La légitimité de la victoire LREM en question, un procès absurde et dangereux

Avec 32% des voix au premier tour des Législatives, les projections accordent une majorité écrasante à LREM, parti du président Macron. D’où un absurde procès en légitimité, à droite comme à gauche, fait à la future Assemblée nationale.

La victoire est à ce point écrasante qu’elle en est devenue défaite. Ainsi se propage, depuis dimanche 20 heures, le refrain des oppositions à l’introuvable majorité République en marche qui s’installera la semaine prochaine à l’Assemblée nationale. Des socialistes, des insoumis, Les Républicains et les Frontistes, tous unis dans une même interprétation du résultat du premier tour des législatives: trop c’est trop, donc, c’est illégitime.

Car c’est bien là l’enjeu de l’interprétation de la victoire En Marche. Elle s’annonce à ce point vertigineuse, pour cause de fait majoritaire lié au mode de scrutin et amplification doublée pour cause de proximité temporelle avec l’élection présidentielle, que les oppositions à la majorité Macron n’ont plus d’autre argument à proclamer que de décréter un procès en illégitimité de la majorité parlementaire qui vient.

Tous disent ou suggèrent la même chose. Il n’est pas sain qu’un parti ayant obtenu 32% des voix au premier tour des élections législatives se retrouve la semaine suivante avec au moins 70% des sièges à l’Assemblée. La déformation entre l’électorat réel et le pays légal est trop flagrante.

Et de ressasser, tant chez les Insoumis, les socialistes, Les Républicains et les frontistes les mêmes arguments.

La République en marche n’a obtenu que 7 millions de voix.
La République en marche ne représente que 15% du corps électoral.
La République en marche va bénéficier d’une hallucinante majorité alors qu’elle est minoritaire dans le pays.

Dont acte. Tout cela est vrai. Et en même temps totalement erroné.

Si la République En Marche est minoritaire, donc illégitime à siéger en majorité à l’Assemblée, alors que dire de ses oppositions?

Le Front national a perdu 4.700 000 voix par rapport au premier tour de la Présidentielle. Mélenchon et ses Insoumis 4 millions. Fillon et LR 2.300 000. Et Hamon et le PS, 140 000 (mais pouvaient-ils tomber plus bas?). Traduit en pourcentages, le FN chute de 21 à 13. Les Insoumis de 19 à 11. Les Républicains se maintiennent à 20 et des poussières. Et le PS est à plus de 9.

Avec de tels résultats quelle légitimité peuvent revendiquer l’ensemble de ces forces et ceux des commentateurs qui les soutiennent? Comment peuvent-ils nier toute légitimité à la future majorité République En Marche.

Il est même possible d’oser avancer ici l’idée selon laquelle les abstentionnistes du premier tour ont accompli en vérité un acte politique fondateur. S’ils ont estimé qu’il n’était pas utile, voire nécessaire de voter pour les formations des oppositions à la majorité présidentielle, c’est aussi, sans doute, parce qu’ils entendaient les sanctionner par abandon, les laissant méditer sur leur misère politique.

Réduit à la portion congrue

Les Républicains ont été boudés à raison de l’illisibilité de leur ligne politique, reflet de la crise culturelle qu’ils ont refusé de voir tout au long des cinq années du quinquennat Hollande, consacré à attendre tranquillement l’alternance, sans percevoir la demande de renouvellement.

Marine Le Pen et le Front national ont renoué avec un plafond de verre qui paraît redescendu de plusieurs crans, conséquence de la prestation lamentable, mais historique, de la candidate lors du débat de l’entre deux tours de la présidentielle.

Mélenchon et ses Insoumis ont été désertés pour cause de ‘back to basics’ aux fondamentaux de la gauche stalinienne des années 20, à savoir refus de toute stratégie de Front uni, d’union de la gauche ou de gauche plurielle. Les électeurs socialistes dupés par le comportement du grand leader entre les deux tours de la présidentielle n’ont visiblement pas eu envie d’être dupés une seconde fois.

Le PS est sorti de l’histoire par les électeurs. Non seulement les Frondeurs, mais aussi ceux qui auront été fidèles à la social-démocratie de gouvernement. Ce qui signifie que c’est le Parti socialiste, compte tenu de ses mœurs, us et coutumes qui est congédié de la vie politique par les Français. C’est le fait majeur de ce printemps électoral.

Ainsi doit se lire le résultat de ce premier tour des élections législatives. Si les oppositions à Macron n’étaient pas à ce point à côté de la réalité de l’opinion publique, elles ne seraient pas réduites demain à la portion congrue dans la future Assemblée. Le débat sur le nombre de députés pour les uns et les autres relèvent alors de l’accessoire.

Que le FN ou la France insoumise siègent à 10 ou 15, qu’ils puissent avoir un groupe ou pas, peu importe. Cela ne change rien à leur affaire… Leur problème, c’est l’incarnation d’une compétence politique reconnue comme telle par les électeurs.

Une revanche électorale sur le bitume

Soyons lucides. Nous savons aussi ce que signifie le procès en illégitimité de représentation fait à la majorité République en marche. Tout cela est d’ores et déjà érigé en prétexte à exporter dans la rue ce qui ne pourrait être dit ou défendu à l’Assemblée nationale. La tentation sera grande de jouer sur le bitume la revanche électorale de la séquence printemps 2017.

Stratégie à haut risque lorsque l’on contemple aujourd’hui l’état d’une certaine droite, persuadée d’être majoritaire depuis 2012 à raison des succès dans la rue de la Manif pour tous. Contemplons aujourd’hui le destin électoral des candidats ou élus de cette mouvance. Les candidats de Sens commun sont tous battus dès le premier tour. Et dans les Yvelines, le député Poisson, héritier de Christine Boutin, candidat à la Primaire de la droite, dans une circonscription très à droite, est en fâcheuse posture en vue du second tour, avec à peine 20% des voix, face à la candidate LREM Aurore Bergé (46%).

CQFD: la légitimité ne naît jamais de la rue, mais de l’élection. Et même quand les électeurs s’abstiennent, c’est encore pour eux une certaine façon de voter.  Voilà bien tout le sens de ce premier tour des législatives: la légitimité de la majorité de demain nait aussi d’une abstention qui ne voulait pas sur-légitimer des oppositions qu’elle réfute, pour diverses raisons. Le procès en illégitimité fait à la future majorité parlementaire est donc aussi absurde que vain. Contrairement à ce que dit l’adage, les absents n’ont pas toujours tort.

Bruno-Roger Petit

Source challenges

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4 Comments

  1. Si dans une competition sportive entre une equipe A et une equipe B, l’equipe A ne se presente pas , c’est automatiquement l’equipe B qui est declaree vainqueur.
    Idem en politique

  2. Il semblerait que la comptabilisation officielle soit un petit peu différente :
    – LREM : 28,21%
    – LR : 15,77%
    – FN : 13,20%
    – France insoumise : 11,02%
    – PS : 7,44%
    – Ecologistes : 4,30%
    – Modem : 4,11 %
    – PCF : 2,72%

    Cela dit, LREM + MODEM = majorité présidentielle (32,32%)

  3. Moins d’un tiers des voix vont donner entre 400 et 450 sièges pour REM. Ne pensez-vous pas que le mode d’élection n’est pas très représentatif et que pour se faire, un scrutin à la proportionnelle parerait à la faiblesse constitutionnelle? La démocratie en sortirait très certainement grandie.

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