Alain Chouffan; mon ami Serge Trigano

INAUGURATION DU NOUVEAU MAMA SHELTER À PARIS L’INCROYABLE REVANCHE DE SERGE TRIGANO.

Je l’avoue d’emblée : j’ai pour la famille Trigano, un faible indescriptible, un sentiment d’amitié fidèle… J’ai connu d’abord Gilbert, le mythique fondateur et patron du Club Méditerranée, pendant de longues années, avec qui j’ai entretenu des liens sincères. Un personnage de roman. Il a révolutionné le monde des vacances. Avec Gérard Blitz, il a créé un nouveau concept de vacances, une sorte de “laboratoire du bonheur” et de douceur de vivre. Il a eu le génie de métamorphoser quelques paillotes sur une plage en un empire mondial de vacances, transformant du coup nos vacances en rêve. Pour y arriver, il a mené une vie trépidante, parcourant la planète afin d’implanter ses clubs non seulement au bord de la Méditerranée, mais aussi à Tahiti, aux Bahamas, en Thaïlande… Partout ! Il a su insuffler entre les clients qu’il a surnommé “Gentils Membres” (GM) et ses équipes les “gentils organisateurs” (GO), jeunes, beaux, bronzés’ et qu’il adorait, un “souffle émotionnel”. Entre les GO et les GM passait, en effet, une sorte de fluide d’estime, un courant de sympathie spontanée. Pour Gilbert, bonheur de vivre et vacances heureuses se vivent en osmose. C’était sa devise.

Son fils, Serge, était toujours à ses côtés. Lui aussi, a eu très jeune, le virus du Club. Il a gravi tous les échelons de la hiérarchie : GO, chef de village, directeur des opérations mondiales du Club Med. “ On ne vivait que pour le Club ” se souvient encore Serge. Les années florissantes de bonheur défilent. Mais les difficultés sont à l’affût : financières, valse des présidents, crises régionales (dont la guerre du golfe), l’accident de Cap Skirring (un avion d’Air Sénégal affrété par le Club s’écrase, faisant 30 morts et 26 blessés). Gilbert démissionne et Serge deviendra PDG du Club Méditerranée en 1993. Les bénéfices fondent, les pertes s’accumulent. Elles s élèvent à 743 millions de francs en 96. Pour les réduire, il faut licencier des GO parmi les 120 clubs. Serge est viré brutalement en 1997, comme un mal-propre, « sans élégance », comme il le dira plus tard, par un représentant des Agnelli, majoritaires du Club Méditerranée, à l’époque.

Serge Trigano, ses deux fils, Jérémie et Benjamin

Un licenciement brutal. Injuste. Le clan est foudroyé. Gilbert et Serge Trigano le digèrent mal. Comment laver cet affront ? Ils n’en savent rien, mais ils promettent de se venger. En attendant, ils entament une traversée du désert. Hélas ! Gilbert meurt en 2001. Serge se retrouve donc seul pour se battre. Par fidélité à ce père qui l’a toujours aimé et protégé, Serge, démoralisé, abattu découragé, prend alors la résolution de ne pas abandonner le combat. Ses deux fils, Jérémie et Benjamin, installés aux Etats-Unis, rentrent précipitamment à Paris pour le soutenir. Serge tient bon. Dans un premier temps, il cherche à rebondir mais sans succès en tentant de créer un “resort” à Marrakech. En 2001, il comprend qu’il faut tourner la page des vacances au soleil. Faire autre chose. Il découvre que le “ développement des TGV et des vols low cost, le travail incroyable des maires pour rendre leurs cités attractives étaient favorable à l’essor des séjours urbains de 3ou 4 jours”. Voilà l’objectif ! Conquérir les villes pour y introduire un air de vacances. L’idée est bonne : occuper les territoires inexploités des villes pour les rendre plus attractives ! Serge estime qu’il n’y à Paris, que des palaces, ou des hôtels de gamme moyenne complètement tristes et impersonnels. Il faut donc imaginer un nouveau type d’hôtellerie, un idéal qui soit davantage un lieu de vie, ouvert à la mixité sociale. Pour que les gens viennent y dîner, boire un verre, écouter des concerts. Et même y dormir dans des chambres à des prix abordables. Il faut donc développer un réseau d’hôtels urbains. Bref, faire régner un “esprit Club” de bonheur !

