Isaac Franco. Auschwitz, 75 ans après…

Auschwitz, 75 ans après…

Le 20 janvier 1942, il y a très exactement 78 ans aujourd’hui, 15 dirigeants nazis se réunissaient dans une maison cossue de Wannsee, une banlieue sud de Berlin, pour discuter et coordonner les détails de la “Solution Finale” à la “question juive”. Trois longues années et une semaine plus tard, les troupes soviétiques ouvraient les portes de la plus grande usine à génocider de l’histoire des hommes.

Entre les deux, une éternité de ténèbres que les récits, témoignages, photos et images longtemps refoulés, interdits ou ignorés ont désormais inscrit dans la mémoire collective, même si certains, en Europe, aux Etats-Unis ou au Moyen-Orient, assassinent une seconde fois les suppliciés en niant la réalité du sort qui leur fut alors réservée.  

Et ce 23 janvier, c’est en présence des leaders politiques de 46 pays qu’Israël commémorera le Holocaust Remembrance Day qui marque cette année le 75ème anniversaire de la libération du camp d’extermination d’Auschwitz.

Aujourd’hui encore, l’esprit peine à concevoir le gouffre vertigineux dans lequel sombrèrent la culture et la civilisation allemandes et, avec elles, européennes, et leur cheminement avant de consentir à marginaliser, discriminer, dénoncer, livrer et anéantir des millions d’innocents collectivement condamnés pour le crime d’être nés juifs. Une difficulté dont témoignent la libération de la parole et la recrudescence des actes antisémites constatées en Europe comme aux Etats-Unis en dépit des commémorations, du réseau de musées et de programmes scolaires censés enseigner la genèse et les horreurs de la Shoah.

Comme si les leçons du passé se révélaient impuissantes face à un virus en pleine mutation qui voit désormais dans l’Etat juif ce qu’il voyait dans l’individu juif: le maître d’œuvre d’une conspiration planétaire, une créature malfaisante douée de pouvoirs surnaturels dont l’élimination seule restaurera l’ordre du monde. Un virus en pleine mutation qui attaque le plus grand système immunitaire jamais conçu pour lutter contre l’antisémitisme et qui, au nom d’un antiracisme et d’un progressisme dévoyés, s’emploie aujourd’hui à diaboliser Israël comme il calomniait hier les Juifs, et à faire de l’Etat juif créé pour les défendre, une arme pour les attaquer.     

Comme si le besoin de désigner un bouc émissaire, juif hier et israélien aujourd’hui, était le symptôme d’une même maladie de l’âme ou de la raison, et trahissait une même incapacité de la société à assumer ses interrogations et ses doutes, et dépasser ses faiblesses et ses insuffisances.

Comme si, dans une Europe condamnée à la vertu des impuissants et envenimée par la morsure islamiste, on s’acquitte volontiers et sans réserve du devoir de commémorer la Shoah qui convoque l’image d’un Juif incontestablement victime et faible, mais où on a bien du mal à concilier cette exigence de la mémoire avec celle d’un Israël fort et, par là, forcément coupable.  

Mais aussi, comme si la honte des compromissions du passé ne suffisait pas à prévenir, pour certaines excellences européennes présentes à Jérusalem cette semaine, les compromissions d’aujourd’hui: du financement généreux d’ONG qui travaillent sans relâche à la délégitimation de l’Etat juif à celui d’une Autorité palestinienne qui consacre 7% de son budget à la promotion et à la récompense d’assassins de civils juifs et dont le journal officiel – Al-Hayat al-Jadida – invitait samedi dernier ses lecteurs au meurtre de nouveaux innocents pour empêcher la tenue de ces commémorations; de l’hypocrisie d’une aile politique du Hezbollah à l’indulgence à l’égard d’un régime qui appelle obsessionnellement à effacer de la carte un pays avec lequel il n’entretient aucun contentieux bilatéral et qui promet que, avec le retour prochain du Mahdi, il régnera sur le monde…

Le devoir de mémoire commande bien plus qu’une génuflexion annuelle devant les Juifs morts. Commémorer les victimes de l’holocauste sans prendre la pleine mesure des nouvelles menaces et des nouvelles langues dans lesquelles elles se verbalisent, c’est se résigner à se souvenir demain des vivants offerts aujourd’hui en sacrifice aux nouveaux barbares.    

Car c’est à l’aune du souci du monde des vivants qu’on mesure la sincérité et la gravité de l’hommage au monde des morts.

Isaac Franco

Isaac Franco est chroniqueur à Radio Judaïca – FM 90.2

Il intervient chaque lundi de 17 à 18 heures dans “Cherchez l’erreur“.

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