Ces jours de mars 2012 qui ont glacé nos cœurs, par Pascale Davidovicz

Le 11 mars 2012 le militaire français Imad Ibn Ziaten âgé de 30 ans est assassiné à Toulouse.

Le 15 mars 2012 les militaires français Abel Chennouf âgé de 25 ans et Mohamed Legouad âgé de 24 ans sont assassinés à Montauban.
Le 19 mars 2012 Gabriel Sandler 4 ans, Arieh Sandler 5ans, Jonathan Sandler 30 ans et Myriam Monsonego 7 ans sont assassinés à l’école juive Ozar-Hatorah à Toulouse.
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J’ai conservé l’édition du 20 mars 2012 du journal Libération qui avait choisi, en hommage aux victimes, de faire sobrement sa Une en affichant leurs noms, leurs âges et la date de leurs assassinats sur un fond noir.
image2Alors que la campagne présidentielle battait son plein, elle s’est arrêtée, et les tueries ont provoqué une subite parenthèse de « cohésion nationale ».
« C’est la République, dans ce qu’elle a de plus grand, de plus fort, son unité, qui doit répondre à cette barbarie » déclarait le candidat François Hollande.
Où en sommes-nous trois ans plus tard ?

Comme une litanie qui n’en finit pas.

En janvier dernier, suite à l’attentat contre Charlie Hebdo, le meurtre d’une policière à Montrouge, suivi de la tuerie à l’Hyper Casher de la Porte de Vincennes, le quotidien Sud Ouest titrait : « Attentats de Paris : ces deux semaines qui ont changé la France ».
Qui ont changé la France ?
Mais je rêve, ou plutôt je cauchemarde !
Les journalistes de Sud Ouest sont-ils atteints de la maladie d’Alzheimer ?
Ont-ils oublié Toulouse ?
Ont-ils oublié les milliers de personnes qui ont défilé toutes origines et confessions confondues pour soutenir les familles endeuillées, et à nouveau un an plus tard.

Latifa Ibn Ziaten, la mère d'une victime de Merah, et Samuel Sandler, père et grand-père de trois autres victimes, le 17 mars 2013 à Toulouse (c) Afp
Latifa Ibn Ziaten, la mère d’une victime de Merah, et Samuel Sandler, père et grand-père de trois autres victimes, le 17 mars 2013 à Toulouse (c) Afp

Et quand bien même l’auraient-ils oublié, les attentats de ce nouveau terrorisme islamiste radical n’ont pas fait que changer la France, ils ont changé le Monde.
Qu’ils élargissent leur lorgnette !

 Pour en finir avec la thèse des « loups solitaires ».

Heureusement d’autres journalistes et experts en anti-terrorisme ont des analyses plus fines et relèvent que la stratégie des groupes terroristes a changé.
Jean-Charles Brisard du CAT Centre d’Analyse du Terrorisme nous dit que « nous sommes face à une nouvelle forme de terrorisme ».
« On a maintenant affaire à une multiplicité d’individus alors que nous avions l’habitude de combattre des groupes terroristes hiérarchisés et organisés. Il s’agit désormais d’individus ou de groupuscules qui n’ont pas nécessairement beaucoup de préparation mais qui obtiennent des répercussions très fortes, notamment à travers les médias. »

Jean-Charles Brisard, spécialiste des questions liées au terrorisme et à son financement - SIPA
Jean-Charles Brisard, spécialiste des questions liées au terrorisme et à son financement – SIPA

« Nous sommes face à une nouvelle forme de terrorisme, sans gros moyens mais d’une violence particulièrement élevée. Ils sont souvent aguerris au maniement des armes, grâce à des voyages sur des théâtres extérieurs comme la zone syro irakienne.
Aujourd’hui, le terrorisme mène des actions beaucoup plus ciblées ».
C’est ce que ne cesse de marteler depuis des lustres le juge antiterroriste Marc Trévidic, qui fait aussi partie du CAT, réclame des enquêteurs et a plaidé pour des moyens supplémentaires après l’agression au couteau de trois militaires à Nice.
 
