Coup de cœur de TJ : Un dimanche en Galilée. Marco Koskas. Par Sarah Cattan

Marco Koskas, auteur de Balas Bounel, outre qu’il écrit fort bien, a l’avantage et l’honneur de déplaire à Guillaume Gendron, sorte d’Envoyé spécial en Israël pour Libé et donc préposé pour nous conter, via le Quotidien, tout le mal qu’il faut penser de l’Etat hébreu et de tout ce qui s’y rapporte.

Dans un papier[1] qui ne restera pas dans les annales de la critique littéraire, Gendron, donc, voulut tordre le cou à Marco Koskas plus qu’à sa Bande de Français. C’est ainsi que certains usent et abusent du pouvoir qu’ils croient conféré à l’exercice de critique, qu’elle fut cinématographique, littéraire, théâtrale et j’en passe.

C’est aussi, rappelons-le, que notre Gendron et ses pairs avaient manqué s’étrangler de ce que Marco Koskas, auto-édité sur Amazon, devînt, après la recension dithyrambique qu’en fit Patrick Besson dans Le Point, l’invité surprise du prix Renaudot, inscrit qu’il fut dans la liste des 17, première sélection du Prix. Ça, notre Gendron ne le toléra pas et évoqua, revanchard et frisant l’ulcère, ce recalé, dossard Amazon dans le dos, au côté de Philippe Lançon et Adrien Bosc !

Essayez de comprendre cet outrage qui faillit être fait à la Littérature !

Essayez d’imaginer l’émoi du préposé de Libé !

L’aria de Tel Aviv, sa respiration et son haleine, dévoilées par Marco Koskas

Supposé lire et critiquer Bande de Français, où l’écrivain capta mieux que quiconque ce que les italiens appellent l’aria de Tel Aviv , sa respiration et son haleine, notre Gendron, comme mu par une sourde colère ou une animosité personnelle, allez savoir, évoqua d’un air dégoûté le bouquin, parla de la combine trouvée par un auteur en mal d’éditeur, et, éreintant jusqu’au Florentine, le Flore israélien, reprocha dans une même veine à l’auteur un ouvrage où les Palestiniens, lorsqu’ils n’étaient pas invisibles, étaient décrits couteau à la main, terroristes dans le tramway de Jérusalem ou bédouins louches dans le désert, tout ça par un auteur biberonné aux mythes sionistes à la Moshe Dayan, et qui, non content de se revendiquer super-sioniste et ultra-laïque, vomissait l’extrême gauche qui traquait les gamins intégrant Tsahal comme s’ils rejoignaient Daech.

Vous l’aurez compris : Gendron, qui règle ses comptes sous le prétexte d’écrire, ce qu’il fait au demeurant fort mal, s’usa à tenter de nous brosser un portrait tellement à charge qu’il provoqua l’effet contraire, et donna à chacun le désir d’aller y voir de plus près.

Choisissant de passer sur le ramdam du tonnerre de Dieu qui s’en suivit chez les libraires, – je parle de ceux qui publient de vrais écrivains- , de passer encore sur l’appel au boycott mu par l’indignation des mêmes, nullement préparés à ce coup de Trafalgar et prétendument inquiets pour … l’avenir de la création, mais encore pour Marco Koskas himself, qui aurait été privé de vraie diffusion digne de ce nom s’il était primé, là où Besson parla d’un des ouvrages les plus originaux, les plus intéressants de la rentrée, nous, à Tribune juive, vous offrons un petit délice, ces quelques lignes d’une plume qui, bien évidemment, sera un jour primée.

UN DIMANCHE EN GALILÉE

Souvent j’envisageais de passer le week-end en Galilée, mais ça ne se faisait pas. Et puis récemment, un samedi matin de très bonne heure, je reçois un message sur mon portable, me demandant si je suis bien l’auteur d’un certain livre. La fille m’explique qu’elle a mis la main dessus en rangeant sa bibli, et je lui confirme que oui, c’est bien moi qui l’ai écrit. Ça fait toujours plaisir, ce genre de signe d’une lectrice. C’est gratifiant. Mais le plus intéressant c’est qu’elle me dit qu’elle habite en Galilée…

Le lendemain elle me rappelle d’aussi bonne heure pour m’inviter à passer la journée là-haut, dans son village de montagne, comme si elle avait deviné que depuis des années je veux y aller mais que je n’y vais pas.

