Quand la Belgique pose 50 nouveaux Pavés de Mémoire aux noms des victimes du nazisme, par Sarah Cattan

Michel Lussan, Directeur Communication de l’AMS, Association pour la Mémoire de la Shoah, nous a rapporté comment, grâce au labeur et à la ténacité de la Fondation, la commémoration bruxelloise annuelle des victimes juives des persécutions et déportations perpétrées durant la seconde guerre mondiale fut l’occasion de la pose de 50 nouveaux pavés.

L’évènement se développa selon 4 axes:

Un hommage aux victimes des persécutions, et particulièrement à celles des rafles du 3 septembre 1943, jour où les nazis raflèrent les Juifs de nationalité belge. (Aktion Iltis Convoi 22 B)

Rappelons qu’ils avaient, le 3 septembre 1942, raflé les Juifs étrangers, jurant à ceux que cela pouvait rassurer qu’ils ne déporteraient pas les Juifs belges…

Philippe Close, bourgmestre de Bruxelles, inaugura la Place des 3 septembre, cette nomination visant à renforcer l’identité mémorielle du lieu en mémoire des 3 septembre 1942, date de la rafle des Juifs non belges, 3 septembre 1943, date de la rafle des Juifs belges et 3 septembre 1944, date de la libération de Bruxelles.

50 nouveaux Pavés de Mémoire aux noms des victimes du nazisme furent inaugurés rue des Tanneurs, devant les domiciles qu’ils habitaient avant les persécutions.

Haïm Vidal Sephiha, arrêté à 20 ans en 1943, témoigna et Henri Goldberg, président de la Fondation Auschwitz, évoqua la mémoire d’Auschwitz.

Un hommage aux Justes de Belgique fut rendu à ces citoyens courageux et généreux qui cachèrent des Juifs, et le bourgmestre annonça le projet d’élever un Mur des justes de Belgique.

François Englert, Prix Nobel et enfant caché, annonça que durant la nuit du 2 au 3 septembre, les noms des 1742 citoyens reconnus Justes par l’Institut Yad Vashem seraient projetés sur la façade du Musée juif, et l’Ambassadeur de Russie rappela les soldats soviétiques qui libérèrent Auschwitz, contribuant à la chute du 3ème Reich au sein de l’alliance antinazie.

Enfin, un concert en l’église de la Chapelle permit à Hélios Azoulay et l’orchestre de musique incidentale de rendre hommage à la résistance musicale juive développée durant la guerre.

La toute première pose autorisée d’un pavé de mémoire à Anvers eut enfin lieu. Ce pavé, au nom de Jan De Ridder, résistant et victime du nazisme, fut posé par son arrière petit-neveu, Willem Kennis.

Jan De Ridder était entré dans la résistance en 1942 au sein de la Witte Brigade – Fidelio anversoise qui recrutait essentiellement dans la police et les services administratifs ainsi que dans l’enseignement. Sur les 43 policiers arrêtés dans la nuit du 14 au 15 janvier 1944, seuls 8 survécurent à la déportation. Jan De Ridder mourut après 13 mois d’emprisonnement particulièrement cruels, le 9 mars 1945, à la caserne Boelcke à Nordhausen qui dépendait du camp de concentration de Mittelbau-Dora.

La cérémonie se déroula devant la maison où il fut arrêté, en présence de sa famille, de voisins et de sympathisants.

Herman Van Goethem, historien et Recteur de l’Université d’Anvers, un des premiers à avoir soutenu cette forme d’ acte mémoriel, publiant un appel solennel et retentissant pour exiger la pose des Pavés et précisant que ces traces mémorielles de partage de Mémoire ne constituaient pas exclusivement une histoire Juive mais concernaient également les résistants et les prisonniers politiques, prit la parole, suivi de Ben Michiels, petit-fils de Jos Veerman qui dirigeait le réseau d’agents de police résistants de Deurne et Meyer-Marcel Zalc, Président de l’AMS.

Lutte pour la reconnaissance des Pavés de mémoire

Pour info, face au mutisme et au déni des administrations anversoises qui se succédèrent, l’AMS avait déjà posé des pavés de mémoire à Anvers sans autorisation, dans une action de désobéissance civile légitime, luttant inlassablement depuis une décennie pour la reconnaissance des Pavés de Mémoire.

Ils furent posés devant le domicile de Marc Zuckerberg, raflé par Klaus Barbie à la Maison d’Izieu où il était caché, le domicile d’où fut déportée Keila, la mère du résistant juif anversois David Marka Szyfer, et les domiciles anversois des 7 membres gazés de la famille d’Evelyn Fine : ces 7 pavés de Mémoire posés symboliquement furent ensuite emportés par Elias Kazan, venue de Boston, qui les déposa provisoirement au Musée Mémorial de l’Holocauste à Washington.

A noter : l’administration communale de Bart De Wever ne toucha pas à ces traces de la barbarie nazie.

Un Pavé de Mémoire fut encore scellé le 3 juin 2018 pour Maja Leja Susskind Gutgold, arrêtée par la police le 6 octobre 1942 et et assassinée à Auschwitz : le Chant des Partisans fut entonné en Yiddish et le Kaddish dit.

Le Conseil Communal anversois donna officiellement l’autorisation de pose des Pavés de Mémoire.

41 Pavés de Mémoire sont déjà en attente actuellement pour Anvers, contrant les mots d’Elie Wiesel : Le bourreau tue toujours 2 fois, la seconde fois par l’oubli.

L’AMS regrette toutefois que la Belgique n’eût pas honoré ou considéré ses Justes en qualité de Résistants, laissant à Israël la charge, en 1963 et par le biais de son Institut Yad Vashem, d’accorder le titre de Justes aux non-Juifs qui risquèrent leur vie pour sauver des Juifs durant la Shoah.

50 œuvres Bouts de Souffle de Richard Kenigsman

The last but non the least : 50 œuvres Bouts de Souffle ( 80cm x 30cm ) numérotées, datées et signées par l’artiste bruxellois Richard Kenigsman furent mises en vente à 300€ par l’AMS pour soutenir la pose des 50 Pavés de Mémoire dans la rue de Tanneurs, l’original, ( 1,5m sur 3 m ), ayant été vendu en 2012 à 4.000€, réalisé sur base des chutes de l’atelier de maroquinerie de son père, situé justement rue des Tanneurs. Peaux de cuir qui inspirèrent dès 2009 à Boris Lehman le film documentaire Retouches et Réparations.

Sarah Cattan

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