Ces intellectuels que le Président laisse sur leur Aventin,par Sarah Cattan

Jeudi soir, comme beaucoup parmi vous, j’ai zappé L’émission politique parce que Léa Salamé avait invité la Mégère et que, décidément, l’une et l’autre en même temps, ça me paraissait too much.

Grâce à nous tous, la prestation de la présidente du FN fit un flop, un bide dixit Florian Philippot, et ça, ça fait toujours un petit quelque chose d’agréable en nous. Le danger décidément, je parle du danger imminent, il n’est plus là, quoi qu’en disent nos dirigeant avec leur capture pathétique des dix supposés terroristes affiliés à l’ultra-droite. Pas rancunière de tempérament, je sens que décidément, jamais je ne leur pardonnerai leur faute irréparable concernant la tuerie de Toulouse.

Mais revenons à nos moutons. Dans la partie intitulée L’émission politique, la suite, Léa Salamé recevait Alain Finkielkraut auquel elle demanda ce qu’il avait pensé de la dernière Une de Valeurs Actuelles le présentant muselé avec du scotch aux côté d’Eric Zemmour et de Michel Onfray. Finkie répondit qu’à un journaliste de l’hebdo qui l’avait contacté en vue d’une enquête sur les intellectuels qui critiquaient Emmanuel Macron, il avait opposé un refus, lui notifiant qu’il n’appartenait à aucun groupe, son opinion étant beaucoup plus nuancée. Non il n’a pas dit, lui, que sa pensée était trop complexe.

D’où sa surprise en découvrant la Une : Cette Une est mensongère. Surtout, l’idée que je sois muselé est complètement stupide. Je ne suis pas embrigadé. Je ne suis évidemment pas bâillonné, même s’il m’arrive de comparaître devant des tribunaux médiatiques, j’ai toujours la parole. Je peux m’exprimer. Et de conclure : Il y a du rififi à droite de l’échiquier politico-médiatique. La droite dans les murs peut être timide et complexée. Mais la droite hors les murs n’a aucune tenue !

Moi, le cœur en bandoulière, je me suis résolue à aller y voir de plus près et donc à l’acheter et puis le lire, le numéro 4221 de l’hebdo droitier. Lequel, après avoir scellé le sort de l’intellectuel de gauche qu’il se félicita de voir enterré, non sans avoir expliqué qu’aujourd’hui l’intellectuel, qui était de gauche comme l’eau est mouillée et le feu brûlant, était passé à droite pour devenir un polémiste ou un pamphlétaire, se prit à dresser la liste. 

Onfray, Finkie

La liste de ceux qui auraient été, pour avoir critiqué le PR, renvoyés dans leurs cordes sans autre forme de procès, entendez Onfray qui accusa le Président de n’être qu’une fiction, un pantin démagogue, Finkie qui moquait son progressisme béat, et puis les autres.

Au château ? Le PR avait décrété que ceux-là ne l’intéressaient pas, qui regardaient avec les yeux d’hier le monde d’hier, et il proposait de les laisser sur leur Aventin, faire du bruit avec de vieux instruments, ces esprits tristes englués dans l’invective permanente.

Au château, le PR n’entendit pas l’inquiétude d’un Marcel Gauchet devant la perspective d’une société dont les jeunes générations n’auraient plus de lien avec le passé et il ne l’écouta pas nous dire que l’idée que le passé puisse être remodelé à volonté était une idée totalitaire. Le PR, il ne prêta  oreille à la mise en garde de l’historien qui déplorait que nous fussions passés du roman national à la fable multiculturaliste. 

Il ne les écoutait plus, ceux-là, et il avait choisi de recevoir désormais des intellos tels mon cher Jacques Julliard, guidé qu’il était dans ses choix par Bruno Roger-Petit , initiateur d’une sorte de liste noire englobant Zemmour, Polony ou encore Lévy, bref ceux qui ne méritaient plus d’avoir voix au chapitre. Jacques Julliard quand même.

Il avait changé, Manu, lui qui en janvier 2016 déjeunait avec l’auteur de L’Identité malheureuse. L’académicien, qui avait alors décrit un Macron tout doux, tout miel, comme s’il voulait le séduire, convient qu’aujourd’hui le chef de l’Etat aimait à minimiser son travail : si on n’est pas avec lui, on ne vaut rien. Le PR aurait pour partie, selon le philosophe, neutralisé le débat intellectuel, si bien que le en même temps régnait et faisait qu’on avait à la fois Jean-Michel Blanquier et Marlène Schiappa. Vous savez bien, ce en même temps macronien[1], qui, en permettant de relier deux choses en apparence irréconciliables, donne l’impression que la synthèse est possible, et en même temps refuse de penser le conflit et de l’arbitrer.

