Comment je me suis débarrassée de mon Harvey Weinstein

« Oy, ça c’est mauvais pour les Juifs ! » C’est comme cela que mes parents auraient réagi à un scandale impliquant n’importe quel Weinstein.

Ils scrutaient tous les articles de presse sur ce critère. Je les imagine  affirmant que nommer des tremblements de terre Arlene, Gert, Irma, ou Nate aurait été « mauvais pour les Juifs. » L’ouragan appelé  Harvey, je suppose, comme la société Weinstein devrait porter un autre nom. Si mes parents vivaient encore aujourd’hui ils auraient aussi jugé que ce qu’a fait le producteur était « mauvais pour  les femmes ». Quarante deux ans après que le terme « harcèlement sexuel » soit apparu , les victimes ont toujours autant peur d’en parler.

Travaillant dans le « show business » pendant plusieurs dizaines d’années, d’abord comme secrétaire et, plus tard, comme auteur dramatique, je n’ai pas été surprise à propos d’un homme abusant de sa position. « Plus jamais tu ne travailleras dans cette ville » est la menace proférée le plus souvent par les imposants gens de pouvoir. Et ce frère ainé de Weinstein avait le poids qu’il fallait pour imposer sa volonté !

En lisant ces récits je me souviens d’un patron particulièrement agressif qui humiliait ses  employés et « chassait » les femmes. Un soir, Il me convoque dans son énorme bureau, pousse un bouton sous la table ; la double porte se ferme automatiquement. Puis il me demande : «  As-tu peur ? »

J’étais une vierge de 23 ans, terrifiée. Mais je savais qu’il ne fallait pas montrer à un prédateur qu’on avait peur. « Non », je réponds. Que pouvez-vous faire ? Me virer ? Je trouverais un autre job tout de suite. Et, peut-être allez vous me payer des heures supplémentaires ? »

Il appuya de nouveau sur le bouton, et me libéra. J’ai eu la sensation d’avoir gagné la première manche. Peu de temps avant que je ne démissionne, j’ai découvert que le personnel féminin était grassement payé, ce qui expliquait sa passivité.

Une autre fois, au cours d’un petit boulot  temporaire de secrétaire dans un show télévisé, j’ai été abordée par un musicien connu, à propos duquel on disait : «  Il adore baisser son pantalon ». A part les statues masculines des musées, je n’avais jamais vu un homme nu. Et je ne voulais pas que celui-ci soit le premier.

Mon expérience dans ce domaine n’est pas grand’ chose comparée aux victimes de Harvey Weinstein. Comme auteur de comédies, j’étais moins vulnérable que les actrices ; mais j’avais quand même côtoyé des mysogines de la pire espèce. Un producteur qui m’avait fait poireauter plus de trente minutes, se pointe au moment où j’allais sortir ; mais en le faisant savoir, haut et fort. Il s’adresse à moi du ton protecteur  qu’on utiliserait envers un bambin qui a fait une grosse bêtise . Il dit : «  Alors, c’est vous qui me causez tous ces ennuis ? Je rétorque : «  Non, je suis celle qui était à l’heure pour notre réunion !

L’humour et les blagues étaient mes seules munitions quand la situation devenait critique. Si Harvey Weinstein m’avait demandé de le regarder prendre une douche, j’aurais éclaté de rire et lui aurait balancé : « Pas question ! J’ai les cheveux qui frisent ! »

Selon le New York Times, les accusations d’abus de pouvoir remontent aux années quatre vingt dix. Au moins huit femmes furent réduites au silence à cause d’arrangements qu’il leur a offerts. Ses menaces, la honte et la peur de ruiner leur carrière ont empêché les autres de réagir. Je suis effarée qu’un patron d’une si importante société de cinéma, avec femme et enfants, ait pu trouver le temps d’abuser de tant de femmes. Et, en plus, quelqu’un qui, visiblement, ne passait pas des heures en salle de gymnastique…

Des employés ont témoigné, ou entendu parler, de différents harcèlements sexuels contre des femmes. Mais les membres du Conseil d’Administration ont déclaré que les différents « arrangements » étaient destinés à des affaires ordinaires. Difficile de croire que sa conduite était un secret. Au cours de la cérémonie des Oscars de 2013, un présentateur très célèbre, annonçant la liste des actrices nommées, déclara : «  Félicitations, vous cinq, mesdames, ne serez plus obligées de prétendre être attirées par Harvey Weinstein. »

Et, il y deux ans, un modèle qui se plaignait d’avoir été tripotée par le magnat, eut le courage de déposer plainte à la police. Equipée d’un dispositif d’enregistrement, elle retourna le voir et lui demanda pourquoi il lui avait touché la poitrine. Sa réponse – « J’ai l’habitude de faire ça ! » – fut, en quelque sorte, un aveu  de culpabilité. Mais il n’ y eut aucune conséquence.

Bien avant qu’il admette avoir un problème et avoir besoin d’un traitement, Weinstein  tenta de se défendre en disant : « C’était un temps, les années 60 et 70, où le comportement au travail était bien différent. Cela faisait partie de notre culture, à l’époque. » Je suppose qu’il a aujourd’hui un téléphone portable, un ordinateur et un écran plat qui lui permettent de s’adapter aux changements de notre temps.

L’industrie du spectacle a été complice en abritant des hommes comme celui-ci. Il est encourageant que les dirigeants des grands studios aient refusé d’intervenir en sa faveur et l’aient licencié de sa propre compagnie. Espérons que tout ceci aboutisse aux changements indispensables  dans la condition du travail féminin.

Avant de monter dans son avion privé qui l’emmenait vers sa réhabilitation,  le producteur déshonoré déclara aux paparazzi : “Vous savez quoi ? Nous faisons tous des erreurs. Une seconde chance ?”

Hollywood aime les histoires qui finissent bien. Le « happy end » serait que Harvey Weinstein, au lieu de menacer les autres, s’entende dire par les juges  : « Plus jamais vous ne trouverez de travail dans cette ville ! »

Un article du « FORWARD » par SYBIL SAGE

Traduit et adapté par Victor Kuperminc

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