Le refus de la transparence, par Richard Liscia

La loi de moralisation de la vie publique a déjà changé de nom : elle s’appelle maintenant « loi pour la confiance dans notre vie démocratique ». Elle rencontre à l’Assemblée de vives résistances et sera tout aussi difficile à adopter que les autres projets de réforme.

On croyait, après une cascade d’affaires impliquant des élus, que le projet naguère porté par François Bayrou, mais aujourd’hui défendu par sa remplaçante, Nicole Belloubet, serait vite voté par une Assemblée rajeunie, où les « marcheurs » font désormais la pluie et le beau temps. Il n’en est rien. D’abord parce que des milliers d’amendements ont été déposés, ce qui indique une totale absence de consensus sur le contenu du projet, ensuite parce que les groupes politiques, République en marche comprise, se révèlent hostiles à plusieurs dispositions de la loi.

Voter contre son intérêt.

Les élus macronistes ont été considérés, alternativement, comme des godillots de l’exécutif et comme des jeunes gens capricieux dépourvus de discipline. Ils ont montré qu’ils ne sont ni l’un ni l’autre, mais qu’il est difficile pour tout député de voter contre son propre intérêt. On assiste donc à une rébellion qui est de toutes les époques. Elle nous laisse imaginer ce qui se passera quand le gouvernement voudra diminuer d’un tiers le nombre de députés, exigeant ainsi de sa majorité qu’elle se fasse hara-kiri. Dans le cas présent, celui de la réserve parlementaire, la révolte vient plutôt des Républicains, qui estiment qu’elle est indispensable au député.
De quoi s’agit-il ? D’une somme allouée à chaque député qui peut la dépenser chaque année pour satisfaire des demandes en provenance de ses électeurs. Pour mémoire, un simple député dispose de 130 000 euros, et la somme mise à la disposition d’un élu doté de responsabilités (président de groupe par exemple) est beaucoup plus élevée. Dans le cas du président de l’Assemblée, elle atteint plusieurs centaines de milliers d’euros. On devine où le bât blesse : l’élu est libre d’octroyer des fonds à qui bon lui semble, de son statut dépend la somme distribuée, et il n’a aucun compte à rendre sur l’usage de l’argent, même si tout enrichissement personnel est impossible.

La forme aboutie du clientélisme.

Pourquoi ne pas en revenir à une idée toute simple, celle de l’attribution de crédits publics soumise au vote de tous ? Parce que, en réalité, la réserve parlementaire est la forme aboutie du clientélisme. Elle renforce la pérennité du mandat, celui-là même qu’on limite désormais dans le temps et dont on empêche le cumul avec un autre mandat. La logique exige la suppression de la réserve, qui a coûté 147 millions l’an dernier (Assemblée et Sénat confondus). La résistance à un article de la loi qu’inspire le souci de transparence montre que, dans beaucoup de partis, règne encore un état d’esprit que les « affaires » devraient pourtant avoir changé. Un état d’esprit qu’on a déjà pu déceler la semaine dernière quand des députés se sont révoltés contre l’idée que toute dépense devait être justifiée par une facture et que le député ne peut pas faire ce qu’il veut de l’allocation qui s’ajoute à son indemnité (c’est-à-dire son salaire). Ce sont les vestiges d’un système qui, avec le temps, a littéralement construit une série de privilèges autour de la fonction élective. Il est temps de les abolir. « On ne va tout de même pas aller au MacDonald’s quand on invite un chef d’entreprise », a déclaré un élu qui ne se rendait pas compte de son propre ridicule.
En effet, il n’existe aucune entreprise privée qui accorde de telles largesses à ses employés et les élus agacés par la réforme feraient bien de s’en souvenir. L’argent public est celui du contribuable. Il doit être dépensé avec une parcimonie extrême. Beaucoup de gens n’ont pas encore compris que le monde a changé.

RICHARD LISCIA

Suivez-nous et partagez

RSS
Twitter
Visit Us
Follow Me

1 Comment

Poster un Commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*