Jean Zay au Panthéon : pour une juste Mémoire Par Brigitte Thévenot

Le 20 juin 1944, Jean Zay est assassiné par la milice française d’une rafale de mitraillette tirée dans le dos à Molles, petit village de l‘Allier à une quinzaine de kilomètres de Vichy. Ce Vichy qui tire alors ses dernières cartouches, ce Vichy qui l’a destitué, poursuivi, emprisonné et finalement assassiné. Il n’avait pas encore 40 ans. Selon des témoins, il eut à peine le temps de s’écrier : “Vive la France !” Son corps fut jeté dans un puits que les miliciens de Joseph Darnand prirent soin de dynamiter pour qu’il ne puisse jamais être identifié. Il le sera pourtant, grâce à sa fiche dentaire, quatre ans plus tard, découvert par des chasseurs avec deux autres compagnons d’infortune.
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Il sera alors inhumé à Orléans où il était né le 6 août 1904, d’un père juif alsacien, directeur du journal socialiste Le Progrès du Loiret, et d’une mère protestante.

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Jean Zay

Suite à la déroute de 1940, Jean Zay fait parti des vingt-sept parlementaires tels Pierre Mendès-France, Georges Mandel ou Edouard Daladier, qui se rendent à Bordeaux d’abord pour assister à la dernière session du Parlement, puis tentent de gagner l’Afrique du Nord pour organiser la Résistance. Il est arrêté à Rabat, au Maroc, début août et condamné, très vite, par le tribunal militaire de Clermont-Ferrand, celui-là même qui a déjà condamné De Gaulle à mort et qui va condamner Pierre Mendès-France à six ans de prison… Jean Zay est lui, symboliquement et volontairement, condamné à la dégradation militaire et à la déportation à vie, la même peine que celle infligée en son temps au Capitaine Dreyfus, peine qu’il ne pourra faire bien sur à cause de la guerre.
Il va alors croupir quatre ans dans une cellule de la prison de Riom avant de disparaître, ce 20 juin 1944, jour où il est assassiné par des miliciens zélés, vraisemblablement sur ordre de Vichy.
Avocat à 21 ans, Jean Zay a été une personnalité politique brillante et prometteuse de la IIIème République dont il fut, à 31 ans, le plus jeune ministre. Tour à tour conseiller général, député du Loiret à 27 ans sous l’étiquette radical-socialiste, sous-secrétaire d’État à la Présidence du Conseil, il fut enfin un remarquable Ministre de l’Éducation nationale et des Beaux-Arts du Front populaire.
C’est en effet à Jean Zay que l’on doit, entre autres choses, l’obligation de la scolarité jusqu’à 14 ans, le collège unique, le sport à l’école, la médecine préventive, une pédagogie d’enseignement très novatrice, ou encore des organismes comme le CNRS et l’ONISEP.
Il est également le créateur du Palais de la Découverte, de la Cinémathèque française, de la réunion des Théâtres lyriques nationaux, des Musées d’Art moderne, de l’Homme, de la Marine, des Travaux public, des Arts et Traditions populaires, le réformateur de la Comédie française, des Archives nationales, de la Bibliothèque nationale, du Musée des Monuments français, le restaurateur du Château de Versailles et de la cathédrale de Reims, le sauveteur de nombreux monuments français dont le Théâtre antique d’Orange ou encore la citadelle de Blaye. Il est, enfin, le fondateur visionnaire de ce qui est devenu la première manifestation culturelle au monde, le Festival de Cannes.
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Contrairement à Georges Mandel et Léon Blum, les Allemands n’eurent donc aucune responsabilité ni dans l’arrestation ni dans l’exécution de Jean Zay. Est-ce pour cela que la mémoire collective mettra si longtemps à rendre hommage à l’homme ? Il n’était ni gaulliste, ni communiste, ni socialiste, ni déporté. A la Libération, il ne sera revendiqué par personne. De quoi s’interroger, une fois de plus, une fois encore, sur les mécanismes d’occultation du passé et la façon dont on écrit l’Histoire, comme aurait dit le grand historien Marc Bloch, assassiné quelques jours avant Jean Zay par les Allemands, comme Victor Basch et tant d’autres.
Des trois miliciens qui allèrent chercher Jean Zay dans sa cellule pour l’assassiner, un certain Cordier fut abattu à la Libération, un autre du nom de Millou réussit à prendre la fuite. Quant à Charles Develle qui exécuta Jean Zay, il fut arrêté après guerre à Naples alors qu’il tentait de s’enfuir en Amérique latine. Traduit devant le Tribunal militaire de Lyon, il fut condamné, en 1953, aux travaux forcés à perpétuité.
Brigitte Thévenot
 
 
 
 
 

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