Israël, sur la piste de l’écotourisme

Chemin de grande randonnée du National Trail, ouverture des kibboutzim pour « renouer avec la nature et retrouver le plaisir d’une convivialité oubliée »… L’État hébreu se rêve en destination verte.

Ancienne déchetterie et parc Ariel Sharon entre Tel Aviv et l’aéroport Ben Gourion. Tel Aviv le 05/06/2018
Photo François Bouchon / Le Figaro

C’est une montagne composée de 25 millions de tonnes d’ordures ménagères qui porte le nom de Hiriya, au sud-est de Tel-Aviv. C’est un jardin extraordinaire, planté d’essences odorantes, dont on oublierait presque qu’il est composé de déchets, s’il n’y avait quelques lambeaux sortant du flanc de la montagne «pour que les gens se souviennent», explique Joanna Maissel, guide du parc Ariel Sharon. «C’est l’une des sept merveilles du recyclage du monde!», s’enthousiasme-t-elle. Il a ouvert il y a deux ans. À l’intérieur, un court-métrage d’animation raconte l’incroyable réhabilitation de ce dépotoir en jardin de promenade.

De 1952 à 1998, 3000 tonnes d’ordures y furent chaque jour déversées, soit la moitié de la consommation quotidienne des ménages du pays (l’autre moitié partant pour le Néguev). À deux doigts de la catastrophe écologique, ce n’est pas pour cette raison que le premier ministre, Ariel Sharon, ordonna de fermer la montagne et de la transformer, mais parce que des millions d’oiseaux affluaient sur la décharge, mettant en péril les avions de ligne de l’aéroport Ben Gourion tout proche.

«Cet endroit est une prouesse»

Dans le parc Ariel Sharon, une des merveilles de recyclage au monde. François Bouchon / Le Figaro

Or, «Israël est le deuxième pays de migration des oiseaux après le Panama», affirme Joanna. Sous nos pieds, un feuilletage d’argile, de plastique, de gravats et de terre plonge jusqu’à six  mètres pour isoler de la toxicité des déchets. Les restanques d’oliviers portent les stigmates de l’histoire: les murets sont composés de béton des bâtiments détruits. Au sommet, la vue embrasse la ville blanche et son rivage.

«Cet endroit est une prouesse. Car ici, l’écologie se heurte aux religieux», affirme une jeune femme croisée à l’aéroport. De fait, l’écotourisme en Israël n’en est qu’à ses balbutiements. «Le maire de Tel-Aviv a investi dans des pistes cyclables, mais il y a peu de sportifs: les gens ont acheté des vélos et des trottinettes électriques. Car outre le problème de la chaleur, il faut aussi compter avec l’humidité», confie Paule Kedem Rakower, guide officielle du ministère du Tourisme.

Mais même électrique, la petite reine est le moyen le plus ludique et le moins polluant pour circuler dans cette ville embouteillée. En sortir. Prendre la direction nord-est vers la Méditerranée. Suivre le National Trail, ce chemin national d’Israël qui traverse le pays dans sa longueur sur 1000 km et 44 étapes que l’on franchit de préférence à pied. La meilleure saison pour le parcourir s’étend d’octobre à mai.

Parcours éco-artistique dans la région de Hod HaSharon, le long de l’anciene route côtière numéro 4. François Bouchon / Le Figaro

En voilà un segment. Dans la région de Hod HaSharon, le long de l’ancienne route côtière portant le numéro 4, de vastes champs délaissés par leurs propriétaires vivant à l’étranger ont été investis par un artiste plasticien, Dani Manhaim, qui y a installé de monumentales sculptures. Toutes portent un message engagé pour la planète. Une immense fourchette avec un couteau plantés sur une motte de terre interrogent sur le respect de celle que l’on mange. Un mât dont les drapeaux flottant au vent sont en réalité des robes indique que «ce sont les femmes qui montrent le chemin». Un balai-brosse semble nettoyer le ciel… Tout un symbole sur ce site qui, il y a vingt ans, fut pollué par l’explosion accidentelle d’une usine d’armement.

Michal Wimmer-Luria, militante écologique, nous guide dans cette «galerie verte» à ciel ouvert qui flirte avec la ligne bleue de l’horizon marin. Le terrain borde le parc national côtier de Hod HaSharon qui s’étire entre la petite ville de Herzliya et celle de Netanya. Par un sentier dunaire escarpé, Michal chemine jusqu’au bord en ramassant les détritus jonchant le sol. C’est une passionnée qui parle d’écologie comme Nicolas Hulot. Auteur d’une thèse sur l’écotourisme dans le Haut Néguev, cette pétillante mère de famille quadragénaire n’a de cesse de sensibiliser les marcheurs ou écoliers en goguette qu’elle apostrophe, l’air de rien, à la protection de l’environnement. «C’est bon pour le business!», assure-t-elle dans un large sourire.

S’ouvrir aux voyageurs de passage

The Effendi Hotel.  Photo François Bouchon / Le Figaro

Les kibboutzim (le pluriel de kibboutz), ces villages communautaires idéalistes comme les phalanstères au XIXe siècle, mais créés par des migrants d’Europe de l’Est fuyant les pogroms du début du XXe siècle, l’ont bien compris, qui commencent à s’ouvrir aux voyageurs de passage. En Galilée, célèbre pour ses vins souvent primés et ses petits producteurs passionnés, «guest house» et «bed & breakfast» se multiplient pour proposer l’expérience du tourisme rural, le temps d’une nuit, ou d’un repas à la table commune avec des produits cultivés et cueillis par la collectivité.

Ainsi du kibboutz Nir-David, fondé en 1936 le long de la rivière Asi, près de la ville de Beit She’an: cet eco-lodge aux cinquante chalets de bois, avec son zoo peuplé d’autruches et de koalas, est un havre pour les familles. Ou encore du kibboutz Ein Gedi, établi en 1956 dans le désert de Judée, tout près du site archéologique de Massada: une oasis avec piscine, zoo et magnifique jardin botanique aux mille essences tropicales, dans un canyon de falaises ocre, bordé par la mer Morte. Sur Internet, le site israélien Hapisga recense, depuis 2003, des lieux de villégiature remarquables en Galilée pour découvrir son patrimoine culturel et historique, mais aussi «renouer avec la nature et retrouver le plaisir d’une convivialité oubliée».

La table bio poissonnière Uri Buri, propriété du prolixe Uri Jeremias. François Bouchon / Le Figaro

Entre terre et mer, on ne saurait trop conseiller une halte citadine, à Acre (autrement dit Akko ou Saint-Jean d’Acre) pour dîner chez Uri Buri. Portant le nom de son généreux, gourmand, prolixe propriétaire, Uri Jeremias, et d’un poisson local, le mulet, cette table bio poissonnière rassemble dans et autour de l’assiette toutes les communautés, juive, musulmane, chrétienne, druze, sans distinction d’origine ni de religion. Une table de paix, à l’image de l’Effendi, insoupçonné boutique-hôtel créé dans un palais de style vénitien vieux de 1500 ans au fond d’une ruelle descendant vers la mer. À l’intérieur: une église privée, des bains turcs et des murs peints de fresques portant l’histoire et la beauté cosmopolite de la terre promise. Ce bien commun extraordinaire est à deux pas du restaurant, qui fait rimer gastronomie avec écologie.

Source : lefigaro.fr

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