Humeur du jour : Fils de… par Khaled Sloughi

1- Ce matin, je me prépare, comme d’habitude à rejoindre mon centre de détention pour former aux fondements des valeurs républicaines. Au petit déjeuner, ma femme me corrige les mots croisés de la veille, car elle fait ça depuis des décennies. Il faut avoir beaucoup de patience, et franchement, je n’en ai pas. J’essaie d’insister quand même pour prévenir Alzheimer, d’autant que je dois travailler jusqu’à la fin de mes jours, n’ayant pas de retraite.

L’ordinateur neurophile qui me sert de cerveau ne peut pas et ne doit pas tomber en panne, sinon je suis fichu.

 

2- Souvent, j’ai cité ces vers de Brel
“Mais fils de bourgeois ou fils d’apôtre
Tous les enfants sont comme le vôtre
Fils de César, ou fils de rien
Tous les enfants sont comme le tien
Ce n’est qu’après, longtemps après…

Aujourd’hui, j’y ai pensé en me rappelant certaines perles du roitelet de l’Elysée : les gens qui sont rien; je ne fais aucune concession aux fainéants; le travail, il suffit de traverser la rue pour en trouver…

C’est tout simplement révoltant ! Fin octobre, je vais rejoindre la cohorte de ces exclus, car mon contrat se termine; je compte traverser la rue pour trouver du travail, comme il n’y aura pas de résultats, je suis décidé à l’interpeller.

En plus, j’aurai du temps, et ayant, à mes beaux jours été prof d’économie, je crois qu’il y aura matière à débat : je lui proposerai de faire le tour des théories et expériences en matière de lutte contre le chômage, juste pour lui signifier que les choses sont autrement plus complexes, que ne peuvent le penser les banquiers.

3- Je suis un rien (au sens macronien)), je persiste et signe (Brel), je n’ai pas de complexe. Je vais rencontrer des riens, et je vis intensément ces moments. A chaque fois, le public est différent, les rapports sont forcément différents, les discussions aussi; je suis dans un autre quotidien, une expérience exaltante en somme.

Une sorte d’attachement naturel s’est noué avec les détenus, certains souhaitent revenir, à l’issue de la session qui dure 2 demi-journées. Tout se joue dans le regard de l’autre, ai-je déjà remarqué en parlant de l’exclusion. Et moi je les regarde comme des gens normaux qui vivent un accident de l’histoire; dans ce domaine, il n’y a pas d’erreur possible.

4- Oh putain, il faut que je parte !
C’est vrai, ” chez ces gens-là, on ne pense pas, on prie, on compte…”. Une bonne journée !

Khaled Sloughi

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