Résultat de la présidentielle 2017 : Étonnez-nous Monsieur le président !

Emmanuel Macron va devoir prouver qu’il peut déverrouiller une société bloquée et entraîner un pays bougon.macron_louvre 3

Après dix-huit mois de campagne, après des rebondissements ébouriffants, après bien des débats et notamment le dernier, le plus détestable de tous, nous avons enfin un président. Ministre inconnu il y a trois ans, improbable candidat il y a un an, voici donc élu à plus de 65%, Emmanuel Macron, 39 ans, un homme à la trajectoire totalement inédite dans l’histoire de la Vème République.

Dimanche soir il aura montré un visage tour à tour grave et heureux. Sobre et retenu dans son QG. Et une heure plus tard, après sa marche solitaire à la Mitterrand au son Beethovenien et européen de l’Hymne à la Joie, devenu ardent devant la foule enthousiaste, dans le décor magique du Louvre et de sa pyramide.

Son succès est très net, avec 20 millions de voix recueillies sur son nom, même si l’on sait –il l’a lui-même reconnu– que les Français ont moins plébiscité son projet que défendu –c’est le cas de 50% des électeurs ayant voté pour lui– la République face au Front National.

Son tour de force est historique, même si l’on voit que les votes blancs et nuls ont atteint un score mémorable de 12%, soit plus de 4 millions de bulletins, ce qui est une marque de défiance sans précédent.

Sa victoire sur la candidate du FN est tout à fait nette, même si, malgré son effondrement de fin de campagne, elle peut encore compter sur 11 millions de voix.

Marine Le Pen a passé cinq ans à tenter de normaliser son parti. En quelques sorties aventureuses, en un retournement déconcertant et en un débat stupéfiant, elle fit craquer le vernis dont à grand peine elle avait badigeonné le parti de papa. Les Le Pen restent décidément les Le Pen, entre injures, insinuations, mensonges et un plafond de verre qui leur tombe une fois de plus sur la tête. Mais l’extrême-droite survit cependant, pour le pire de la démocratie.

Ses électeurs en sont les premières victimes: elle les laisse dans l’état où elle voulut les séduire, malheureux, amers, à l’écart de la mondialisation, de la prospérité et de la culture. Elle a profité de leur colère et les a égarés. Elle s’est nourrie de leur désarroi, et n’a jamais cherché à les en sortir. Mais cette colère et ce désarroi demeurent. Croire que l’échec de Marine Le Pen permettrait de l’ignorer serait une faute contre la raison, mais surtout contre la République et ses enfants perdus. Leur redonner confiance et espoir sera la tâche la plus dure d’Emmanuel Macron. La plus déterminante aussi. On l’a assez dit, cette élection est celle de la dernière chance. Après l’échec de la droite et l’effondrement de la gauche, si la tentative centriste qu’il incarne échoue elle aussi, c’en sera fini de l’illusoire front républicain déjà si fortement émoussé : il sera, dans cinq ans, totalement vain d’agiter encore une fois les spectres d’Oradour, du Vel d’Hiv ou des ratonnades.

Combattre le FN, on le sait, permet une large victoire, mais celle-ci est par essence fragile car elle survient par défaut. Jean-Luc Mélenchon, dont le discours était à peine meilleur que celui d’il y a quinze jours – au fait qu’est-ce que « les gens », cette apostrophe qu’il affectionne tant ??? – a bien fait comprendre que pas un seul jour de répit ne sera accordé au nouveau président qui a d’ailleurs la sagesse de ne pas croire en un quelconque blanc-seing.

Parmi ces électeurs qui choisirent Mélenchon le 23 avril, l’hostilité à Emmanuel Macron est très forte. Ils ne sont pas tous aussi haineux que François Ruffin dans sa tribune du Monde, si violente qu’elle en donnait le frisson, mais ils restent inconciliables. Interrogeons-nous d’ailleurs sur ce niveau troublant de détestation, comme si l’orientation sociale-libérale de Macron, était plus exécrable que la tranquille assurance d’un Fillon voulant mettre à bas les 35h. Comme si le fait d’avoir travaillé à la Banque Rothschild était dans l’inconscient collectif plus stigmatisant que s’il avait fait le même travail pour le même salaire chez BNP-Paribas!

