Israël craint que la Syrie ne devienne un nouveau Liban

Malgré les frappes de Washington et de ses alliés, Israël s’estime seul face à la menace iranienne en Syrie.

Les  frappes ciblées sur la Syrie , menées dans la nuit de vendredi à samedi par les Etats-Unis, la France et le Royaume-Uni, n’ont guère pris les Israéliens au dépourvu.

L’Etat hébreu avait été notifié plus de douze heures avant le déclenchement de cette attaque, qui a été qualifiée, ce samedi, d’« avertissement important lancé à l’axe du mal composé de la Syrie, de l’Iran et du Hezbollah », selon les termes de Yoav Galant, un membre du cabinet de sécurité du Premier ministre israélien. « L’utilisation d’armes chimiques franchit une ligne rouge que l’humanité ne peut plus longtemps tolérer », a encore tweeté ce responsable.

Dans la soirée, Benyamin Netanyahu a publié un communiqué pour réaffirmer son « soutien total » aux frappes de la coalition « contre l’usage et la dissémination d’armes chimiques ».

Etat d’alerte

Voilà près d’une semaine, que l’Etat juif s’était placé en état d’alerte, se préparant aux conséquences d’éventuelles représailles militaires de la coalition en Syrie, dans la foulée de l’attaque chimique menée par Damas, samedi 7 avril, et ayant tué des dizaines de civils dans la dernière poche rebelle de Douma. Il se tenait prêt également prêt à une possible riposte de Téhéran, consécutive  au raid israélien la base aérienne T4 du régime syrien survenu le 9 avril, et qui a tué sept militaires iraniens.

Malgré leur proximité de calendrier, les deux évènements ne sont pas liés : Israël qui n’a pas officiellement reconnu la paternité du raid de la base T4, n’est pas intervenu, en raison de l’usage d’armes chimiques par le régime de Bachar-al Assad. Mais pour stopper la présence iranienne en Syrie, comme son armée l’avait fait le 10 février, lors d’un précédent raid aérien en Syrie, et après avoir abattu un drone iranien au-dessus de son territoire. Un engin qui, a révélé Tsahal, vendredi 13 avril, « transportait des explosifs et visait à mener une attaque ».

Position délicate

Reste que l’incidence pour Jérusalem des dernières frappes militaires en Syrie risque d’être d’une ampleur limitée. Moscou a certes haussé le ton, avertissant que l’attaque ciblée aurait « des conséquences », mais sans donner plus de précision.

Mais pour l’heure, et vu de Tel-Aviv, la punition infligée au régime d’Assad ne changera pas foncièrement la donne régionale. Voilà plusieurs mois, que les nouveaux contours du théâtre syrien placent Israël dans une situation délicate, l’obligeant à miser sur la dissuasion vis-à-vis de Téhéran, tout en s’efforçant de ne pas froisser Moscou, allié du régime d’Assad et de l’Iran.

Plus que jamais déterminé à ne pas laisser Téhéran – sponsor du Hezbollah, transformer la Syrie en nouveau Liban, l’Etat Hébreu a ainsi subi  une énorme déception face à la décision du Président américain de retirer dans les mois à venir ses forces spéciales (près de 2.000 soldats) de Syrie. Et ce d’autant plus que l’axe Moscou, Téhéran, Ankara, réaffirmé lors du dernier sommet turc consacré à la Syrie, gêne Israël dans la défense de ses « lignes rouges » au-delà d’un rayon de 50 km à partir de sa frontière située sur les hauteurs du plateau du Golan.

Deux chercheurs du think tank INSS, Assaf Orion, et Amos Yadlin, un ancien ex-chef des renseignements israéliens, estimaient juste avant la réaction de Donald Trump, que les évènements de ces derniers jours pouvaient « créer une convergence opérationnelle et peut-être stratégique entre les efforts américains et israéliens en Syrie, via un dialogue plus aiguisé avec la Russie, qu’Israël n’a pas intérêt à gérer seul au travers d’un réengagement américain en Syrie, et enfin, par le biais d’une possible corrélation entre le dossier des armes chimiques, l’avenir du régime d’Assad et la question de l’enracinement militaire iranien en Syrie ».

Pas de « Pax Americana »

Mais cette analyse est loin d’être partagée, car l’hypothèse d’un réengagement des Etats-Unis ne se profile pas à l’horizon… S’exprimant dans la nuit de vendredi à samedi, depuis la Maison Blanche, Donald Trump a ainsi fait valoir que le sort des pays de la région était entre les mains de leurs habitants et qu’aucune intervention militaire américaine ne pourrait, à elle seule, apporter une « paix durable ».

