“Société française. La gauche à la dérive”. André Larané. Herodote.fr

André Larané

Depuis Israël, Michel Jefroykin lit la presse pour nous

25 octobre 2023. Les attentats barbares commis les 7 et 8 octobre 2023 en Israël par le Hamas auraient dû inviter les Français à l’union d’autant que plusieurs dizaines de leurs concitoyens figuraient parmi les victimes. Mais nous ne sommes plus au lendemain des attentats contre Charlie Hebdo et l’Hyper-Cacher, les 7-9 janvier 2015, quand plusieurs millions de Français ont manifesté dans la rue leur solidarité avec les victimes. L’union nationale a volé en éclat…

Cette fois, les invectives se sont multipliées sur les réseaux sociaux, suite aux premières répliques de l’armée israélienne dans laquelle périrent beaucoup d’Arabes palestiniens. Les chaînes d’information ont également montré des manifestations en faveur du Hamas, y compris sur la place de la République, à Paris.

Enfin, le microcosme politique s’est déchiré autour du refus par Jean-Luc Mélenchon de qualifier le Hamas de mouvement « terroriste ». Bien que sans mandat électif, le leader de La France Insoumise, principal parti de gauche, conserve à 72 ans l’aura conférée par les 19 à 20% de suffrages au premier tour des deux dernières élections présidentielles.

Certains députés de son groupe ont ajouté au trouble, comme Danièle Obono qui a qualifié le Hamas de « mouvement de résistance ». Mais d’autres ont pris leurs distances à l’image de François Ruffin et Clémentine Autain (celle-ci avait eu moins d’humanité après les agressions sexuelles de Cologne à la Saint-Sylvestre 2015 en twittant : « Entre avril et septembre 1945, deux millions d’Allemandes violées par des soldats. La faute à l’Islam ? »).

Refondation ou perdition de la gauche

Ces ambiguïtés mettent en lumière les divergences idéologiques et stratégiques au sein de la Nupes, une union des partis de gauche conçue pour les législatives de juin 2022. Elles placent la gauche française devant un nouveau choix, déterminant pour son avenir et pour celui du pays.

Depuis deux siècles en effet, la gauche « progressiste » se distingue de la droite « conservatrice » par son aspiration à suivre le sens de l’Histoire en faisant au besoin table rase du passé.

En juin 1848, face aux émeutes ouvrières, la gauche républicaine a ainsi basculé dans le camp de l’ordre et elle a renouvelé son choix face à la Commune en mars-mai 1871. Portée par Léon Gambetta comme par Jules Ferry et quelques autres grands esprits, elle a privilégié la lutte contre l’Église. « Le cléricalisme, voilà l’ennemi ! » lance Gambetta le 4 mai 1877 devant les députés. Mais ce fut au détriment des réformes sociales.

Il fallut attendre la victoire du Front populaire le 3 mai 1936 pour que celles-ci redeviennent d’actualité. Un peu tard car un autre défi se profilait de l’autre côté du Rhin… Nouvel aggiornamento en 1958 : la gauche républicaine était jusque-là le fer de lance de la colonisation comme outil de diffusion des « valeurs universelles » portées par la France de 1789 et de 1793. Avec la fondation de la Ve République par le général de Gaulle, elle change son fusil d’épaule et dès lors accompagne les luttes sociales en lien avec l’industrialisation du pays. Elle achève sa mue au congrès d’Épinay qui porte François Mitterrand à la tête du Parti socialiste avant de le conduire à la présidence de la République.

Nouveau changement de cap avec le tournant de 1983 par lesquels les socialistes se convertissent au néolibéralisme (dico) et à la mondialisation. En même temps, la gauche découvre les premières générations de jeunes issues de l’immigration maghrébine et prend le parti de les épauler, de la « Marche des beurs » à SOS-Racisme.

Premier ministre de 1997 à 2002, Lionel Jospin, socialiste de la vieille école, tente encore des réformes sociales dont la plus emblématique est la semaine de 35 heures. Mais il ne mesure pas le sentiment de déclassement dans les milieux populaires, victimes de la mondialisation, de la désindustrialisation et d’une immigration de plus en plus envahissante qui bouscule leur mode de vie et leurs valeurs.

Un nouveau basculement s’opère avec l’accélération en 2015 de la vague migratoire. Renonçant à penser le phénomène et le maîtriser, la gauche, tous courants confondus, se résout à l’accompagner.

Elle abandonne la critique de l’ordre néolibéral alors même que celui-ci se révèle de plus en plus inefficient (pénuries de médicaments, de composants électroniques, etc.), ce qui lui vaut d’être aujourd’hui largement délaissée par les classes populaires.

Mais dans le souci de récupérer le vote des jeunes générations issues de l’immigration récente, la voilà qui reprend à son compte tous les poncifs venus des États-Unis sur les discriminations raciales, le racisme « systémique », le sexisme, etc. Autant de poncifs qui ont peut-être une part de vérité outre-Atlantique et très certainement dans le reste du monde mais n’en ont absolument aucune en Europe occidentale et plus spécialement en France.

On ne le dira jamais assez : la France a été jusqu’à ce jour épargnée plus qu’aucun autre pays par le racisme et les discriminations tant raciales que sexuelles ! Il serait malvenu de brouiller ces acquis par une phraséologie malveillante et mensongère. Cette phraséologie qui dresse les citoyens les uns contre les autres (« racisés » contre « blancs ») a déjà gravement altéré le « désir de vivre ensemble » (Ernest Renan). Pire encore, elle ouvre la voie à un nouvel antisémitisme attisé par le conflit israélo-arabe.

Le plus piquant de l’Histoire est que l’électorat « racisé »
majoritairement désireux de s’élever dans l’échelle sociale, est très peu sensible à cette démagogie. À preuve le vote très majoritaire de l’outre-mer et des départements ouvriers en faveur de la candidate du Rassemblement national aux dernières élections présidentielles (note) !

© André Larané . Herodote.fr

https://www.herodote.net/La_gauche_a_la_d


André Larané a fondé Herodote.net en 2004 après une première carrière dans le journalisme scientifique et industriel.

Il a publié “Notre Héritage, ce que la France a apporté au monde” (L’Artilleur, 2022), des manuels d’Histoire : “Chronologie universelle”. “Les Grands noms de l’Histoire de France”. “Les Grandes Dates de l’Histoire de France” (Librio/Flammarion)


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