On s’organise rapidement, et vers midi mon train entre en gare de…. Je ne me rappelle plus le nom du bled, d’ailleurs.

Elle m’attendait dehors, je la reconnais de loin, et la surprends se recoiffant vite fait devant une porte vitrée, moins belle qu’en photo mais c’est toujours décevant le passage au réel. Moi aussi je suis beaucoup moins bien qu’en photo. En plus je me suis rasé de près la veille, pour la première fois depuis des années. Sans ma barbe de trois jours, je suis très émacié. Elle doit être déçue, mais elle n’en montre rien. Moi non plus. Je lui dis même qu’elle a un beau sourire…

On prend le bus pour monter jusqu’à son village, et ça me change vraiment de Tel Aviv. Enfin, j’ai ma virée en Galilée ! L’air pur, les sapins, les ravins…

En chemin, on voit plein de villages arabes à flanc de colline, et on reconnaît qu’ils sont arabes à ce qu’un minaret à la feuille d’or domine des maisons blanches, mais aussi beaucoup de maisons inachevées, sans porte ni fenêtre, à peine des carcasses de ciment. La fille m’explique que les Arabes du coin commencent à construire sans autorisation, et quand ils se font pincer eh ben ils laissent tout en plan plutôt que payer des taxes.

C’est un dimanche maussade, avec une brume épaisse, mais de la terrasse de sa maison on voit quand même les montagnes noires de Galilée tremper le bout du pied dans les eaux bleuâtres du Lac de Tibériade, et c’est magnifique. Voilà ce que je voulais voir quand j’envisageais de passer un week-end en Galilée. Et puis cette fille est marrante. Elle recueille des chiens, des chats. Sa maison est pleine de bestioles.

On est allés à pied déjeuner à travers bois, au restau du village d’à côté. Une demi-heure de marche, avec ses chiens qui se jettent sur la route comme des idiots et qu’il faut rattraper par le poil. Au retour on a bu du thé bien chaud. Du fond du sofa, j’ai esquissé un geste comme si j’avais envie d’elle mais elle s’est défilée en s’excusant. Pas si vite, m’a-t-elle dit. Ça m’a soulagé, parce que je n’avais pas vraiment envie d’elle mais je ne voulais pas non plus qu’elle soit déçue. Et on a continué à parler de livres et de bêtes, comme si de rien n’était, puis j’ai repris l’autobus pour redescendre vers la gare.

On s’est promis de rester en contact, mais la seule fois où elle m’a écrit ce fut pour me demander si je pouvais garder pendant quelques jours de pauvres chiens abandonnés…

Copyright Marco Koskas.

Sara Cattan

[1] Libération. 1 octobre 2018.

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4 Comments

  1. La qualité de ce texte dit « UN DIMANCHE EN GALILÉE », de niveau 1ere en ZEP, donne raison à Gendron.
    Je n’avais jamais lu Koskas et ce n’est pas ça qui me donnerait envie.
    Houellebecq il n’est pas. J’euphémise.

    • Non, il n’est pas Houellebecq. Mais il serait plutôt Djian et, risquons nous, un peu Hemingway. C’est un reportage qui raconte une histoire.Nous, on a aimé …mais ne vous forcez pas !

  2. La grande littérature, paradoxalement, efface le narratif. Quand vous liez Proust, Dostoïevski, Camus, Kundera, Émile Ajar, Kafka, Boulgakov ou Cervantès, le réel est là et s’éclipse. Le temps est là mais la durée s’évanouit. Une grande écriture efface le temps de l’anecdote pour ne nous laisser que le parfum d’une traversée. Quand la narration n’est que récit linéaire même avec un brin de scepticisme et d’ironie à la française… quand le quotidien ne porte que des opinions de tête, et non des sensations vitales, la littérature s’effrite de trop vouloir raconter au quotidien. Écrire est un souffle qui nomme ce qui n’est pas. De cette perte innommable les mots deviennent une présence que le temps n’efface pas… De la saga humaine écrire frôle l’innommable, la joie qui triomphe d’un deuil, tel est le Dieu des lettres. À vous d’interpréter…

  3. On peut raconter une histoire avec des mots de tous les jours, évoquer un personnage un peu spécial, captiver le lecteur …et c’est aussi de la grande littérature ! Pourquoi invoquer Camus ou Dostoiewski pour dénigrer ce petit texte où le talent a économisé les mots ?

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