Verneuil-sur-Avre. Shoah : les lycéens reviennent des camps de la mort

Entre Deauville et Cracovie, ancienne capitale de la Pologne, il y a environ deux heures de vol. Il faut encore une heure de car pour rejoindre le camp d’Auschwitz-Birkenau. Un trajet bien confortable aujourd’hui, quand on sait que 80 000 personnes ont été forcées de faire ce périple depuis la France, en trois jours et trois nuits, parqués par centaines comme du bétail dans des wagons à marchandises. Sans être sûrs de parvenir à destination.

 

Des barbelés et des baraques à perte de vue, un paysage de désolation qui était, pour beaucoup, le dernier
Des barbelés et des baraques à perte de vue, un paysage de désolation qui était, pour beaucoup, le dernier

Une gare sans nom

Cette destination, d’ailleurs, ils ne la connaissaient pas. Sur le million de juifs assassinés dans le camp, des milliers y sont morts, à peine arrivés, sans même savoir où le train les avait emmenés. Pour eux, Auschwitz est resté « une gare sans nom ».

Silencieux, les 22 élèves de 1re L du lycée Porte de Normandie de Verneuil-sur-Avre ont marché sur les pas de ces nombreux innocents, au milieu du dernier paysage qu’ils voyaient de leur vie. Ils étaient accompagnés de leur professeur d’histoire Martin Lepetit, ainsi que de Frédéric Jurczyk, documentaliste du lycée.

Ce voyage était organisé par la Région Normandie et le Mémorial de la Shoah pour les lycées dont les projets éducatifs ont été retenus. La classe de Verneuil réalise ainsi un livre numérique sur l’histoire d’André Landeman, enfant caché à Verneuil-sur-Avre et l’histoire de la famille Rakovsky qui a résidé à Breteuil-sur-Iton.

Menés par Julia Maspero, accompagnatrice du Mémorial de la Shoah, et Krzysztof Jasek, guide polonais, les lycéens ont fait le tour de l’immense camp d’Auschwitz II, dit « Birkenau ». Du quai où arrivaient les convois, des couloirs de barbelés entre les baraques où étaient entassés les malheureux, les restes de chambres à gaz et de fours crématoires, ils ont tout vu. Ils ont même parcouru le bâtiment où les détenus étaient déshabillés, rasés, tatoués, et douchés, avant de définitivement faire partie du plus gros camp d’extermination allemand, aménagé en musée en 1947.

L’herbe a repoussé

L’endroit n’est heureusement plus exactement le même qu’entre 1940 et 1945. A la « Rampe juive » où arrivaient les premiers convois à quelques minutes de marche de l’entrée, l’herbe a poussé sur les rails et les Polonais ont rebâti les maisons détruites pour la construction du camp. « Je ne pourrais pas habiter là », glisse un lycéen vernolien. « Les Polonais étaient là avant le camp, explique Krzysztof Jasek. Et le musée est l’un des plus gros employeurs de la région. »

Surtout, il n’y a plus cette « odeur bizarre » dont se souvient Ginette Kolinka, rescapée de Birkenau. Elle accompagnait les 150 lycéens normands pour ce voyage d’études. Les 1res de Verneuil ont d’ailleurs pu la rencontrer fin 2015 au Mémorial de Caen.

Certains lycéens avouaient « avoir du mal à réaliser » où ils étaient. « Je pensais que cela allait être pire », peut-on entendre dans les conversations. Laura, Morgane, et Laure ont trouvé l’endroit « choquant », mais peuvent « mettre des images sur les mots ». Mélodie, elle, est « dégoûtée des humains ».

L’après-midi était consacré à la visite du camp d’Auschwitz I, dont la majorité des anciens dortoirs a été réaménagée en musées. Ils comprennent d’innombrables photos qui témoignent directement de l’horreur vécue par les prisonniers. Malnutrition, expériences, humiliations… ainsi que des montagnes de cheveux humains, chaussures, valises et objets personnels retrouvés dans le camp à sa libération. C’est ce qui a particulièrement marqué Matthieu, Maëva, Eve-Marie, Alicia et Océane. « Cela paraît trop inhumain, ce deuxième camp est encore pire que le premier », détaillent les jeunes.

« Il faut le voir »

La journée se termine à l’endroit le plus significatif, s’il en est. La première chambre à gaz, partiellement reconstituée, qui a également servi de morgue. Difficile de se dire que des centaines de personnes y mourraient chaque jour, avant de passer dans la pièce d’à côté, pour disparaître dans les fours crématoires. « Même la personne qui nous accompagnait était choquée, remarque William. C’est irréel. » « Il faut le voir pour se rendre compte », ajoute Dimitri.

En tout, la visite des deux camps a duré environ 5 heures. « C’est plus que le temps passé par certains juifs à Auschwitz », pointe Krzysztof Jasek. Edifiant.

Raphaël Hudry

Source : http://www.lereveilnormand.fr/2016/03/30/shoah-les-lyceens-reviennent-des-camps-de-la-mort/

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