Pour Marc Trévidic, notre société, faute de valeurs, contribue à la motivation des djihadistes. -  (Photopqr le Républicain Lorrain)
Pour Marc Trévidic, notre société, faute de valeurs, contribue à la motivation des djihadistes. –
(Photopqr le Républicain Lorrain)

« Ce qui s’est passé en France en mars 2012 n’est pas l’acte d’un loup solitaire guidé par sa folie » déclarait Nicole Yardeni, la présidente du Crif Midi-Pyrénées.
Depuis des années, les meurtres, les attaques, les insultes et les menaces se multiplient partout dans le monde, contre les juifs, les militaires, les forces de l’ordre, les chrétiens d’Orient, toutes les minorités dans les pays musulmans et contre tous ceux qui ne se soumettent pas au nazislamisme (vous me pardonnerez ce néologisme que je préfère à islamo fascisme).
Pour ne citer que quelques uns de ces attentats et meurtres : assassinat d’un soldat britannique au hachoir en plein Londres le 22 mai 2013, tuerie au Musée juif de Bruxelles le 24 mai 2014, fusillades à Copenhague contre un centre culturel et une synagogue le 14 février dernier, 44 étudiants abattus dans leur dortoir à Gujba au Nigeria en septembre 2013, enlèvement de lycéennes à Chibok au Nigeria en avril 2014 converties et mariées de force, décapitations d’otages et de coptes.
La liste est hélas trop longue.

Résignation ou combativité ?

Que l’on ne me parle plus des effets du colonialisme, de la Françafrique, de la déstabilisation des états arabes, de la mauvaise gestion américaine en Irak, ni de l’ingérence de l’Occident dans les pays africains qui nous ont eux-mêmes réclamé notre aide.
Je ne le supporte plus.
Nous ne sommes pas dans un monde de Bisounours. Sans blague ?
Alors on ne fait rien ?
On regarde et on critique ?
On se contente de faire des commentaires désabusés du fond de son canapé et de condamner ceux qui agissent.
Oui il y a le pétrole,
Oui il y a les intérêts économiques des multinationales,
Oui il y a les intérêts des puissants qui n’en ont rien à faire de nous,
Oui il y a la realpolitik,
Oui il y a les mauvais choix politiques,
Oui il y a le conflit israélo-palestinien,
Oui il y a …
Faut-il pour autant ne rien faire pour empêcher l’extension du terrorisme, de l’islamisme radical et la mort d’innocentes victimes sous prétexte de choix qui nous dépassent ?
Mon père aurait-t-il regretté d’avoir rejoint la Résistance puis l’US Army parce que les USA allaient récupérer des ingénieurs nazis pour leur programme spatial et nous inonder de leur chewing-gum, de leurs fast food et de leur coca cola ?
Je ne peux plus lui poser la question.
Mais je connais sa réponse.

Wernher von Braun, père du missile V2 sous l'Allemagne nazie, expérimente l'apesanteur, lors d'un vol à bord d'un KC-135 de l'US Air Force, en 1968 © NASA
Wernher von Braun, père du missile V2 sous l’Allemagne nazie, expérimente l’apesanteur, lors d’un vol à bord d’un KC-135 de l’US Air Force, en 1968 © NASA

Mon fils devrait-il renoncer à réparer les avions pendant 16 heures par jour sous 44° au Niger pour aider à combattre les groupes terroristes sous le prétexte que la France poursuivrait une politique Françafrique ?
Je peux lui poser la question.
Mais je connais sa réponse.
On ne peut refaire le Monde, on peut juste essayer de l’améliorer et de défendre nos valeurs contre vents et marées, au prix de devoir faire parfois abstraction des contingences politiques et économiques auxquelles il nous est difficile d’échapper.
Pendant que des cerveaux détraqués s’en prennent maintenant à nos concitoyens de confession musulmane, je continue de parler avec mes chers chauffeurs de taxi lyonnais d’origine maghrébine que je tente de rassurer autant qu’ils me rassurent.
Pascale Davidovicz

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