Lettre à Agnès. Paris. Par Sarah Cattan

Madame,

Ça s’appelle un thread.

Permettez que je vous traduise : Un thread, c’est un fil.

Vous ne savez pas ce qu’est un fil.?

Pour tout vous dire, récemment encore, j’étais comme vous.

Un fil, c’est un post.

Quoi.

Vous ne savez pas ?

Un post, C’est un truc, là, 3 mots, qu’aujourd’hui on gribouille vite fait mal fait via son Iphone pour qu’il paraisse aussitôt sur Twitter. Ou sur Facebook.

Un truc important. Ou pas.

Genre un truc que vous auriez … mangé.

Ou encore une agression antisémite à laquelle vous auriez assisté, là, par hasard, dans le métro.

Un samedi soir. Acte VI. Pièce Les Gilets. Paris. RATP. Ligne 4. 23 heures.

Madame, Il faut que je vous explique : le thread, il peut devenir viral.

Ça, ça veut dire que le post, il aurait fait le buzz.

Un carton, quoi !

Bref.

Madame, pour votre gouverne, hier samedi, vers 23 heures, Thibaut Chevillard, du journal 20 minutes, raconta sur Twitter la scène à laquelle il assista. Et dont vous fûtes … la bien involontaire vedette.

Paris. Métro. 23 heures. Lui rentrait d’un restau.

3 individus vêtus du Gilet et a priori ivres réclamaient la démission du PR et hurlaient à tout va, ponctuant leurs propos de la dite quenelle, laquelle est, à en croire certains malhonnêtes, le signe de ralliement de Tous les Gilets jaunes. Laquelle est, mille fois hélas, ce geste nazi impuni qui fait florès chez les brigands qui se mêlent aux manifestations. Hurlant leur haine. Leur haine infinie. Violente.

Vous vous seriez levée, madame.

Vous vous seriez levée, Madame.

Vous leur auriez intimé d’arrêter : Je suis juive, auriez-vous dit, descendante de morts à Auschwitz.

Nos 3 gentlemen devaient faire partie des 10 pour cent qui ne savent pas ce qu’est la Shoah. Ils vous auraient envoyée bouler. Vous auraient insultée.

A en croire notre Albert Londres, personne ne bougea.

Vous seriez descendue à quai. Tête baissée.

Lui est alors saisi d’un je ne sais quoi qui lui fait raconter, au retour chez lui, l’anecdote sur Facebook, vous savez, ce lieu où désormais la France va s’informer.

Il a dû oublier, dans son trouble sincère, qu’il bossait dans un journal et aurait pu faire son job.

Il n’a pas bougé. Vous a regardé faire. Il s’en veut. Croyons-le.

Les autres ? Ils n’y ont pas pensé davantage.

Ça s’appelle la lâcheté ordinaire. Banale. Le manque de courage. La peur. La trouille. Celle que vous n’eûtes pas. Vous qui vous levâtes. Vous qui avez osé. Seule.

Notre jeune journaliste ? Il eut la gerbe, écrit-il avec raffinement en rentrant chez lui, et espéra que son thread, donc, ferait le buzz et arriverait chez Vous. Voilà. Il a réagi.

Ça buzza.

A mort.

Toutes les chaînes parlèrent de l’agression antisémite négationniste.

A croire que le salaud de Dieudonné, on l’avait déjà mis en taule. Lui et tous ses potes adeptes du signe de ralliement. A croire qu’il n’allait pas, libre comme vous et moi. A croire que son geste, la France le découvrait !!!!!

A force de buzz, l’équipe du quotidien vous retrouva. On dit même que c’est vous qui les contactâtes !

Je suis au-dessus de tout ça !, auriez-vous affirmé, somptueuse.

Ils vous appelèrent Agnès.

Ben ouai.

Ils n’allaient pas vous appeler Sarah. Ou Esther.

Vous fîtes part de votre étonnement. Vous évoquâtes une bande d’ivrognes. Portant des gilets jaunes, tenant des propos antisémites​ et faisant des quenelles.

Vous saviez, semble-t-il, que chaque année Dieudonné remettait des quenelles d’or à des personnages antisémites.

Je ne baissais pas la tête, avez-vous précisé.

Ce furent vos neveux et nièces auxquels vous racontâtes votre mésaventure qui tombèrent sur le thread.

Madame. Pardonnez-nous. Nous qui vous avons laissée, seule, vous lever. Remettre à leur place ces tristes sires.

Pardonnez-nous. Nous qui n’avons pas été capables de vous escorter.

De descendre avec vous.

De faire ce bout de chemin.

De vous dire au revoir avec l’élégance que votre courage imposait.

Ils sont nombreux ces impunis qui continueront à déverser leur haine. Qu’elle fût antisémite. Raciste. Homophobe.

Ils sont nombreux les lâches. Mais aussi ceux que la peur pétrifie.

Ceux qui donc regarderont ailleurs.

Et se répandront, ensuite, en excuses.

Acceptez-les, de grâce.

Demain, ils se souviendront de vous. Se lèveront.

Sarah Cattan

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