Giono,Pagnol et IAM

Finkie, il a récemment dîné à nouveau en tête à tête avec celui qui répète qu’il n’y a pas d’un côté Giono et Pagnol et de l’autre IAM. Finkie qui plaide, lui, pour la sauvegarde d’un certain nombre de choses, de la terre, de la lande, de notre civilisation. Et qui, à ce titre, accepte s’il le faut l’épithète de conservateur.

D’autres, comme la directrice de Causeur, cette plume libre, reconnaissable entre mille comme une précieuse dissonance à la symphonie du nouveau monde[2], assurent que ce qui importe chez Emmanuel Macron, c’est moins ce qu’il dit que ce qu’il ne dit pas, que ses silences sur l’islam et sur l’identité de la France sont assourdissants, et Zemmour embraye, considérant que, incapable qu’il est de désigner l’ennemi, le PR ne voit pas que le tragique est de retour.

Finkielkraut. Bruckner. Lévy. Polony. Zemmour. Gauchet. Et même Élisabeth de Fontenay. Tous ceux-là  qui avaient de toutes façons été estampillés réac par les journalistes … de gauche, parce qu’ils parlaient identité, immigration, islam. Ces hérauts du souverainisme, du conservatisme et de l’identité. Ces tenants de la fermeture. Ces prophètes du monde ancien. Qui de surcroît avaient osé ne pas être d’accord avec Lui.

Il en reste un dont au château on ne sait pas trop que faire : entendez l’ignoble Valls, lui qui depuis longtemps s’honore à le nommer, l’islamisme qui s’installe en France, quitte à se faire traiter de nazi par qui vous savez. Manolo, te voilà intégré à la fachosphère. Welcome home.

Mais peut-être suis-je sombre. Pour ne pas me réjouir que les baby-boomers entrent enfin dans la nuit. Mais peut-être suis-je juste lucide. Peut-être n’ai-je pas envie de partager le bonheur de Christophe Barbier, ravi de la crèche qui se félicite que la France soit désormais dirigée par deux enfants des années 1970.

Sarah Cattan

[1]Michèle Monte, chercheuse en sciences du langage à l’université de Toulon.
[2] Elisabeth Lévy, le talent de la liberté, par  Vincent Tremolet de Villers. Figarovox. 20 octobre 2017.

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2 Comments

  1. A propos des Juifs qui se réclament antisionistes, je tiens à vous raconter, André Mamou, ainsi qu’à vous, luc nemeth, l’histoire authentique et édifiante d’une personne de mon entourage proche qui se prénommait … Israel.
    Parti de Pologne en Tchécoslovaquie pour faire des études scientifiques, dans les années 1930, il se retrouva (ainsi que sa fiancée) pendant la guerre qui suivit, réfugié en Angleterre.
    Vers la fin des années 1940, peu après la déclaration d’indépendance de l’Etat d’Israël (le 15 mai 1948), il fut contacté par les autorités polonaises en tant qu’ancien membre du Parti Communiste avant son départ de Pologne, pour occuper un poste important au gouvernement.
    En Pologne, en cours de route, il changea son prénom, Israel, en Ignace, avec la volonté affichée de se démarquer de l’Etat du même nom et affirmer sa fidélité envers le régime.
    Or, quelques années plus tard, suite à une révolte populaire, essentiellement verbale, dénonçant de façon discriminatoire les Juifs installés au gouvernement, Ignace fut écarté de son poste.
    Pire encore, son fils aîné, qui se distinguait des Polonais par son teint mat et ses cheveux bouclés, fut un jour pris à partie par un passager dans un autobus et obligé de force de descendre du véhicule sans qu’il y eût la moindre intervention de la part des autres passagers.
    Par dépit, mais aussi pour préserver l’avenir de ses trois enfants, Ignace décida alors d’immigrer en Israël, où il reprit son prénom d’origine, prédestiné pourrait-on dire.

  2. A l’attention de la Rédaction de Tribune Juive : mon commentaire ci-dessus n’est pas à sa place.
    Il avait été envoyé au sujet d’un autre article, suite à deux commentaires, l’un, d’un lecteur nommé Luc Nemeth, l’autre, d’André Mamou.
    Veuillez donc le remettre à sa place, ou annulez-le, car à cette place-là il est comme un cheveu dans la soupe !

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