Plateau du Golan : drôle de guerre

« C’est compliqué ! » Et pourtant, tout à l’air si simple, ici, au bout du plateau du Golan !

D’un côté, les brumes montagneuses du Liban. Derrière, les vergers luxuriants d’Israël. Devant, la poussière d’un bout de Syrie abandonné. En face, sur le mont Hermon les neiges glissent sur les trois pays. Ici, au-dessus de Merom Golan, sur ce nid d’aigle où Tsahal, l’armée israélienne surveille l’horizon, presque jusqu’à Damas, le vent glacial vous découpe les oreilles en carpaccio, avant même qu’elles n’entendent les grondements sourds qui font trembler le sol.
plateau goland
« C’est compliqué ! reprend l’officier de Tsahal. De ce côté-là, il y a le Hezbollah. De temps en temps, il nous envoie une roquette. Alors, on réplique. Ici, on voit les ruines de l’ancienne ville de Qunaitra, et les troupes du front Al-Nostra s’y cachent parfois. Là-bas, c’est la nouvelle ville de Qunaitra, où il y a les troupes d’Assad. Parfois, ils se tirent les uns sur les autres. Mais quand ça vient de notre côté, alors, on réplique ! »

Tout cela n’empêche pas les touristes de se mêler aux militaires, pour savourer la vue imprenable sur le flanc nord. Sans oublier les soldats de l’Onu, qui sont là pour, en principe, taper sur les doigts de ceux qui tirent les premiers. Faut avoir l’œil !

«Là, désigne le soldat, côté Syrie, c’est la ligne de démarcation. Au début, c’était juste un barbelé. Maintenant, c’est une vraie frontière, sous surveillance constante des caméras. On sait exactement qui arrive et quand. Et tous les jours, nous avons des réfugiés et des blessés qui traversent.»

Des petits groupes en haillons, ramassés autour de quelques bébés, de femmes enceintes, de vieillards épuisés et deux ou trois chèvres, qui n’ont plus d’autre issue que de fuir leur enfer.

«Ils ont peur, car on leur a toujours dit qu’Israël, c’était le diable ! Mais ils passent quand même. On les conduit à l’hôpital de Nahariya et on les soigne.» Puis les «agents du diable» les renvoient vers d’autres pays, neutres. 2 500 personnes ont été ainsi secourues en cinq ans.

Alors que la bataille fait rage en Syrie, Israël est aux premières loges. Et ne veut surtout pas qu’on l’entraîne dans une guerre qui n’est pas la sienne. La vie de ce poste avancé dans le Golan ressemble au Désert des Tartares, de Dino Buzzati. Où rien ne se passe, mais où tout peut arriver, dans une sorte de Rubicub infernal. A quelques kilomètres des positions israéliennes, Daech, Al-Nostra, les troupes d’Assad, l’aviation Russe, les alliés, se déchirent, tandis que l’Iran pousse silencieusement ses pions.

«Le plus grand danger pour nous, ce n’est pas Daech, assure Amir Weissbrod, directeur de la division recherche du Moyen-Orient, au ministère des affaires étrangères d’Israël. La vraie menace, c’est le Hezbollah, qui reçoit des quantités d’armes de l’Iran, et qui nous défie depuis le Liban.»

Tiens, tiens… Début décembre, des bombes venues d’on ne sait où sont tombées sur l’aéroport militaire de Mazzé, près de Damas. Attaque des islamistes contre Bachar ? Ou opération de nettoyage d’Israël contre des armes iraniennes destinées au Hezbollah et qui transitaient par là ?

Israël ne revendique jamais ses frappes…

« C’est sans doute un message d’Israël en direction des Russes, analyse Sarah, une spécialiste de la défense de l’Université de Tel Aviv. Qui veut dire : attention, nous avons nos lignes rouges. Entre les deux pays, depuis longtemps la règle tacite est : ne nous dérangez pas, nous ne vous dérangerons pas. »

Vu de ce côté-là du monde, la géopolitique n’a pas du tout la même gueule. «En Europe ou aux États-Unis, on fait preuve d’un optimisme naïf en supposant que l’Iran deviendra un pays modéré dans cinq ou dix ans, analyse Emmanuel Nahshon, porte-parole du ministère des Affaires étrangères. On ose espérer que l’administration Trump sera moins crédule !»

