L’entente Poutine-Nétanyahou favorise la détente russo-israélienne, par Freddy Eytan

Le chef de l’aviation israélienne est rentré de Moscou après avoir rapporté aux militaires russes des précisions sur le raid du 17 septembre dernier ayant provoqué le crash de l’avion Il-20 au large du nord de la Syrie.

Au départ, on pouvait peut-être comprendre la colère des militaires russes et surtout leur délicate explication aux familles des victimes.

Dans le brouillard des informations et devant les accusations syriennes, les premières réactions alarmantes peuvent être justifiées mais elles ne le sont plus après les clarifications israéliennes.

Le général Amikam Norkin a fourni des preuves irréfutables affirmant que ce sont bien les batteries syriennes qui ont abattu l’avion.

A-t-il convaincu les Russes ? La crise est-elle derrière nous ? Comment pouvoir gérer nos relations avec Moscou après ce tragique incident ? Les raids israéliens se poursuivront-ils contre l’Iran et le Hezbollah ?

Pour mieux comprendre la situation actuelle et ses enjeux géopolitiques, il est nécessaire de rappeler certains faits historiques qui ont marqué fortement les relations russo-israéliennes.

L’Union soviétique a été le premier pays à soutenir la création d’un Etat juif indépendant et souverain. En juillet 1948, deux mois après la proclamation de l’Etat d’Israël, Golda Meir débarque à Moscou pour ouvrir la première délégation israélienne. Toutefois, jusqu’en 1968, les autorités soviétiques n’accordent aucune autorisation aux Juifs pour pouvoir quitter le pays. Pis encore, des Juifs sont poursuivis et envoyés dans des camps d’internement et de travail. On les accuse d’être complices de l’impérialisme américain et des agents sionistes. Les écoles juives et les synagogues sont fermées, les rabbins arrêtés, les livres de culte et de prière confisqués et l’enseignement de l’hébreu est interdit.

Benjamin Nétanyahu recevant Vladimir Poutine à Jérusalem en 2012 (photo GPO)

On comptait à l’époque 2.670.200 Juifs en URSS, soit 18 Juifs pour mille habitants. Il ne reste aujourd’hui que 180 000 en Russie. La majorité écrasante a émigré en Israël et forme des atouts considérables dans nos relations avec Moscou.

Cependant, durant toutes ces années, l’histoire des rapports entre Moscou et Jérusalem est une longue suite de disputes, de froideurs, de ruptures et de réconciliations. Une première crise surviendra en février 1953, suite à un attentat perpétré contre la mission soviétique à Tel-Aviv. En 1956, suite à la campagne de Suez, le maréchal Boulganine menace d’utiliser l’arme atomique. Après la guerre des Six Jours, l’Union soviétique, et avec elle tout le bloc communiste, rompt ses relations diplomatiques avec Israël. Durant la Guerre d’usure le long du canal de Suez, des avions MIG pilotés par des Russes ont été abattus par la chasse israélienne…

En octobre 1991, suite à l’effondrement de l’URSS, les relations diplomatiques sont renouvelées et une lourde page est tournée entre les deux pays. Elles atteindront leur apogée lors de l’avènement de Vladimir Poutine. Depuis, elles sont au beau fixe dans tous les domaines.

Suite à l’intervention russe dans la guerre syrienne et devant les intentions hégémoniques de l’Iran, les relations militaires se sont renforcées avec la création d’un mécanisme qui évite toute confrontation direct avec Tsahal. Désormais, Nétanyahou et Poutine peuvent se parler fréquemment au téléphone et même se voir souvent pour coordonner la marche à suivre. Les deux hommes sont conscients que la menace iranienne est réelle sur le sol syrien et irakien aussi.

Jusqu’au 17 septembre 2018, jour de l’incident, toutes les frappes ont été annoncées à l’avance dans le cadre du mécanisme existant entre les deux armées. Poutine a donc laissé Tsahal poursuivre ses raids contre l’Iran et le Hezbollah à certaines conditions.

Le respect mutuel entre Nétanyahou et Poutine participe de la détente entre leurs deux pays (photo GPO)

Les Russes savent parfaitement que c’est bien la DCA syrienne équipée d’ailleurs de matériel et de missiles livrés par eux qui a abattu leur avion et tué 15 militaires. Le renseignement et la haute technologie israélienne sont si performants et efficaces que nul ne peut douter de leur crédibilité.

Il est regrettable que les Américains demeurent indifférents et évitent d’intervenir dans le conflit syrien depuis plusieurs années. Le Moyen-Orient demeure une poudrière et depuis plus d’un siècle c’est bien une région stratégique de confrontation entre les puissances. Israël ne pourra seul relever tous les défis et affronter tous les dangers à la fois : au Nord contre le Hezbollah et les Syriens et l’hostilité turque ; depuis la péninsule du Sinaï contre Daesh et le Hamas ; contre l’Iran jusqu’au Golfe persique et l’océan indien, sans parler du terrorisme palestinien.

Le Président Trump devra donc rapidement intervenir et ne pas laisser uniquement Tsahal et ses services de renseignement agir seuls sur le terrain. Les enjeux sont planétaires et les intérêts stratégiques sont globaux et se partagent entre les superpuissances.

Pour l’heure, l’entente, l’amitié personnelle, et le respect mutuel entre Nétanyahou et Poutine sont un gage pour sauvegarder les relations entre les deux armées et les deux pays.

Les contacts directs avec la Russie devraient se poursuivre pour garantir la maîtrise du ciel par Tsahal.

Dorénavant, et plus que jamais, l’aviation israélienne devrait être extrêmement prudente, mais face aux menaces et au danger de nos ennemis, le gouvernement a aussi le devoir de poursuivre ses raids malgré les risques avec les Russes.

Mieux frapper fort aujourd’hui que regretter péniblement demain de n’avoir pas évité le déluge de missiles iraniens.

Les leçons de la terrible guerre de Kippour nous enseigne qu’une bonne évaluation du Renseignement comme des frappes préventives peuvent mieux assurer notre défense et garantir notre sécurité.

Freddy Eytan, Le CAPE de Jérusalem, jcpa-lecape.org

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