Belgique : Non, la libération n’a pas été la même pour tous. Sarah Cattan

Alors qu’en cette fin du mois d’août, de nombreuses communes françaises célèbrent le 75e anniversaire de leur libération, la Belgique se prête également au partage de mémoire.

ABruxelles en effet, l’AMS, Association pour la Mémoire de la Shoah, organisera ce dimanche 1er septembre un hommage intitulé La libération n’a pas été la même pour tous. Michel Lussan, Administrateur et Directeur-Communication, s’en est fait l’écho pour Tribune juive.

Organisé par l’AMS, cet événement exceptionnel aura lieu dimanche 1er septembre 2019 à l’occasion du 75ème anniversaire de la Libération de Bruxelles, et notamment au sujet de la situation des Juifs de Belgique à ce moment-là : cet Hommage aux Justes de Belgique et aux victimes de la Shoah nous rappellera que la libération n’a pas été la même pour tous.

LA LIBERATION N’A PAS ETE LA MÊME POUR TOUS

Tel sera l’objet de l’événement organisé par l’AMS, Association pour la Mémoire de la Shoah, dimanche.

L’événement se déroulera Square Herschel Grynszpan.

Notons qu’il n’a été rendu possible que grâce à l’engagement indéfectible et à la ténacité de ses bénévoles.

Depuis le début août 2019, une affiche de 21m2 annonce l’événement destiné à commémorer le sort des Juifs à la Libération.

Pour la première fois depuis 75 ans, cet événement se situera au cœur de Bruxelles, Capitale de l’Europe, de la Région Bruxelloise et de la Flandre, très précisément sur la façade de l’école Charles Gheude située au Square lui-même.

LA LIBERATION N’A PAS ETE LA MÊME POUR TOUS

75 -ème anniversaire de la Libération de Bruxelles ?

Le dimanche 3 septembre 1944, peu avant 20h, la 2e armée britannique est entrée dans Bruxelles par l’avenue de Tervuren.  

Cette Libération, pour les Juifs ayant survécu à l’extermination nazie, représentait un caractère singulier. 

En effet, 5% d’entre eux seulement avaient survécu aux camps d’extermination et de concentration.

Joods Paspoort

Ces 5% se turent pendant de nombreuses années avant de témoigner de l’ignominie inimaginable du processus industriel d’extermination organisé par les nazis, lequel se fit avec la collaboration des  autorités belges incriminées dans La Belgique docile[1]: tel est pour info l’intitulé du rapport commandé en 2004 par le gouvernement belge au CEGES, le Centre d’études guerre et société, afin de déterminer l’importance des responsabilités des autorités belges concernant la spoliation et la déportations des Juifs en Belgique.

Ce rapport de plus de mille pages, sous-titré Les autorités belges et la persécution des Juifs en Belgique pendant la Seconde Guerre mondiale, est communiqué début 2007, après plus de deux ans de recherches.

Essentiel, il contribue à la reconnaissance d’un aspect méconnu de l’occupation en Belgique : il conclut en effet à la responsabilité et à la collaboration active d’une partie des autorités quant à l’identification et à la persécution des Juifs belges et étrangers.

Les auteurs sont 4 historiens :

Rudi Van Doorslaer

Emmanuel Debruyne

Frank Seberechts

Nico Wouters.

Le 24 janvier 2013, à la suite d’une proposition de résolution déposée au Sénat, ce dernier approuve à l’unanimité la Responsabilité de l’État belge dans la persécution des Juifs en Belgique pendant la Seconde Guerre mondiale.

A l’AMS, nous n’oublierons jamais qu’en Belgique c’est justement ici-même, au cœur de ce quartier des Marolles, qu’en septembre 1942   la Shoah a débuté par des rafles de Juifs.

A noter que la Police de Bruxelles refusa de collaborer à ces rafles.

Les enfants cachés en Belgique par les Justes sont sortis des couvents, des familles et des maisons.

Des citoyens courageux ont su comprendre qu’il existe des moments où il importe de prendre une décision qui mettait en cause leur existence : ils le firent face au crime contre l’Humanité qui se perpétrait sous leurs yeux.

Ces enfants cachés et les autres survivants vécurent alors une période de désarroi émotionnel pathétique. Ils durent affronter le réel et surent cependant pour beaucoup dépasser cette tragédie et la précarité de leur vie quotidienne : ce que Boris Cyrulnic nomme la résilience.

