Le pétrole kurde irakien arrive en Israël

Les Kurdes irakiens réclament

leur souveraineté pétrolière

La vente de pétrole fait l’objet d’une querelle intense entre le gouvernement central irakien, basé à Bagdad, et le gouvernement régional du Kurdistan, basé à Erbil.altai_2

Au début de la semaine, au large de Malte, le tanker United Emblem transfère son pétrole brut dans les cuves du tanker Altaï. Celui-ci a ensuite traversé la Méditerranée vers l’est avant de jeter l’ancre vendredi devant Israël. Il devrait se mettre à quai ce samedi matin dans le port d’Ashkelon. C’est la toute première fois que du pétrole kurde irakien est exporté. Pourquoi ce tour de passe-passe, d’un tanker à l’autre? «Cela permet de rendre la transaction plus opaque, plus difficile à attaquer judiciairement», explique Patrick Osgood, le chef du bureau kurde d’Iraqi Oil Report.
Car ce pétrole fait l’objet d’une querelle intense entre le gouvernement central irakien, basé à Bagdad, et le GRK, le gouvernement régional du Kurdistan, basé à Erbil. Le premier menace de lourdes sanctions toute entité qui achèterait du pétrole kurde – et se trouve soutenu dans ce combat par Washington. Voici pourquoi un tanker rempli d’un million de barils de pétrole fait des ronds dans la Méditerranée depuis fin mai. Le United Leadership s’est arrêté devant les côtes marocaines, où il devait vraisemblablement accoster pour livrer son brut à la raffinerie de Mohammedia. «Ils ont dû retenir la leçon», poursuit Patrick Osgood. «Les Kurdes devaient trouver un acheteur en mesure de résister aux pressions de Bagdad et Washington.»
Le Kurdistan serait potentiellement à la dixième place mondiale en termes de réserves de pétrole. C’est tout l’objet de la querelle entre Bagdad et Erbil sur des termes… constitutionnels. Selon l’article 112, «le gouvernement fédéral administrera le pétrole et le gaz extraits des champs existants en coopération avec les gouvernements des régions et provinces productrices à condition que les revenus soient distribués de manière juste et compatible avec la distribution démographique du pays.» Tout le problème vient de la définition des «champs existants». Pour Bagdad, il s’agit des champs de pétrole sur tout le territoire irakien. Une compensation existe en fonction des provinces: ainsi, le gouvernement du Kurdistan devrait toucher 17% des revenus du pétrole.

Un pipeline vers la Turquie

«Ça fait deux ans que nous ne touchons plus rien», proclame le porte-parole du Parti démocratique du Kurdistan, Hemin Hawrami. La ligne kurde est la suivante: les «champs existants» concerneraient les champs en exploitation au moment de la rédaction de la Constitution. Les champs de pétrole découverts après appartiennent aux provinces dans lesquelles ils sont trouvés. «Nous avons beaucoup d’acheteurs pour notre pétrole. Nous sommes la seule région sûre d’Irak. Nous ne vendons que le pétrole des champs que nous avons nous-mêmes découverts et exploités. Bagdad, comme d’habitude, veut contrôler et centraliser tout le pétrole irakien», poursuit Hermin Hawrami.
Mais le Kurdistan, depuis 2008, drague les compagnies pétrolières avec des contrats plus avantageux que ceux qu’offre Bagdad. La province a attiré d’abord les petites compagnies, puis les grandes majors mondiales, comme ExxonMobil ou Total. Et le gouvernement profite du flou constitutionnel qui aurait dû normalement être réglé par une loi organique, qui n’a jamais été votée.
L’exportation devrait être rendue encore plus facile. Depuis début mai, un tout nouveau pipeline est en service. Il part du Kurdistan irakien vers la Turquie, pour déboucher dans le port turc de Ceyhan, en Méditerranée. Les Turcs ont autorisé les Kurdes à utiliser leur pipeline, passant outre, une fois de plus, à l’avis des autorités de Bagdad.
La dernière inconnue reste la prise de Kirkouk et de ses champs de pétrole par les Kurdes. Là encore, Erbil profite d’un flou juridique. «Le problème, c’est qu’il n’y a aucun arbitre suprême en Irak. Donc les Kurdes peuvent mettre au point leurs propres lois pour exporter le pétrole de façon régulière. Ils viennent de prendre Kirkouk. Le problème, c’est ce qu’ils vont en faire…» explique à nouveau l’expert Patrick Osgood. Pour l’instant, les attaques djihadistes rendent l’exploitation difficile. Les vrais problèmes risquent de commencer après.
http://www.lefigaro.fr/international/2014/06/20/01003-20140620ARTFIG00357-les-kurdes-irakiens-reclament-leur-souverainete-petroliere.php

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