"Opérations de guerre " par Maxime Perez

A quelques heures d’intervalle, Israël a mené deux opérations complexes hors de ses frontières. L’une, officieuse, contre une base de défense aérienne en Syrie. La seconde, à découvert, contre un tunnel de contrebande du Hamas, à Gaza. 

Maxime Perez
Maxime Perez

Une fois de plus, Israël se retrouve pointé du doigt. Mercredi soir, une base de défense aérienne du régime d’Assad aurait été la cible d’une mystérieuse frappe. Le site se trouve près du  village agricole de Snobar, à quelques kilomètres au sud de Lattaquié, une province majoritairement alaouite et sous le contrôle des forces d’Assad. En l’absence d’images, ces allégations sont difficiles à confirmer, mais des témoins disent avoir vu au moins deux missiles traverser le ciel syrien depuis la mer avant de s’écraser sur la base. Les explosions auraient été entendues dans toute la région.

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Plusieurs médias syriens pro-régime ont confirmé le raid sans désigner explicitement l’Etat hébreu comme coupable – la plupart évoquent « une source inconnue ». Du coté de l’opposition, en revanche, on se démarque de toute implication dans l’attaque et sous-entend qu’il s’agit d’une action qui porte la signature d’Israël. Hasard ou pas, il se trouve que la base prétendument bombardée a été récemment photographiée par satellite. Plus étonnant encore, seule la télévision israélienne s’en est faite l’écho, quelques heures seulement après l’annonce d’une frappe.
On distingue sur les clichés le déploiement au sol de systèmes anti-aériens sophistiqués, tous de fabrication russe, à l’instar du S-125 – appelé SA-3 dans le jargon militaire occidental. Ce missile sol-air de courte portée (35km) est aux mains du régime depuis plusieurs décennies. Ses performances ont été améliorées par l’industrie militaire russe ; de nouvelles batteries de ce système viennent  d’être livrées à Damas en octobre dernier. En plus d’être facilement transportable, le S-125 peut désormais être déployé en vingt-cinq minutes et dispose d’un traqueur électro-optique.
Au sein de l’OTAN, on admettait que ce système pouvait rendre difficile la mise en place d’une zone d’exclusion aérienne en Syrie, envisagée un moment comme alternative à une guerre totale contre le régime d’Assad. En 2012, l’ancien commandant de l’armée de l’air israélienne, le général Ido Nehoshtan affirmait pour sa part que ces missiles pouvaient largement se substituer au redoutable système S-300, dont la Syrie tente d’obtenir la livraison depuis de nombreuses années. En d’autres termes, le S-125 est perçu par Israël comme une arme stratégique, à même de poser une menace pour son aviation.

Trahison de Washington ?

La chaine satellitaire Al-Arabiya, bien implantée en Syrie, affirme que les missiles visés étaient des SA-8, seul système anti-aérien intégrant radar et plateforme de lancement sur un même véhicule. Au moins deux cargaisons de ces missiles s’apprêtaient à faire route vers le Liban, à destination du Hezbollah. Elles auraient été détruites par des chasseurs-bombardiers israéliens juste avant leur transfert. Ces fuites sont là aussi impossibles à confirmer. Seule indication tangible : mercredi soir, aux alentours de 22 heures, puis jeudi matin à nouveau, les forces armées libanaises ont fait état d’un survol intensif de leur territoire par l’aviation de Tsahal.
Les spéculations connaitront finalement leur épilogue sur la chaine d’information américaine CNN. C’est un haut responsable de l’administration Obama qui vendra la mèche en affirmant, sous couvert de l’anonymat, qu’Israël était responsable de l’attaque survenue près de Lattaquié. Ses propos ont provoqué l’ire des responsables israéliens, qui pour la seconde fois depuis le début de l’année – la première remontant aux raids sur Damas le 5 mai dernier – s’estiment « trahis » par leur principal allié.
Si Jérusalem dit craindre que de telles « fuites » l’exposent à des représailles immédiates de Damas, Washington répond que les actions de l’Etat hébreu « nuisent aux intérêts américains dans la région ». Reste qu’Israël, à la différence du président Barack Obama, semble s’en tenir à ses « lignes rouges », malgré une volonté de rester à l’écart du conflit syrien. Depuis des mois, ce même  principe est martelé par Benyamin Netanyahou et son ministre de la défense, Moshé Yahalon : l’interdiction de toute livraison d’armes stratégiques au Hezbollah. A l’évidence, le message n’a pas encore été saisi par le dictateur syrien, Bachar el Assad.

« Guerres des tunnels » à Gaza

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A Gaza, c’est bien le pire qui a été évité jeudi soir. Aux alentours de minuit, une unité d’élite du génie militaire israélien menait une incursion d’une centaine de mètres dans le secteur de Khan Younès, au sud de l’enclave palestinienne. Son objectif était de détruire les ramifications d’un vaste tunnel découvert le mois dernier et qui devait servir à des infiltrations terroristes dans les localités israéliennes frontalières de Gaza. La cible de l’armée était tout de même complexe à atteindre: située à 18 mètres de profondeur, elle s’étendait sur près de 1700 mètres.
Repérés ou attendus, les soldats de Tsahal sont tombés dans une véritable embuscade du Hamas: activation d’une charge explosive dès leur entrée dans la zone, tirs d’obus de mortier destiné à paralyser tout mouvement, rafales d’armes automatiques en leur direction, le mode opératoire n’est pas sans rappeler celui du Hezbollah au Sud-Liban. Soutenue rapidement par des hélicoptères de combat Apache, l’unité de Tsahal est parvenue à repousser l’attaque. Mais les affrontements ont duré plusieurs heures et sont les plus violents depuis l’opération “Pilier de défense”, menée en novembre 2012. Le bilan témoigne: 5 soldats israéliens blessés, dont trois grièvement – parmi eux, deux officiers supérieurs -, et coté palestinien, 4 morts, tous appartenant aux brigades Ezzedine Al Qassam.
Cette escarmouche ne montre pas uniquement  que le Hamas reste une milice aguerrie et dangereuse pour Israël, elle prouve aussi que la situation est extrêmement volatile en bordure de la bande de Gaza. Du propre aveu des responsables de Tsahal, l’incident de jeudi soir aurait pu se solder par la capture d’un ou plusieurs soldats israéliens blessés dans l’embuscade. Un tel scénario aurait pu mener à une escalade beaucoup plus grave, à même d’entrainer une action terrestre imminente de Tsahal dans l’enclave palestinienne. C’est dans les mêmes conditions qu’en juin 2006, le caporal Gilad Shalit avait fait prisonnier par le Hamas. Sa libération, intervenue cinq ans plus tard, avait été obtenue après d’âpres et douloureuses négociations pour l’Etat hébreu.
Maxime Perez

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