Forte d’une soixantaine de familles, la communauté israélite revendique fièrement sa place dans la cité. Elle a étrenné samedi sa nouvelle synagogue.
Ce sera la troisième dans l’histoire de la ville d’Amiens… La communauté israélite étrenne aujourd’hui sa nouvelle synagogue située à… une cinquantaine de mètres de l’actuel temple. Une décision de la mairie d’Amiens qui remonte à loin ; Gilles de Robien était encore maire. « La ville souhaitait récupérer le terrain sur lequel se trouve l’actuelle synagogue et proposait de nous reloger à côté. Il s’agissait pour nous d’une opération blanche, la reconstruction étant prise en charge par le promoteur qui bâtira sur le terrain de l’actuelle synagogue », rappelle Guy Zarka, président de l’association cultuelle.
Confié à Paul Chemetov, architecte chargée de l’aménagement de la ZAC Gare-la Vallée, le projet a débouché sur un nouvel édifice qui a pivoté d’un axe est-ouest sur un axe nord-sud. « C’est un peu perturbant pour les habitués, mais on retrouvera vite nos marques », confie avec le sourire Guy Zarka.
De la brique rouge sur le pignon Nord pour évoquer nos contrées industrieuses, une façade blanche immaculée côté est en allusion au « Bauhaus », ce mouvement architectural de l’Entre-deux-guerres pensé par des juifs allemands et qui a fait florès à Tel-Aviv…
Au cœur de cette façade lisse et sobre, des moucharabiehs en béton armé suggèrent des étoiles de David déstructurées. De quoi baigner de lumière la nouvelle salle de culte. À l’intérieur, une salle d’expo, de quoi se réunir et un logement de deux pièces pour accueillir le rabbin qui vient désormais de Paris.
Portes ouvertes lors des journées du patrimoine
Si la communauté israélite n’est pas forcément victime d’une crise des vocations, ses effectifs réduits ne lui permettent plus de disposer d’un rabbin à demeure. Avec une soixantaine de familles, elle est aujourd’hui de loin la plus petite des communautés religieuses samariennes. Composée pour l’essentiel de rapatriés d’Afrique du Nord, la communauté revendique aujourd’hui fièrement sa place dans la cité, même si elle est confrontée à une fuite de ses jeunes souvent sur-diplômés en direction des grandes métropoles. Signe des temps : il arrive que la prière du vendredi ne soit dite qu’à moitié. Pour qu’elle soit complète, il faut un minimum de dix hommes qui ne sont pas toujours au rendez-vous.
Pas de quoi déprimer ceux qui continuent à trouver le chemin de la synagogue. « Un élément important parmi d’autres de la vie de la cité », rappelle Guy Zarka qui espère rompre avec une forme de repli qui a souvent caractérisé la communauté. Le nouveau temple pourrait ouvrir ses portes lors des prochaines journées du patrimoine. À la fois une grande première et tout un symbole.
Une plaque pour la première synagogue
Inaugurée par Jean Moulin en 1935, la première synagogue se situait au numéro 12 de la rue du Cloître-de-la-Barge, dans un bâtiment aujourd’hui détruit. Profanée en 1940, elle a été remplacée en 1968 par l’actuel temple situé au Port d’Amont. À l’occasion de l’inauguration de la nouvelle synagogue cet après-midi, la communauté juive dévoilera une plaque non loin de l’endroit où se situait la première synagogue. Cette plaque est aussi à la mémoire des juifs français raflés et déportés à Auschwitz entre 1942 et 1944.
Trois questions à Guy Zarka, président de la communauté Israélite
Quelle est la place de la synagogue dans la ville d’Amiens ?
La synagogue c’est un peu le ciment de la communauté. Le lieu de transmission de la tradition. Et même les jeunes qui n’y viennent plus forcément, y restent très attachés. C’est leur histoire, c’est là qu’ils ont fait leur Bar Mitsvah, ils y ont des souvenirs…
La religion juive connaît elle aussi une crise de la foi ?
Il y a chez nous, comme chez les catholiques, des enfants gâtés (rire). Je crois que ce n’est pas tant une disparition du sentiment religieux, mais davantage une perte de la pratique. Les générations plus anciennes, nos aînés venus souvent d’Afrique du Nord, sont reparties vers le soleil de la Côte d’Azur. Les jeunes, souvent très diplômés, partent à Paris. Il ne reste que notre génération des 40-60 ans pour perpétuer la tradition.
Comment sortir de ce schéma ?
Il y a longtemps eu chez nous une forme de complexe d’être juif, tout en assumant par ailleurs le fait de l’être. J’aimerais qu’on sorte de ça, que la synagogue devienne, au même titre que les églises, le temple protestant et les mosquées, un élément de la vie de la cité.
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