Quand Mélenchon et Onfray voient en Macron un Poutine à la française

Sur Europe 1, Jean-Luc Mélenchon a mis en garde contre une situation politique post-législatives qui ressemblerait à la Russie de Poutine. C’est désormais le nouveau refrain des opposants à Macron, et qui les unit tous: ce dernier serait une menace pour les libertés publiques. Est-ce un bon angle d’attaque?

Ainsi de manière invisible et imperceptible, la France céderait au vertige de la Poutinisation. Au poison de l’exercice solitaire du pouvoir. Au vertige de la monarchie présidentielle restaurée. ” Vous allez terminer avec le parti unique et 570 circonscriptions Macron. C’est de la folie “, c’est Jean-Luc Mélenchon qui l’a dit, ce vendredi sur Europe 1. Et il est même allé encore plus loin. ” La situation de ce point de vue n’est pas saine. Ici, c’est la France, pas la Russie. On va se retrouver avec moins de représentants de l’opposition qu’en Russie “. La Russie, donc Poutine. L’équation est posée. Macron, c’est le Poutine français. Poutine, c’est le Macron russe.

Menace sur la liberté. Etat de disgrâce sur l’égalité. Sans le savoir, la France s’est livrée le 7 mai dernier à un jeune chef d’Etat qui serait en réalité, derrière le masque de la bienveillance revendiquée, un adepte du pouvoir personnel, de la main de fer dans un gant d’acier, de l’autorité muée en autoritarisme. Bref, un 1958 à l’envers, qui serait comme la répétition du Coup d’Etat permanent gaullien des années 60.

Etrange ambiance depuis un mois. Alors que la France s’apprête à élire une Assemblée République en Marche, voilà les mêmes qui s’inquiétaient que Macron président ne puisse disposer d’une majorité qui s’en vont proclamer partout, tous les jours, que Macron disposant finalement d’une majorité est la plus grande menace qui puisse peser sur la France.

Nous serions ” un pays où 14% s’approprie tous les pouvoirs ” dit Mélenchon, qui oublie de préciser qu’il évoque un calcul basé sur les électeurs inscrits, que les voix de la France insoumise représente elle-même à peine 6% de ces mêmes inscrits et qu’il a perdu lui-même plus que 4 millions d’électeurs entre la présidentielle et les législatives.

Une élection par défaut, entre complot et hasard

Nous touchons là, avec cette argumentation de Mélenchon, un point crucial. Les partisans du Vieux monde, qui ont successivement décrété le candidat Macron, ” aventurier solitaire “, puis ” présidentiable sans parti “, puis ” bulle médiatique “, puis ” Président qui n’aura jamais de majorité “, ne parviennent toujours pas à considérer avec lucidité les causes de leur défaite. Si Macron a été élu, c’est par défaut, entre complot et hasard.

Luc Carvounas, sénateur socialiste, naguère vallsiste, a repris à son compte ce couplet sur France info. Attention festival: ” un collaborateur (de Hollande président, NDLR) avec 260.000 clics a pris le pouvoir “, ” Où ils sont, les gens de La République en marche? Ils sont virtuels ou ils existent réellement? […] Moi, je juge sur les faits “. Et de conclure: ” Preuve est qu’ils sont incapables de tenir les bureaux de vote. Quand on regarde, puisque c’est la démocratie – gagner avec dix personnes en un mois et demi, est-ce que ça donne une base solide? Je ne le pense pas. Ce sont des militants 2.0, les candidats, ils sont peu retweetés! ”

Oui, décidément, étrange ambiance. ” On ” veut faire taire les vraies voix du vrai peuple. ” On ” veut imposer la bien-pensance “. ” On ” veut faire de la France une Russie de Poutine. Que des vedettes de télévision et de radio soient priées de passer à autre chose, et immédiatement, les plus fins limiers de la place de Paris, en mode ‘Michel Onfray débusque le grand complot’, y voient la main du pouvoir.

D’ailleurs, le philosophe sait qu’il est lui-même la cible d’une vaste opération de déstabilisation ourdie par le Poutine à la française. Sur Youtube, le philosophe l’affirme à voix haute: le président ” a décidé de faire une cellule riposte, parce que Zemmour et moi-même, nous prenons trop de place dans le récit national. On a créé une cellule pour lutter contre nous. Tout cela est fort sympathique. Mais c’est la preuve qu’il faut continuer à se battre pour défendre les idées, la vérité, la justice “.

Michel Onfray a décidément toujours le mot pour rire. ” Défendre les idées, la vérité et la justice ” avec Zemmour ? Mais ce serait comme défendre la littérature engagée avec Naulleau, soit commettre un livre entre amis avec Alain Soral (et s’étonner ensuite que quelques portes se ferment). Mais passons. L’essentiel est de retenir que Sakharov et Havel au temps du rideau de fer, c’était de la gnognotte à côté de ce qu’Onfray et Zemmour subissent dans la France Macron…

Sur la même ligne que Philippot et Dupont-Aignan

Raisonnons sur temps long. Depuis un mois, une petite musique se fait entendre au sein de la sphère médiatique. Le vieux monde défait qui se refuse à Spinoza (” En ce qui concerne les choses humaines, ne pas pleurer, ne pas crier, ne pas s’indigner mais comprendre “) en ses diverses formes, entonne jour après jour l’insidieux couplet de l’atteinte inévitable que la présidence Macron causera aux libertés publiques. La réforme du code du travail par ordonnances, l’inscription de quelques mesures liées à l’état d’urgence dans la loi ordinaire, la qualité des candidats ” société civile ” LREM aux législatives, la rupture du rapport incestueux entre le journalisme politique gavé au Sarko-hollandisme et le Prince… Tout est prétexte à dresser le tableau d’une France qui se préparerait à céder aux délices d’une République impérieuse qui serait plus bonapartiste que ne le fut Bonaparte lui-même.

Pour le moment, état de grâce oblige, cette chanson n’est guère entendue. Mais le concert des oppositions, de droite(s) et de gauche(s), populiste(s) et souverainiste(s) se constitue sous cet angle d’attaque partagé, faute de pouvoir s’entendre sur le reste. Ainsi Mélenchon et Carvounas se retrouvent-ils sur la même ligne que Philippot et Dupont-Aignan, de la même façon que Michel Onfray s’aligne sur Eric Zemmour.

Credo partagé: puisqu’à leurs yeux Macron est le produit d’un accident de l’histoire, de la communication, du marketing, que ses candidats aux Législatives sont des benêts et des incompétents, que sa représentativité est nulle et par conséquent sa légitimité inexistante, il exerce par essence un pouvoir illégitime, donc brutal, donc attentatoire aux libertés. Le dénoncer dès aujourd’hui, c’est préparer le terrain pour demain, quand l’état de grâce se dissipera, à la fin de l’été… Onfray ou Zemmour, Mélenchon ou Philippot, Plenel ou Polony, Carvounas ou Dupont-Aignan? Qui le premier osera la publication du Coup d’Etat permanent 2?

Bruno-Roger Petit

Source challenges

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