À Vienne, une expo retrace le destin de Helena Rubinstein

Le Musée de la Judenplatz, rend hommage à la grande dame de la cosmétique en présentant, pour la première fois, le patrimoine réuni par la marque qui porte son nom.

Qu’aurait pensé Helena Rubinstein, née Chaja Rubinstein en 1872, dans le quartier juif de Cracovie (ancienne Autriche-Hongrie), de l’élection de Sebastian Kurz ? La victoire du jeune conservateur aux législatives autrichiennes résonne étrangement au moment même où «Helena Rubinstein. Pionnière de la beauté» ouvre ses portes au musée juif de Vienne. L’exposition dévoile une partie des 6 000 visuels patrimoniaux et produits cosmétiques réunis par la marque Helena Rubinstein (aujourd’hui propriété du groupe L’Oréal) lors d’un ambitieux travail d’acquisition, de compilation et de numérisation entrepris il y a quelques années.

Première self-made-woman de l’histoire

Ces documents retracent ainsi le remarquable parcours de ce sémillant bout de femme (1,47 mètre), qui a conquis les continents (elle a vécu à Cracovie, Vienne, Melbourne, Londres, Paris, New York, Tel-Aviv), brisé les conventions et placé au cœur de sa mission l’émancipation des femmes. L’aînée d’une fratrie de huit filles avait un caractère bien trempé et une détermination à réussir : «Madame», comme on l’avait surnommée, ne deviendra pas seulement la reine de la beauté mais aussi la première self-made-woman de l’histoire.
Son récit commence dans le quartier sombre de Kazimierz. C’est ici que se forgent les traits du caractère impétueux de la jeune fille, obligée d’assister ses parents dans la dure vie du ghetto. Alors que ces derniers tentent de la marier à un vieux veuf fortuné, Helena Rubinstein comprend que son avenir auprès des siens ne lui réserve rien de bon. Elle rejoint, à Vienne, sa tante qui possède une boutique de fourrures, où elle se forme à la vente. En 1896, après un long voyage en bateau, elle pose ses valises en Australie. Hébergée à ­Coleraine chez un oncle qui la tue au travail, elle trouve son seul réconfort dans une douzaine de pots de crème remis par sa mère, créés par le Dr Lykusky, un pharmacien hongrois, ami de la famille.

Un premier laboratoire improvisé dans sa cuisine

Son teint lumineux et sans taches fait l’admiration des Australiennes à l’épiderme tanné par les ultraviolets. Prenant conscience de ce petit trésor qui va lui permettre de s’émanciper de son oncle, elle part à Melbourne et improvise un laboratoire dans sa cuisine, travaillant avec acharnement à reproduire la formule de ladite crème. Ce premier soin se nomme Valaze («don de Dieu» en hongrois) et connaît un succès tel que Helena doit faire appel au Dr Lykusky pour l’assister dans la confection des pots. Deux ans plus tard, en 1902, la Maison de beauté Valaze ouvre ses portes et, avec elle, le premier institut au monde !

Cette victoire ne suffit pas à Helena, qui souhaite s’imposer comme la plus grande spécialiste de la beauté. Afin d’enrichir ses connaissances en dermatologie et en chimie, elle quitte en 1905 l’Australie pour l’Europe, inaugure un institut à Londres, puis sa Clinique de beauté à Paris. Enfin, en 1914, fuyant la guerre, elle s’installe aux États-Unis, ouvrant des salons qui portent désormais son nom. Une concurrence sévère naît entre elle et une autre pionnière, Elizabeth Arden, qui restera jusqu’à sa mort sa plus grande rivale (un article de Paris Match des années 1950, exposé dans la seconde salle, relate cette guerre entre les deux femmes).

Des innovations

L’amour du «beau» de Helena ­Rubinstein ne se limite cependant pas à la cosmétique. Elle nourrit une passion pour l’art, les bijoux et la haute couture, fréquente les plus grands artistes de son époque – Dali, Picasso, Frida Kahlo, ­Cecil Beaton… -, qu’elle sollicite pour la décoration de ses appartements, ses ­salons de beauté, ses publicités et les packagings de ses produits, inventant par là même, le concept de marketing.

L’Autrichienne s’éteint en 1965 à New York, à l’âge de 93 ans, laissant derrière elle un empire et de belles innovations : la première formule à base d’électricité, la première classification des soins par types de peau, le premier masque aux hormones, le premier mascara waterproof, le premier anti-âge, le premier mascara automatique sous forme de stylo (toujours actuel), etc. Un patrimoine rare et toujours vivant, bien qu’il ne soit plus en tête des classements diffusée dans dix-huit pays, la marque n’est plus vendue en France que sur son site Internet (www.helenarubinstein.com), mais elle entend bien reconquérir le marché un jour.

Helena Rubinstein. Pionnière de la beauté, jusqu’au 6 mai 2018, au Museum Judenplatz, à Vienne. www.jmw.at.

Source madame.figaro

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