Israël solidaire : Kavod pour les handicapés, par Jean-Paul Fhima

Israël solidaire, solidaires Israéliens

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En Israël, on fait beaucoup pour changer

au quotidien le visage du handicap.

Qu’ils soient députés de la Knesset, professionnels de santé ou bénévoles associatifs, artistes ou inventeurs, les Israéliens n’ont peur de rien, surtout pas des handicapés, avec lesquels ils partagent les mêmes valeurs et la même foi dans l’avenir.
Le professeur et pédagogue  Reuven Feuerstein, décédé le 28 avril 2014 à 92 ans, était un citoyen d’Israël connu dans le monde entier. La méthode qui porte son nom, et qu’il a enseignée à Jérusalem et aux Etats-Unis, est destinée aux enfants avec un retard intellectuel ou aux grands traumatisés de guerre.
Selon Feuerstein qui s’est d’abord occupé d’enfants rescapés de la Shoah, « toute personne est capable de changement, quels que soient son âge, son handicap et la gravité de son handicap. Les enfants différents ont simplement besoin d’un surcroît d’attention et d’investissement personnel » (Christine Mayer, 8ème Biennale de l’éducation et de la formation de Lyon, avril 2006). Il n’existe pas de condition irréversible du handicap, qu’il soit mental ou moteur. L’adaptation à l’environnement est possible par une approche relationnelle privilégiée avec un médiateur, médecin ou volontaire formé.
Contrairement aux idées reçues, l’intelligence n’est pas innée, elle s’apprend.
L’enfant valorisé, mis en situation de développement et d’éveil, est placé dans une dynamique de changement. Le handicap devient modifiable, les compétences s’adaptent et s’enrichissent. Les progrès font reculer la fatalité de la maladie cérébrale. Cette méthode d’apprentissage mise en place dans une centaine de centres à travers 40 pays dont la France (Tribune juive, 23 février 2013) est un « acte de foi, la foi dans l’homme qui peut se transcender » (Nouvel Observateur, 30 avril 2014).
L’Etat israélien, soucieux du respect et de la dignité de la personne, s’intéresse de près à l’intégration sociale et citoyenne des handicapés.
« Des efforts et des ressources considérables ont été investis pour leur garantir l’accessibilité du plus grand nombre de sites possible et pour  leur assurer des prestations équivalentes à celles destinées au reste de la population ».
Des mesures conséquentes ont déjà été prises pour simplifier l’accès aux bâtiments et aux transports publics (loi de février 2009), voitures de taxis comprises. Des contrats spécifiques garantissent les conditions de travail des handicapés, leur promotion et leur place au sein des entreprises. La réglementation en matière de logement prévoit de renforcer leur autonomie à domicile, de leur accorder des aides financières à la location d’un logement, et de leur faciliter l’accession à la propriété.  Le handicap permanent délivre un droit à la prise en charge par l’Assurance nationale (Bitouah Léoumi) qui verse des pensions et des prestations spéciales selon les niveaux d’invalidité, finance des services de rééducation et pourvoit à tous les besoins quotidiens de santé sur présentation d’un simple document.

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Tous les autobus sont accessibles depuis 2012.