Emmanuel Macron va devoir prouver qu’il peut déverrouiller une société bloquée et entraîner un pays bougon. Il n’était que d’entendre les débats – très traditionnels au demeurant – sur France 2 hier soir. Les Républicains, qui attendent avec gourmandise les législatives dans cinq semaines pour entraver la marche victorieuse du président, vont se fracturer entre les radicaux dont François Baroin semble vouloir prendre la tête et les plus mesurés comme NKM ou Christian Estrosi. Quant aux socialistes (au fait, qui a entendu l’intervention de Benoît Hamon passé en catimini sur TF1 seulement?), ils ont explosé en plein vol, courant tels des canards sans têtes et sans savoir quelle campagne (contre ou à côté d’En Marche!) il va leur falloir mener.

Oui, Emmanuel Macron va avoir fort à faire, pour rassembler et rassurer, comme il le souhaite, des Français restés méfiants, sur un projet qu’ils n’ont pas toujours bien saisi. Il va lui falloir beaucoup d’optimisme pour vaincre le voile de pessimisme qui guette toujours la France, même si elle a fait ce dimanche la fierté de ceux qui espéraient en son sursaut. Il va lui falloir beaucoup d’énergie pour faire tenir ensemble la France qui va bien et la France qui va mal, évidentes au soir du premier tour et qu’on va retrouver dès demain.

L’intérêt de tous les citoyens est qu’il réussisse. L’aventure est exceptionnelle. Il faut que l’homme, par delà son épopée, se révèle à la hauteur de l’enjeu. “Étonnez-moi!”, dit un jour, il y a cent ans, Diaghilev à Cocteau, le sortant de sa vie confortable de jeune homme gâté par les éloges. Étonnez-nous, Monsieur le président! Vous l’avez promis, il est temps.

Anne Sinclair
Fondatrice du HuffPost France

Source huffingtonpost

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2 Comments

  1. “Ses électeurs en sont les premières victimes: elle les laisse dans l’état où elle voulut les séduire, malheureux, amers, à l’écart de la mondialisation, de la prospérité et de la culture. ”
    Est-ce MLP qui les laissent dans ce désarroi ou les politiques successives de la droite et de la gauche qui n’a rien fait pour les en sortir…. son électorat de base était justement tous les laissés-pour-compte, ouvriers, agriculteurs, petits commerçants, salariés précaires qui ne savent plus à quel Saint se vouer. Ce n’est pas le FN qui s’est dédiabolisé mais bien ses électeurs qui ne votent plus à gauche, cette gauche en laquelle ils croyaient et qui les a laissé sur le bord du chemin. Trop facile d’agiter le chiffon rouge du racisme, de la xénophobie et de l’antisémitisme. La question n’est plus là. Pour preuve, nous n’avons pas assisté à des manifestations de masse anti FN après le premier tour comme il y en eut en 2002.
    Que les partis républicains prennent leur responsabilité et n’oublient pas les oubliés. Alors le FN s’éteindra de sa belle mort et ne sera pas au rendez-vous en 2022. C’est ce qu’on peut souhaiter.
    Bien à vous.

  2. Un petit poème vaut parfois mieux… qu’un long discours :

    “Le Petit Prince devenu Pharaon”

    Il était une fois, dans un joli palais,
    Un Prince de renom, qui ma foi s’ennuyait.
    Il poussa hors du trône, sans forme de procès,
    Un vieux Roi fatigué, obligé d’abdiquer.

    “Le Peuple est avec moi, il sera Souverain.
    Croyez mes bonnes gens, mes honnêtes propos,
    Villages et campagnes , villes et bourgs lointains,
    Mettez vous donc En Marche, portez moi au plus haut,

    Des sommets de l’État, je vous protégerai,
    Des ennemis d’ici et aussi de là-bas.
    Députés et Ministres, marcheurs invétérés,
    D’hier et d’aujourd’hui, de grâce élisez moi.”

    La République En Marche ,l’installa au Palais.
    L’Élysée, rien de moins , voilà ce qu’il voulait.
    Mais bien vite, une fièvre emporta sa raison,
    Voilà qu’il se prenait pour un vrai Pharaon.

    “Par Décrets, Ordonnances, je gouvernerai donc.
    Ayez donc l’impudence de vous y opposer,
    De douter un instant de mon état de grâce,
    Et vous serez bien vite, en geôles​ jetés.”

    Le Peuple affolé par tant de déraison,
    Descendit dans les rues, les chemins et les places,
    En cortèges nombreux et manifestations,
    Pour crier sa colère , sa détermination.

    Le vieux Roi consulté pour donner son conseil,
    Asséna sur l’épaule du nouveau suzerain,
    Une tape amicale, glissa à son oreille,
    Le pouvoir est “En Marche”, le Peuple le détient.

    Gilles Plumat

    L’exagération est manifeste, mais ne nous a-t-il pas déjà tellement étonné ?

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