Voilà pourquoi l’AMS honorera les 1.751 Justes de Belgique, ici et maintenant ce 1er septembre, avec une lecture complète de chaque nom, et ce dans l’espace public Bruxellois.

Dans cette époque toute particulière où le Royaume de Belgique, comme l’avère une récente étude[2], se situe dans le peloton de tête de la progression de l’antisémitisme, cette époque où la parole antisémite s’est banalisée, cette époque où un artiste juif[3] a dû récemment exposer sous surveillance, en raison de menaces, nos amis de l’AMS veulent se rappeler :

Se rappeler que, 9 ans après la Libération, les peines de condamnation à vie des collaborateurs avérés et des bourreaux de Breendonck furent transformées par le nouveau gouvernement de 1953 en peines de prison réduites dont ils avaient déjà effectué la plus grande partie. Collaborateurs et bourreaux ont ainsi continué à mener une existence paisible sans jamais renier leur passé criminel.

Se rappeler encore que les héritiers des actionnaires et des dirigeants des entreprises qui collaborèrent aussi pour dépouiller les biens, les domiciles, les assurances, les commerces, les œuvres d’art et les sociétés des Juifs déportés sont toujours présents dans les coulisses du Pouvoir et côtés au Bel 20.

Se rappeler que les penchants criminels de L’Europe démocratique ressortent  du ventre de la bête immonde : contrairement aux Pays Bas et à la France dont les autorités ont déjà  indemnisé les survivants et les descendants des déportés Juifs vers les chambres à gaz par leurs chemins de fer nationaux, la SNCB n’a toujours rien entrepris, elle qui avait perçu comme salaire de sa complicité à la Shoah  plus de 100 Millions de l’époque, 100 millions volés aux Juifs emprisonnés  à la Kazern Dossin de Malines d’où partaient les wagons plombés.

Se rappeler que bien que La Chambre Des Représentants De Belgique ait voté le 1er avril 2019 une Résolution relative à la réalisation d’une enquête sur le rôle joué par la SNCB dans les convois ferroviaires et la déportation de juifs durant la Seconde Guerre mondiale, le Ministre de la Mobilité qui a tutelle sur la SNCB se mure dans un silence assourdissant : LA LIBERATION N’A PAS ETE LA MÊME POUR TOUS.


Le programme

DE 14h à 17h :  Proclamation des noms des 1.751 Justes de Belgique par des responsables politiques, associatifs et des citoyens volontaires.  

DE 17h à 19h : Prise de parole et chants :

– Hazan Mueller : il entonne le Kaddish 

– Minute de silence

-Jeunes des Marolles :  témoignages enregistrés par l’AMS

-Meyer-Marcel Zalc : Témoin enfant caché à Saint-Vincent de Paul, à Louvain, sortant de la clandestinité à l’âge de 6 ans et 8 mois. 

-Mina Buhbinder : Témoin enfant caché échappant à la clandestinité  

– Jacques Sojcher : Enfant caché, Professeur de philosophie à l’ULB, poète, il témoignera et récitera un poème.

– Philippe Close, Bourgmestre de Bruxelles : il honorera Les Justes de Belgique reconnus officiellement par Yad Vashem à Jérusalem. Pour info, il s’est engagé, le 3 septembre 2017, à ériger au Square Herschel Grynszpan, un monument mémoriel reprenant les 1.751 noms. 

– Martin Schearman : Ambassadeur du Royaume-Uni, il rendra hommage aux soldats britanniques qui libérèrent Bruxelles.

– Joël Kotek :  historien, Professeur entre autres à l’ULB, parlera des processus de dénazification qui épargnèrent les complices de la persécution des Juifs.

 – Yohan Benizri : le Président du CCOJB, Conseil Consultatif des Organisations Juives de Belgique, décrira la destruction des institutions juives et leur reconstruction après-guerre.

– Geneviève Damas : licenciée en Droit de l’Université de Louvain la Neuve, auteure belge.  

– Georges Brandstatter : cet enfant caché dans une famille catholique, diplômé de l’Académie des Beaux-Arts d’Anvers, artiste peintre et auteur de Combattants Juifs dans les armées de Libération   paru en 2019 aux Editions Ouest France, rappellera que plus de 500.000 jeunes Juifs volontaires américains combattirent aux côtés des Alliés. Il démystifiera, grâce à des années de recherches dans les Archives officielles,  le mythe du Juif docile que la propagande antisémite a contribué à répandre.