Différents programmes ministériels, dans le tourisme ou le transport aérien par exemple, ont permis de rendre accessibles de nombreux sites historiques (dont Massada) et d’améliorer la mobilité des personnes handicapées, même à l’étranger.
Depuis le 18 novembre 2009, une loi votée à la Knesset dès la première lecture a strictement interdit de se garer sur une place réservée aux handicapés sous peine d’une lourde amende de 5000 shekels (près de 1000 euros). A l’occasion de la Journée internationale des handicapés (2 décembre 2009) l’organisme ‘’Access Israël’’ a invité les députés à se mettre dans la peau d’un aveugle ou d’un invalide en fauteuil. Peu de temps après, la Knesset votait une autre loi obligeant chaque ville du pays à placer des avertisseurs sonores aux passages piétons.
Dans l’Etat hébreu, réduire les discriminations est devenu un quasi combat national. La raison en est le fondement même de l’éthique juive : faire justice à l’autre en le rétablissant dans son humanité par le regard bienveillant qu’on lui porte.
La Tsedaka est un acte religieux d’entraide défini dans le Deutéronome et le Lévitique. Au cœur du contrat social dont parle la Bible, elle se concrétise par l’acte solidaire et l’engagement désintéressé à autrui (Joëlle Bernheim, psychologue et psychanalyste). Aider l’autre dans la détresse est une façon de contribuer, à son humble mesure, à améliorer le monde. Le kavod, respect de la dignité de l’individu particulièrement exposé au sentiment d’infériorité, de gêne, ou de honte, est une notion maitresse dans la morale du judaïsme. Préserver le handicapé du sentiment d’exclusion est un devoir bien défini par les docteurs de la Loi juive.
Beaucoup de citoyens israéliens, croyants ou pas, se sentent concernés par le handicap.
Des dizaines d’associations de bénévoles et de volontaires, parents, étudiants, professionnels de santé, psychologues, assistantes sociales, apportent un soutien logistique indispensable à la fois aux handicapés eux-mêmes mais aussi à leurs familles. Ces associations dont le travail est formidable créent une indispensable chaîne de solidarité et promeuvent au jour le jour l’égalité des chances et des individus, sans critères ni frontières.
Akim Israël est l’association nationale par excellence, de réputation mondiale. Fondée en 1951 par un groupe de parents, et financée en grande partie par les dons privés, elle favorise l’intégration sociale des handicapés mentaux, y compris les olim venus de Russie ou d’Ethiopie et s’adresse à tous, sans distinction. Basée à Tel Aviv, elle dispose de 55 antennes réparties dans tout le pays. On y trouve des foyers résidentiels, des pouponnières et des jardins d’enfants, des ateliers de création artistique ou théâtrale, et même des bureaux de placement sur le marché de l’emploi. L’association organise des cours d’histoire de l’art dans les Musées de Tel Aviv, Jérusalem et Haïfa, ou met en place avec un encadrement approprié des vacances dans les stations balnéaires.
Akim aide aussi les handicapés qui le souhaitent à trouver une place dans l’armée. Leur tâche consiste à nettoyer, classer et stocker l’équipement militaire. Pour le général Ami Zamir, représentant de Tsahal, l’armée ne peut pas exclure les personnes ayant des besoins spéciaux parce que « nous partageons tous le même destin ».
Handicapés de Tsahal et le président Shimon Peres.
Handicapés de Tsahal et le président Shimon Peres.

La sportive Inbal Pezaro, 23 ans, a fait son service militaire en tant qu’entraineur de natation dans les commandos de la marine israélienne. Paralysée des membres inférieurs, elle a remporté une médaille d’argent aux 100 mètres nage libre aux jeux paralympiques de Pékin en 2008. La soirée de l’AMIF (Association des Médecins Israélites de France) l’a reçue avec tous les honneurs, le 13 avril 2013.
Les jeunes bénévoles de l’association humanitaire IsraAid apportent aide matérielle et assistance psychologique aux réfugiés syriens du camp jordanien de Al Mafraq. Plus de 100 000 adultes et enfants bénéficient d’un programme financé par les dons d’organisations juives comme l’Américan Jewish Committee, la Fondation Pears, le World Jewish Relief (Times of Israël, 5 avril 2014). Le handicap invisible de la guerre (traumatisme et stress) est soigné par une interaction constructive faite d’empathie et de compréhension dans la droite ligne de la méthode Feuerstein.
Ce rapprochement israélo-arabe n’est pas bien perçu par tout le monde mais semble peu de chose face à l’impérative volonté du directeur du centre jordanien de bénéficier d’une expérience et d’un travail qui commencent à se faire connaître.
La Bulgarie aussi, confrontée à l’afflux massif de réfugiés syriens via la Turquie, s’est déclarée vivement intéressée par l’action d’IsraAid.
La formidable association Ahim apporte à une centaine de grands handicapés moteurs et cérébraux des soins médicaux mais aussi une écoute pleine de joie de vivre et d’attention. 400 volontaires, infirmiers, réanimateurs et étudiants en médecine, proposent aux familles de se déplacer à domicile une à deux fois par semaine, de une à quatre heures par jour, pour permettre aux parents de souffler un peu, de sortir et de se changer les idées.

