«Monsieur le président, reprenez-vous», la lettre de Fillon à Hollande

« Il reste seize mois au président de la République pour remettre le pays dans le bon sens. Sinon, c’est le naufrage assuré », écrit l’ancien premier ministre François Fillon dans une tribune.

François Fillon, ancien premier ministre et député de Paris
François Fillon, ancien premier ministre et député de Paris

Depuis deux ans, je parcours notre pays, et je n’ai pas été surpris par ces élections régionales. J’ai vu des agriculteurs performants qui travaillent 80 heures par semaine et ne peuvent pas se verser de salaire à la fin du mois. J’ai vu des entrepreneurs et des artisans qui paient tant de cotisations, d’impôts et de taxes que leur revenu est inférieur au smic. Six millions de Français inscrits à Pôle emploi ; 700 000 chômeurs de plus depuis 2012, alors que l’Allemagne a créé dans le même temps 600 000 emplois ; 2 millions de jeunes qui ne sont ni à l’école, ni en formation, ni en emploi…
La vie est de plus en plus dure, l’avenir de plus en plus incertain, et on s’étonne que l’extrême droite gagne du terrain ! Quand il n’y a plus de progrès, quand il n’y a plus cette énergie économique qui motive l’existence de chacun, alors tout le monde se replie sur soi, avec sa rage au ventre. C’est sur le terreau de la paupérisation que s’étendent les questions d’identité nationale, de sécurité, d’immigration.
François Hollande n’est pas le seul coupable du mal-être français, mais sa politique l’a aggravé. Ses réformes économiques sont trop insignifiantes pour relancer la croissance et l’emploi. Ses grands discours républicains ne réparent pas concrètement les fissures de notre pacte qu’il a si longtemps niées. Le président ferait bien de ne pas jouer au monarque au-dessus de la tempête, car lui et son gouvernement sont les premiers responsables du climat délétère dans lequel se sont tenues les élections régionales. Il est consternant d’entendre dire qu’à l’Elysée on est soulagé de pouvoir faire de la tactique sur les décombres d’un scrutin inquiétant pour tous.
François Hollande a un devoir : comprendre la colère et combattre le désespoir en faisant en sorte que les seize mois qu’il lui reste ne soient pas les plus longs et les plus inutiles de la Ve République. A l’agenda gouvernemental, je ne vois rien qui soit à la hauteur de l’avertissement des régionales.

« Sommes-nous oui ou non en guerre

contre le chômage ? »

Sur le travail et l’emploi, il ne suffit pas de demander des rapports, de multiplier les commissions et de bricoler des mini-lois. Sommes-nous oui ou non en guerre contre le chômage, la désindustrialisation et le vote protestataire ? Si c’est le cas, alors le gouvernement doit très rapidement faire sauter des verrous. Il faut simplifier les conditions de conclusion et de rupture du contrat de travail, donner la liberté aux entreprises sur le temps de travail, revoir la définition du licenciement économique. Un fil conducteur : respecter l’autonomie des accords conclus dans les entreprises. Il est urgent d’effacer les seuils sociaux et leur nuisible logique : plus vous embauchez, plus vous subissez d’obligations réglementaires ! Urgent d’agir pour l’avenir de l’Unedic et ses 26 milliards de déficit, en mettant en place la dégressivité des allocations et une formation puissante et obligatoire pour les chômeurs de longue durée. Avec 1 % de croissance et plusieurs millions de chômeurs, le Parlement peut-il débattre pendant douze mois d’une mini-loi El Khomri [du nom de la ministre du travail], comme il a débattu pendant douze mois de la petite loi Macron [le ministre de l’économie] ?
Dans nos campagnes, les feux de la colère s’étendent. Pour nos agriculteurs, la baisse des charges est une question de vie ou de mort. Dans l’immédiat, le gouvernement doit libérer les agriculteurs de toutes les contraintes qui n’existent pas ailleurs en Europe. Nos administrations vont souvent plus loin que les législations communautaires. Un choc de simplification immédiat est nécessaire pour nos paysans qui ne sont pas seulement les paysagistes de nos territoires.
Du pays émane une demande d’autorité. Depuis quatre ans, notre politique de sécurité oscille entre fermeté et laxisme. Jamais les relations entre la police et la justice n’ont été aussi tendues. La garde des sceaux brouille le message de l’Etat. Sa réforme de la justice des mineurs programmée en 2016 doit être stoppée. Et si Christiane Taubira persiste à douter du bien-fondé de l’état d’urgence, alors elle doit être écartée du gouvernement.

« En alerte rouge sur le plan économique,

social et démocratique »

Sur la remise en ordre de nos finances publiques, François Hollande doit se reprendre. Il use d’un argument fallacieux : la sécurité des Français plutôt que la sagesse financière. Il y a trois ans, c’était une autre ficelle qu’il tirait : la croissance plutôt que la rigueur budgétaire. Nous n’avons eu ni croissance, ni rigueur. La dette française s’est envolée, l’Etat n’a pas été réformé, nos administrations ont continué d’embaucher sans compter, les 150 000 postes supprimés par mon gouvernement ont été effacés par le culte du toujours plus… Le jour où le cours de l’euro et le prix du pétrole augmenteront, le jour où la BCE cessera de faire tourner la planche à billets et où nos taux d’intérêt se relèveront, la France sera au bord de la faillite et, ce jour-là, comment financerons-nous notre sécurité ?
Le président de la République considère que le pacte de stabilité n’est rien d’autre qu’une obligation qui nous est imposée par l’extérieur, et non une exigence librement choisie par un pays souverain. Ce discours fait le jeu de tous ceux qui accusent Bruxelles de tous les maux qui sont en réalité les nôtres.
L’Europe part en vrille. Après la Grèce, après nos errements face aux afflux de réfugiés, voici la menace du « Brexit ». La France n’étant pas en situation de leadership, nos concitoyens cèdent à la tentation du protectionnisme. Quelle vision de la France et de l’Europe François Hollande oppose-t-il au repli nationaliste ? Quelle nouvelle politique face à la montée en flèche de l’extrême droite ?
Monsieur le président, notre nation n’est pas seulement en état d’urgence face aux terroristes, elle est en alerte rouge sur le plan économique, social et démocratique. Le temps n’est plus aux demi-mesures. Si vous n’entendez pas l’avertissement, vous serez responsable du naufrage national.
François Fillon, ancien premier ministre, est député Les Républicains de Paris
http://mobile.lemonde.fr/idees/article/2015/12/19/monsieur-le-president-reprenez-vous-la-lettre-de-fillon-a-hollande_4835269_3232.html

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