Le culte de la transgression, par Richard Liscia

Comme si l’actualité n’était pas assez riches en désastres, les médias français se sont concentrés ce matin sur une phrase malheureuse qu’a prononcée hier Emmanuel Macron. Bien sûr, un président de la République doit surveiller son langage. Mais ce qu’il déclare est moins choquant que ce que dit le reste de la classe politique.

M. MACRON s’est rendu hier à Egletons où le président de la région Aquitaine, Alain Rousset, lui a exposé les difficultés d’une fonderie d’Ussel (Corrèze) qui ne trouvait pas assez d’ouvriers qualifiés. Non loin de là, les salariés de GM&S, menacés de licenciement et qui ont refusé de recevoir une envoyé du gouvernement, manifestaient. Et le président a dit : « Au lieu de foutre le bordel, ils feraient mieux d’aller regarder s’ils ne peuvent pas avoir des postes là-bas, parce qu’il y en a qui ont les qualifications pour le faire et ce n’est pas loin de chez eux ». Il s’en est suivi un fracassant concert de critiques, de droite et de gauche. A tel point que le porte-parole du gouvernement, Christophe Castaner, a été contraint de faire l’exégèse des propos, pourtant très clairs, du président, auxquels il a refusé de retrancher ne fût-ce qu’une virgule. Ce n’est pas la première fois que le chef de l’État fait des discours dont la simplicité de langage le dispute à la provocation. On se rappelle les ouvrières « illettrées » d’une entreprise en faillite, les gens que l’on croise dans une gare et où l’on trouve deux groupes : « Ceux qui ont réussi et ceux qui ne sont rien »« les fainéants, les cyniques et les extrêmes », et toutes sortes de mots qui fournissent assez de bois pour incendier les réseaux sociaux et faire bouillir la marmite des oppositions.

Du vrai dans l’excès.

Les as de l’interprétation qui estiment, par exemple, que le président veut augmenter sa popularité dans le camp de la droite, ne me convainquent pas. On ne peut pas exclure que le président, dont la charge de travail est pour le moins considérable, cède, parfois ou souvent, au prodigieux agacement que lui inspire cette partie de la France coalisée, mais sans grand espoir, contre lui. Il serait utile que l’entourage de M. Macron lui recommande la prudence quand il sort de l’Elysée, ou lui demande de changer de langage. N’étant pas illettré, il est capable de tenir des propos à la fois plus sophistiqués mais compréhensibles pour tous. Cependant, on ne peut pas non plus exclure qu’il le fait exprès, que l’illettrisme explique en partie le chômage de longue durée, qu’il y a aussi, dans la condamnation des ordonnances, un état d’esprit délétère, celui des gens qui veulent que rien ne change. Et que M. Macron souhaite que les Français prennent en main leur destin, qu’ils se battent eux-mêmes contre le chômage, sans attendre le secours de l’État ; que la société française, nourrie depuis 1945 par la culture sociale, tend à oublier le rôle individuel que chacun peut jouer.

Ce qui est grave.

Dans ce cas, il prend des risques insensés, mais il utilise une phraséologie à la fois de bon sens et populaire. En effet, si les détracteurs professionnels de M. Macron ne font que leur métier, rien ne dit que le public désapprouve ce genre de propos. De sorte qu’il est licite de dénoncer quelques choquants raccourcis mais qu’il ne faut pas nécessairement rejeter le message qu’ils contiennent. En somme, cette polémique est indigne par rapport à ce qui se passe dans le pays et dans le monde et elle tend à étouffer d’autres discours infiniment plus scandaleux. Bien entendu, on ne peut pas comparer ce que dit le président à ce qu’affirment les obscurs et sans-grade qui contribuent avec ardeur à l’abrutissement national. Et pourtant, cette anecdote vaut son pesant d’or : une collaboratrice du maire communiste de la Courneuve, Sonia Nour, avait décrit le terroriste de Marseille comme un « martyr ». Son patron l’a suspendue. Mais la suppléante de François Rufin (la Force insoumise) à l’Assemblée, Zoé Desbureaux, lui a apporté son soutien total : « Force à toi, Sonia, tu n’es pas seule ». Et d’ajouter qu’elle était triste de voir « la gauche céder à la propagande et à la désinformation fasciste ». Il a fallu que Jean-Luc Mélenchon et François Rufin la désavouent. Heureusement. Conclusion : M. Macron exagère, mais ce qui est beaucoup plus grave, c’est qu’existe dans la France de gauche un courant maladivement attiré par le terrorisme islamique.

RICHARD LISCIA

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