Le Royaume" d'Emmanuel Carrère chez P.O.L. comment transformer une petite secte juive

Croyants ou non croyants, précipitez-vous sur “Le Royaume” d’Emmanuel Carrère, palpitante fresque-enquête sur les débuts de la chrétienté, qui mêle d’une plume extraordinairement vivante, histoire, méditation, humour facétieux, érudition et souvenirs intimes : le choc de la rentrée littéraire.
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Dans ce douzième livre publié chez P.O.L, Emmanuel Carrère, 56 ans, emporte le lecteur dans une visite guidée passionnante du Nouveau testament et du monde antique, vers la fin du Ier siècle de notre ère, à une époque où
personne ne savait qu’il vivait “après Jésus Christ”…
En 640 pages, Emmanuel Carrère nous fait pénétrer dans l’intimité de Paul et de Luc, l’évangéliste qui sert de fil conducteur au livre, pour tenter de comprendre comment ces premiers fidèles ont transformé une petite secte juive, refermée autour de son prédicateur, crucifié sous Tibère et qu’ils croient ressuscité, en une religion qui, en trois siècles, a conquis l’Empire romain, puis le monde, et concerne encore le quart de l’humanité.
Une histoire somme toute incroyablement étrange ! S’appuyant sur les textes écrits par Luc et en imaginant sa vie, Emmanuel Carrère réalise ainsi le “making-of” du récit des origines du christianisme, en talentueux cinéaste qu’il est aussi.

TOUCHÉ PAR LA GRÂCE

Et l’auteur ne se prive d’aucun ressort pour captiver le lecteur, quitte parfois à le désarçonner. Il passe au fil des pages de la gravité à la trivialité, de l’exégèse savante au souvenir ému d’une vidéo porno, d’une réflexion sur l’Evangile de Luc en train de s’écrire (ce que raconte Luc, d’où le sort-il ?) à ses problèmes de baby-sitter, de sa participation au scénario des “Revenants”, la série de Canal +, à sa crise mystique.
Il nous fait aussi voyager de Jérusalem à Rome en passant par la Macédoine, des montagnes suisses à l’île de Patmos. Et nous apprend énormément de choses sur l’histoire de ces premiers chrétiens.
La première partie du livre est le récit autobiographique d’un tournant spirituel dans la vie de l’auteur, qui a embrassé la foi chrétienne il y a 25 ans. “Touché par la grâce”, dit-il, il devient alors un chrétien fervent,
dévot et presque excessif, va quotidiennement à la messe, prie compulsivement, commente plusieurs heures par jour les Evangiles dans des cahiers qu’il reprend pour écrire “Le Royaume” et redécouvre avec stupéfaction.

LE CROYANT D’ALORS

ET LE MÉCRÉANT D’AUJOURD’HUI

“J’avais décidé de croire que ce qui était écrit dans les Evangiles était non seulement beau, intéressant, passionnant, mais que c’était +la Vérité+, que le Christ était ressuscité, qu’il était le fils de Dieu et que sa mère était vierge. Des choses auxquelles je ne crois plus, même si je continue à fréquenter la Bible, les Evangiles, les Actes des apôtres”, relève l’auteur qui a choisi de faire dialoguer ses deux +moi+ : le croyant d’alors et le mécréant d’aujourd’hui, sans trop trahir son ancienne foi.
Et trois ans après “Limonov”, prix Renaudot 2011 plébiscité par les lecteurs, cette fresque ambitieuse, drôle et grave sur les débuts du christianisme, peut elle aussi se lire comme la biographie d’un jeune écrivain curieux du monde et attachant, Luc. Une biographie en grande partie imaginaire mais basée sur les écrits de cet évangéliste qu’Emmanuel Carrère fait revivre sous nos yeux.
Myriam Chaplain-Riou pour AFP
 

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