Pour lui, ce n’est pas un accord entre Israéliens et Palestiniens qui normalisera la situation dans la région, mais bien une normalisation des rapports d’Israël avec ses voisins, qui ouvrira la voie d’un accord avec les Palestiniens !

« C’est compliqué ! » reconnaît le diplomate.

Pourtant, dans ce pays deux fois plus petit que Midi-Pyrénées, avec ses 22 000 km2, on bouillonne d’énergie. Pas très loin du Golan, à portée de bombes du Hezbollah, Shlomi joue les jardiniers-sorciers. L’eau puisée dans le sous-sol jaillit à plus de 40°, et même en plein hiver, il peut faire pousser des lychees ou des nèfles. Ses raisins croissent en décembre pour une récolte en mars !

En une centaine d’années, le désert est devenu un jardin. Deux cent cinquante millions d’arbres ont été plantés sur cette terre, majoritairement des conifères et des eucalyptus. Les chaleurs torrides d’antan se sont civilisées et le paysage s’est garni d’ombre et de fraîcheur. Hors les murs de la vieille ville de Jérusalem, pas une maison de ces larges pierres blanches qui ont fait le temple de Salomon, qui ne croule sous les magnolias, les glycines ou les ficus.

Un potager où mûrissent des avocats rebondis, où les tomates se gorgent de saveur, où les poivrons se dorent, où les pois chiches s’attendent tous à devenir le délicieux «houmous» ? Israël n’est pas qu’un garde-manger : il veut être la Terre Promise des start-up du monde entier.

Ainsi, dans la Shalom Tour de Tel-Aviv, qui fut longtemps le plus haut gratte-ciel du Moyen-Orient, l’ancienne bibliothèque accueille désormais une pouponnière d’entreprises. Tel-Aviv, la ville qui ne dort jamais, avec ses 14 kilomètres de plage, sa gay-pride, son wifi partout, et sa bière Maccabee – ça ne s’invente pas !

«Les boîtes naissent ici, se développent, et ensuite, déménagent, explique Mira, la responsable de Tel-Aviv Start-up City. Tel-Aviv est la championne du monde des centres d’innovation, de co-working ou d’accélérateurs. Nous en comptons 84, alors que Londres n’en a que 65 et Paris 48 ! Ici, nous accueillons les centres de recherches des plus grandes entreprises mondiales : Siemens, Apple, PayPal, Google, ebay, Facebook, Yahoo !… 9 salariés sur dix à Tel-Aviv possèdent un diplôme d’études supérieures.»

En quelques semaines, l’État peut débloquer des fonds pour aider au démarrage : «Il y a des échecs, mais l’échec est formateur, assure cette représentante du ministère de l’économie. On apprend des choses pour d’autres expériences…»

Parmi les start-up les plus prometteuses de Tel-Aviv, l’application Reporty, qui permet aux citoyens de se connecter en temps réel avec les services d’urgence ou de sécurité. «On peut filmer alors quelqu’un qui a un malaise : à l’autre bout de la caméra, un médecin indique les gestes d’urgence. On peut aussi s’en servir pour des agressions, des accidents…» explique son patron Éric Banoun. Plusieurs grandes villes sont déjà sur le coup, comme Singapour, d’autres s’y intéressent comme Paris, Marseille «et nous avons eu aussi un contact avec Toulouse…»

En Israël, l’application fonctionne déjà pour les secours. Ce n’est pas un hasard, dans ce pays qui semble vivre dans un calme parfait. Mais où l’on aperçoit çà et là des hauts murs, des barbelés, et des check points. Portiques, scanners, fouille des sacs rythment la vie quotidienne, les militaires sont discrets, mais omniprésents ; à l’aéroport de Tel-Aviv, les voitures sont contrôlées longtemps à l’avance… pas comme à Bruxelles-Zaventem !

«C’est une culture de la sécurité, explique ce diplomate. Vous y viendrez bientôt, en France.»

Source : www.ladepeche.fr

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