annonce de la naissance de Jésus à Marie et à Joseph ; ces textes, par leurs nombreuses références à l’Ancien Testament, s’attachent à souligner la continuité entre l’Ancienne Alliance (entre Dieu et le peuple juif) et la Nouvelle Alliance : en Jésus s’accomplit pour toute l’humanité la promesse divine d’envoyer un Sauveur à Israël.

Il est émouvant de voir que ce Sauveur naît dans l’humilité et le dénuement. Comme nous l’avons vu, cette naissance a lieu à Bethléem, où Joseph et Marie sont venus se faire recenser : Jésus naîtra dans une étable, car il n’y a plus de place à l’auberge (il s’agit probablement d’une grotte aménagée comme étable comme il était commun de le faire dans la région). Et pourtant, même cette naissance dans les difficiles conditions d’un voyage à Bethléem contribue à la reconnaissance du petit enfant comme le Sauveur tant attendu, si l’on se réfère au début du chapitre 5 du livre de Michée :

« Et toi, Bethléem Ephrata, le plus petit des clans de Juda, c’est de toi que sortira pour moi celui qui doit gouverner Israël. […] Il se dressera et il sera leur berger par la puissance du Seigneur, par la majesté du nom du Seigneur, son Dieu. »

Benjamin Guyot et Constance Mas pour Contrepoints

suite de l’article contrepoints.org

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1 Comment

  1. Bien avant que la fête du solstice d’hiver ou “sol invictus” soit récupérée par l’empereur Constantin au 4ème siècle, les premiers chrétiens qui étaient des juifs, fêtaient tout naturellement la naissance du messie Jésus, la Lumière du Monde, le jour de Hanoucca, la fête des lumières.
    D’ailleurs la plus ancienne mention de la fête de Hanoucca se trouve dans l’évangile selon St-Jean :
    ” On célébrait à Jérusalem la fête de la Dédicace (Hanoucca en hébreu). C’était l’hiver. Et Jésus se promenait dans le Temple, sous le portique de Salomon. ” (Jean 10:22-23)

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