    httpv://www.youtube.com/watch?v=ol6qG63vq_Q

L’association francophone et religieuse Naguilah (allégresse en hébreu) a été fondée en France en 1968 avant de s’implanter en Israël en 1990. Initialement destinée aux non-voyants, puis aujourd’hui aux sourds et aux handicapés moteurs, elle met l’accent sur les rencontres avec les valides et l’utilisation innovante d’outils pédagogiques et culturels pour lutter contre les préjugés et faciliter l’autonomie.
L’association Inbar organise des mariages entre accidentés de la route ou victimes de terrorisme. En tentant de réparer les injustices de la vie, elle redonne à tous le goût de fonder une famille et de renouer avec la société (Alyaexpress, 30 septembre 2013).
Il n’est pas inutile de souligner d’autre part que la société israélienne puise dans le handicap une source inattendue d’inspiration et d’innovation.
Rotem Elnatan, atteint de paralysie cérébrale, reste cloué dans son fauteuil roulant. Sa maman, musicothérapeuthe à Jérusalem, a inventé pour lui un harnais appelé l’Upsee qui lui permet non seulement de se lever, retenu à la taille par un adulte, mais aussi de ressentir les sensations de la marche. Cette invention, peu onéreuse et disponible sur internet, est commercialisée par une société anglo-irlandaise. Malgré les contre-indications de certains experts, cette maman n’a jamais renoncé à faire marcher son fils. Elle n’a cessé de perfectionner et d’adapter cette invention simple et peu encombrante, sur les conseils de spécialistes de santé qui l’ont accompagnée et encouragée à en développer l’usage dans les milieux et les écoles spécialisés. Aujourd’hui, Rotem a 19 ans, il ne peut plus utiliser le harnais. Mais de nombreux enfants en profitent (Times of Israël, 8 avril 2014).
Une possibilité nouvelle et gratifiante d’explorer l’environnement conduit l’enfant à se mesurer à lui-même et aux autres. Se tenir debout et marcher devient un exercice simple et amusant avec, pour intérêt majeur, une satisfaction inimaginable de se dépasser.
Plusieurs familles ont testé l’Upsee comme celle d’Amichai Avner, 4 ans. « Un changement a été radical » a confié sa mère Nomi, stupéfaite des progrès physiques et sociaux de son fils. « Maintenant il se met à hauteur des autres enfants et de ses sœurs, il se déplace avec eux. Même s’il ne marche pas seul, il peut le faire. Il participe. Ce n’est pas simplement moi qui le fais à sa place, je le sens pousser. »
Aider les handicapés ne veut pas dire seulement leur permettre de se rapprocher de nous. Certains artistes handicapés nous invitent aussi à nous rapprocher d’eux.
Une exposition intitulée « Entendre la photographie» organisée au David Yellin Academic College of Education de Jérusalem propose de découvrir les œuvres d’artistes israéliens, tous sourds et malentendants. L’exposition cherche à faire comprendre au public comment leur handicap influence la manière de regarder et de montrer. L’œil qui regarde sans entendre est forcément différent. L’image invite le spectateur à se mettre dans la peau du photographe, à percevoir des détails moins insignifiants et plus intenses qu’il y parait.
« L’image apporte une vision plus contrastée de la couleur et des textures, elle accentue dans les portraits les traits du visage » indique Dalit Avnon, l’un des artistes exposés.
La quête du partage et de la création pour les handicapés, comme la découverte d’une différence riche et nouvelle pour les gens ‘’normaux’’, sont des expériences incroyablement gratifiantes dans les deux sens. « C’est parce que les sourds utilisent leurs yeux pour voir mais aussi pour écouter. Cela leur vaut une perspective spéciale dans le domaine de l’art visuel » confirme Shai Cohen, une autre photographe exposée (Times of Israël, 27 mars 2014).
 

Photo de Dalit Avnon, artiste malentendant.
Photo de Dalit Avnon, artiste malentendant.

Les transformations technologiques vont dans le sens de ce partage des compétences et des univers entre valides et invalides.
L’appareil israélien peu coûteux et non invasif appelé ‘’système OrCam Artificial Vision Device’’ est un smartphone intelligent qui aide les aveugles et les malvoyants.  Le procédé sophistiqué d’une caméra vidéo à haute résolution décrit à l’utilisateur ce qui est vu à partir d’une base de données qui reconnaît les mots, les visages, les lieux et les formes préalablement enregistrés et les décrit par boite vocale (Times of Israël, 4 avril 2014).
Enfin, signalons qu’un parc dédié aux enfants handicapés a ouvert à l’hôpital Alyn de Jérusalem en juillet 2013. Conçu par un groupe d’étudiants de l’Institut de technologie de Holon (HIT) et de l’organisation ‘’Ingénieurs Sans Frontières’’, les installations d’un espace de jeu ont été adaptées aux chaises roulantes et aux appareils respiratoires. Beaucoup de thérapeutes considèrent en effet l’aire de jeu comme l’espace privilégié par excellence. La communication de type ludique favorise le bien-être et l’apprentissage. Garçonnets et fillettes peuvent glisser sur des toboggans et réapprendre à être des enfants comme les autres.
Ainsi, on peut dire qu’au moment où Israël fête les 66 ans de son existence, la lutte contre le handicap est comme le symbole de tout un peuple. Faire reculer la fatalité et la transcender. Une belle leçon de courage, et d’espoir.
 Jean-Paul Fhima
JPF-Signa
 

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