Les juifs d’Alsace attendent leur nouveau grand rabbin

Durant deux week-ends encore, la communauté juive d’Alsace est invitée à faire connaissance avec les trois prétendants à la succession de René Gutman, qui prendra sa retraite à la fin de l’été.grand_rabbin_gutman_img

Les juifs de Strasbourg et du Bas-Rhin s’apprêtent à tourner une page. En septembre, le grand rabbin René Gutman partira en retraite, 30 ans après avoir accédé à ce poste. Son successeur sera élu le 14 mai par les sept membres du conseil du consistoire du Bas-Rhin, après audition des présidents des synagogues.

Nouveauté : les fidèles, même s’ils ne sont pas consultés, sont associés à ce processus de recrutement. Les trois candidats viennent tour à tour se présenter au public, lors des principaux offices de shabbat, avec leur épouse. Ils y prononcent un discours mettant en avant leurs priorités.

« Les gens ne se sentent pas très concernés »

Vendredi 21 avril, pourtant, les foules ne s’étaient pas déplacées à la grande synagogue. « Les gens ne se sentent pas très concernés », regrette une participante, qui aurait aimé un débat entre les prétendants. Dans le quartier, l’événement ne soulève pas les passions.

« Il a un rôle surtout “politique”, de représentation à l’extérieur de la communauté », estime Yaelle, 32 ans. Elle a son favori, celui qui a fréquenté les mêmes bancs d’école qu’elle, mais « que ce soit l’un ou l’autre, cela n’influencera pas beaucoup notre vie interne, alors je fais confiance. L’élection présidentielle me préoccupe davantage. »

Certains formulent cependant des attentes. « Je voudrais surtout qu’il préserve la diversité des pratiques », indique un trentenaire. « Il nous faut surtout un bon chef d’équipe », exhorte Jean, 70 ans. En effet, la communauté juive de Strasbourg n’a beau être, en nombre, que la cinquième communauté de France, avec 20 000 personnes, le judaïsme y est très organisé, avec des structures confessionnelles nombreuses, du jardin d’enfants à la maison de retraite, et une grande variété de lieux d’étude et d’oratoires.

Parmi les critères, l’érudition et le haut niveau de réflexion

Pour Véra, 52 ans, professeur d’hébreu, un critère semble capital : l’érudition et le haut niveau de réflexion du lauréat. « Les juifs d’Alsace ont une mentalité très intellectuelle. On ne pourra pas leur tenir un discours bas de gamme », juge-t-elle.

René Gutman confirme : « Dans son histoire, Strasbourg a toujours été à la pointe de l’étude, donc il faut d’excellents profils religieux. Ils doivent aussi avoir une bonne connaissance du rite ashkénaze, majoritaire ici, et une très bonne culture générale, avec si possible un parcours universitaire, afin d’être respectés dans un contexte de laïcité moderne, ainsi qu’un sens aigu de la diplomatie, notamment vis-à-vis de l’islam. »

Car, en Alsace comme en Moselle, le droit local des cultes en fait un interlocuteur particulier des autorités civiles, et un acteur majeur du dialogue interreligieux. Le grand rabbinat de Strasbourg a aussi un statut indépendant du consistoire central de France (le grand rabbin de France d’ailleurs n’intervient pas dans le processus de recrutement), et des privilèges similaires, comme la possibilité de nommer des rabbins. C’est aussi le grand rabbin de Strasbourg, capitale européenne, qui représente la France à la conférence des grands rabbins européens.

Trois candidats

Onze candidats s’étaient fait connaître ; seuls trois ont été jugés d’un niveau et d’une expérience suffisants.

Bruno Fiszon (55 ans)

Vétérinaire de formation, il est l’un des principaux spécialistes de l’abattage rituel en France, et des questions de cacherout. Grand rabbin de Metz et de Moselle depuis vingt ans, il fut candidat au grand rabbinat de France en 2014.

Daniel Dahan (47 ans)
Il a d’abord eu un parcours religieux, avant de reprendre des études en droit privé, et de soutenir une thèse sur le droit matrimonial hébraïque. Il est grand rabbin d’Aix-en-Provence depuis 2014, après avoir été vingt ans grand rabbin de Nancy.

Harold Weill (35 ans)
Il a grandi à Strasbourg. Parfaitement connaisseur de la communauté locale, il est rabbin de Toulouse depuis 2010. Il était en poste lors de la tuerie de Mohammed Merah à l’école juive Ozar Hatorah, en 2012.

Élise Descamps 

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