« En réalité, Israël se retrouve seul à gérer la menace iranienne en Syrie », confiait, samedi 14 avril, le directeur du département de l’histoire du Moyen-Orient de l’Université de Tel-Aviv. Eyal Zisser. Ce dernier estime que la réaction à l’attaque chimique du régime syrien pourra au mieux renforcer la volonté américaine de revoir l’accord nucléaire iranien. Une chose est sûre, « la menace nucléaire iranienne, tout comme la présence de Téhéran en Syrie, restent le défi sécuritaire numéro 1 pour l’Etat hébreu ».

Le front nord plus urgent que Gaza

De fait, le front Nord s’est propulsé au centre des préoccupations de l’échelon militaire israélien, quitte à reléguer à l’arrière-plan le dossier palestinien. Et ce, malgré  la détérioration de la situation dans la Bande de Gaza , qui s’illustre depuis deux semaines par la tenue de manifestations massives le long de la clôture de sécurité avec Israël.

Une vague de contestation qui a repris, vendredi 13 avril, a débouché sur des affrontements violents avec Tsahal (plus de 30 morts côté Palestinien) – l’armée israélienne, postée à la frontière, ayant autorisé l’usage de tirs à balles réelles. Pour autant, cette mobilisation n’est pas pour favoriser la réconciliation palestinienne entre le mouvement Hamas et le Fatah, en Cisjordanie, de Mahmoud Abbas.

Sachant que la faction islamiste, qui contrôle l’enclave, et a promis de verser des « aides humanitaires » aux blessés et aux familles des morts, tend de plus en plus ouvertement à se l’approprier.

Nathalie Hamou  – Correspondante à Tel-Aviv
Source leschos

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1 Comment

  1. M. Macron a déclaré-il déclare beaucoup et partout-qu’il avait persuadé le président Trump de maintenir la présence militaire US en Syrie. Mr Trump a osé démentir notre Dieu hexagonal de la guerre. Malgré notre mini-bombardement moral, la France restera, au mieux, un figurant diplomatique. Comme le rappelle M. Eytan, plus haut, la Russie est la seule à conserver des liens avec toutes les parties.
    Pour Israël, au delà de la rhétorique, l’action principale est d’éviter toute MENACE CONTRE LA LIGNE D’ARMISTICE DE 1974. L’intérêt de tous est de maintenir l’accord de mai 2017 entre la Russie, les Etats Unis et la Jordanie, ce dernier pays étant trop facilement oublié.

    L’article de Nathalie Hamou fonctionne sur une base historique vicieuse: ne pas transformer la Syrie en nouveau Liban! Il faut se rappeler que le Liban, dont le pouvoir était théoriquement partagé entre les chrétiens et les musulmans, était un pays pro-occidental. C’est maintenant un pays dominé pat les musulmans dans lequel l’Hezbollah fait figure de force militaire et politique patriotique. Tout cela grâce à l’intervention militaire américaine, et française dans la guerre civile. Il semble que l’on parle toujours de l’Irak et de la Lybie, en oubliant l’enseignement libanais.
    L’intérêt du Hezbollah reste toujours le Liban et il peut être contrôlé par différentsacteurs. Les milices chiite en Syries sont plus dangereuses, car soumises à la seule menace Russe, puissance qui reste obsédée par la menace islamiste dans le Caucase, plus que par des bases militaires qui lui sont désormais acquises, quelles que soient les aventures du régime Assad.

    Pour l’avenir, si on veut bien détourner nos regards de notre double Dieu de la Guerre Macron-BHL, il est utile de lire l’entretien d’Ofer Zalzberg, de l’International Crisis Group, dans ACTUALITE JUIVE du 12 avril 2018,page 15. M. Zalzberg évoque “un modus vivendi entre Israël et l’Iran dans lequel le premier accepterait une influence iranienne en Syrie d’ordre économique, politique et commercial, quand le second s’engagerait à ne pas avoir de présence militaire permanente en Syrie”.
    J’ajoute que parler toujours des ambitions hégémoniques de l’Iran est négliger ses ressources militaires, très limitées face à l’Arabie Saoudite et les Emirats Arabes Unis. Pousser l’Iran vers l’armement nucléaire est permettre à l’Arabie Saoudite son armement nucléaire. Ce pays étant beaucoup plus instable et menaçant, à long terme, pour Israël.

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