Ainsi, si, pris dans les pièges que les nazis nous ont tendus, 6.000.000 de nos âmes ont disparu, nous rappellerons que nombreux sont ceux qui ne se laissèrent pas faire et nombreux sont ceux qui combattirent, combattent encore et combattront demain sans relâche la peste noire.

Un Hommage aux résistants juifs de Belgique sera rendu.

Pour info, Emmanuel Nashon, le nouvel Ambassadeur d’Israël qui était invité, ne pourra assister à la cérémonie en présence de politiques : il n’a pas reçu du Roi ses lettres de créances officielles.

19 heures : Concert de musiques et danses juives, animé par André Reinitz et son orchestre Krupnik. Le Chant des Partisans et Le Chant des Marais seront entonnés en Yiddish, interprétés par le jeune Amos Suchecki, dans l’esprit de la transmission de ce que Rachel Ertel, Professeur d’Université à Paris 7 et Présidente d’honneur de la Maison de la Culture yiddish à Paris, nomme La transmission d’une langue assassinée.

La cérémonie sera retransmise en directe sur Radio Judaïca 90,2 FM

L’Association pour la Mémoire de la Shoah, organisatrice de l’événement, cherche à compléter la liste des responsables politiques, associatifs et des citoyens disponibles pour participer au mur du son en proclamant des noms de Justes.

S’inscrire auprès de justes@restitution.be ou appeler Julien Patigny au 0470/18 29 66

Une Application interactive créée pour la Libération et les Juifs par la ville d’Anvers est consultable sur le site de la ville d’Anvers qui consacre une longue page à la communauté juive de la ville ainsi qu’au triste sort qui lui fut réservé. Si cela est émotionnellement impliquant, la collaboration des autorités de la ville y est cependant dénoncée, tache s’il en est…

https://www.antwerpenherdenkt.be/

LA LIBERATION N’A PAS ETE LA MÊME POUR TOUS

Si la libération n’était pas la même pour tous, c’est que je n’ai pas souvenir que dans nos familles, nous étions en liesse, bien au contraire, se souvient Meyer-Marcel Zalc, Président de l’AMS. Nous étions dans une terrible angoisse, car pour nous, ce n’était pas terminé. Jusqu’en mai 1945, l’assassinat des communautés juives d’Europe s’est poursuivi, poursuit-il dans une interview accordée au journal Sud Info.

Michel Lussan et Meyer-Marcel Zalc

Durant la Seconde Guerre mondiale, environ 25 000 Juifs de Belgique furent assassinés par les nazis. Au début de la guerre, le pays en comptait 100 000. Il y en aurait aujourd’hui environ 30 000.

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4 Comments

  1. Merci à Sarah Cattan de rappeler la Shoah en Belgique, la lutte contre celle-ci et la lutte pour son souvenir.

    Le gouvernement belge fut bien à l’origine de l’étude entreprise de 2004 à 2007 par trois chercheurs du CEGES et un chercheur de l’Université Catholique de Louvain. La publication compte 1548 pages et la version numérisée disponible sur le site du Sénat, dont le vote est cité, 1114 pages. C’est bien un travail sérieux et non un gadget politique.
    Le gouvernement belge étant en exil à Londres, les nazis ne disposaient pas d’un Pétain belge mais firent appel aux autorités locales qui collaborèrent souvent contre les juifs, particulièrement à Anvers qui est toujours le haut lieu du négationnisme de la collaboration. Dire que les flamands sont plus antisémites que les wallons serait une faute politique mais les politiciens flamands servent toujours le négationnisme et le mensonge en général.

    Je pense que Sarah Cattan n’est pas l’auteur, sous pseudonyme, de l’article haineux du Canard contre le premier ministre britannique coupable de lèse-Europe, mais Bruxelles n’est pas la capitale de l’Europe, Etat qui n’existe pas; depuis la rupture de l’unité Belge, Bruxelles-Capitale est une des trois régions Belges et ne pourrait être la capitale de la région Flamande ou de la région Wallone.
    Les Archives Belges sont très actives et les Belges sont toujours un grand peuple affligé par les querelles des ambitions politiciennes.

    • Il serait intéressant de savoir ce qui s’est passé en Belgique après les votes contre l’abattage rituel des ovins et bovins -application en Flandre à partir du 1° janvier et Wallonie à partir du 1° septembre, après les recours légaux.
      On ne parle pas souvent de la Belgique sur TJ et cet exemple du bon élève européen qui décide contre la bonne réglementation européenne -cela arrive- et le CCPA obtenu par les sacrificateurs, était surprenant.

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