Reste le passage à l’acte, long et difficile. L’étincelle surgit de nulle part, en 2008, avec le premier Mama Shelter ( “ le refuge de maman ” )… rue de Bagnolet ! Une zone inconnue. A l’exact opposé du triangle d’or parisien des palaces ! Lancer un hôtel qu’on souhaite branché, dans le 20e arrondissement de Paris, dans un quartier plutôt fréquenté par des drogués et des prostituées que par des hommes d’affaires, – certes où l’immobilier reste abordable -, relevait à la fois du culot, de la provocation et de la folie douce ! Personne n’y croyait ! Serge Trigano maintient son choix. Il se souvient encore de cette période : “J’ai ramé pour trouver des investisseurs. On s’est fait chambrer. Personne ne croyait qu’un hôtel pouvait marcher à cet endroit. On me disait que jamais un investisseur n’allait financer le projet d’un viré du Club Med”. Comment ne pas se décourager ! Ignorant les sarcasmes, Serge Trigano s’accroche. La chance finit par lui sourire. Charles Milhaud, alors PDG des Caisses d’épargne se laisse convaincre et investit 28 millions d’euros. Le concept lui-même déroge aux règles habituelles de l’hôtellerie : présence d’objets, parfois incongrus comme un baby-foot, des bouées gonflables au bar, des graffitis sur les murs de béton lisse, des slogans du sol au plafond, des meubles originaux…

Le courage a payé. L’endroit réussit à devenir le plus bobo de la capitale. Le designer Philippe Starck, le chef Alain Senderens, pour la restauration, l’architecte Roland Castro, et Cyril Aouizerate, le découvreur du lieu (à l’origine l’endroit était un parking désaffecté) sont de l’aventure. L’hôtel propose des chambres à moins de 90 euros la nuit, des restaurants conviviaux, dont un sur le toit, le succès est immédiat. Les Trigano gagnent de l’argent dès la première année. Du coup les “Mama Shelter” se multiplient (1). D’un hôtel à l’autre, le concept ne change pas. Et cartonne ! Au point de devenir le concept le plus innovant de cette dernière décennie !

C’est le même concept qu’on a découvert aujourd’hui à l’inauguration du “ Mama Paris West ” (2), Porte de la Plaine, à deux pas du Parc d’expositions de la porte de Versailles. Un chef-d’œuvre d’architecture ! Il a tout pour nous surprendre. Et nous dépayser. Dès l’entrée, c’est le dépaysement avec cette façade de messages numériques lumineux signée de l’architecte Jean Nouvel. On s’égare dans les méandres du lieu. Conçu, lui, par l’architecte Jean-Michel Wilmotte, le “ Mama Paris West ” – baptisé ainsi, est magnifique. Équipées d’éléments de design de pointe imaginés par les célèbres décorateurs d’intérieur Dion et Arles, on retrouve un lieu de vie urbaine et cosy. Collé au Novotel, l’hôtel (207 chambres) du “ Mama Paris West ” est un cocon de bonheur identique au confort d’un chez soi. Plus un restaurant immense (435 m2, 350 couverts dont 80 sur une belle terrasse) et un rooftop avec une vue imprenable sur le grand Paris.

De nouveaux projets sont en attente. Dix autres Mama Shelter sont en construction, et 15 en phase de négociations très avancées. Des ouvertures sont déjà programmées au Luxembourg, à Bahreïn, à Bucarest. Le chiffre d’affaires de l’entreprise devrait bondir de 50% l’an prochain pour atteindre 120 millions d’euros. L’enseigne Mama Shelter s’est positionnée sur le marché ultra-porteur des city-hôtels. Ils représentent 10% des ouvertures du secteur dans le monde. Le géant français de l’hôtellerie Accor est présent dans l’entreprise dont la participation au capital s’élève à 49%, et 70% au début 2020. Les Trigano, père et fils, ont le vent en poupe. Tous les maires veulent leur Mama Shelter, et les banques frappent en masse à la porte des Trigano pour investir. Sauf qu’aujourd’hui, si Philippe Starck a quitté l’aventure, et que Guy Savoy a remplacé Senderens, les Trigano n’en ont pas forcément besoin. La roue tourne. Serge Trigano a pris sa revanche. Et avec ses enfants, ils vengent le grand-père et le père, de cet injuste et terrible licenciement dont ils ont été victimes. “ J’ai mangé, dormi, rêvé Club Med pendant plus de trente ans, quand, j’y étais ? Avec mon père bien sûr ! Mais finalement, le quitter fut aussi une chance, car je n’aurais jamais bâti Mama Shelter. Au Club, je serais toujours resté le fils de Gilbert.” confie Serge Trigano, 72 ans, dans un élan de sincérité. Bon fils, bon père son véritable but est de prolonger l’histoire familiale. Serge a réussi une belle contraction de ses différentes vies, avec d’un côté, un urbanisme un peu illuminé et avant-gardiste et de l’autre, son savoir-faire dans l’animation acquis lorsqu’il était chef de village. Pari gagné. Il peut être fier de lui. Comme son père l’était de lui. 22 ans après son éviction du Club Méditerranée , Serge Trigano, malgré sa timidité, homme sensible, intelligent, et toujours sûr de ses choix, savoure aujourd’hui sa revanche !

Alain Chouffan

(1) Marseille, Istanbul, Lyon, Bordeaux, Los Angeles, Toulouse, Lille, Prague, Rio.
(2) 20 avenue de la Porte de la Plaine 15e Tél 0170941400

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