Rencontre avec Laëtitia Eïdo, magnifique actrice de Fauda

L’actrice Laëtitia Eïdo tourne en Israël la deuxième saison de la série “Fauda” (“chaos” en arabe) qui met en scène le conflit israélo-palestinien. Rencontre avec cette franco-libanaise qui n’a pas peur de battre en brèche les préjugés.
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C’est au détour d’un virage dans le désert du Néguev, à une heure en voiture de Tel-Aviv, que nous retrouvons Laëtitia Eïdo. Silhouette longiligne, grands yeux noirs sous un chapeau de lady britannique, l’actrice nous a invité sur le tournage de la saison 2 de la série israélienne “Fauda”. Elle y joue le rôle de Shirin, une médecin palestinienne amoureuse d’un nouveau patient qui se trouve être un agent israélien infiltré en Cisjordanie. C’est elle qui est devenue la véritable vedette de la série. Dans un reportage réalisé pour Arte en septembre 2017,  Avi Issacharoff, co-scénariste avoue que lorsqu’il voyage, de tous les personnages, c’est toujours de la docteure qu’on lui demande des nouvelles.

“Fauda”, qui veut dire “chaos” en arabe, braque ses caméras sur un aspect méconnu du conflit israélo-palestinien : celui des soldats d’élite du commando israélien Mista’aravim qui opèrent, infiltrés, au cœur des Territoires palestiniens. En Israël, la série est controversée. La ministre de la culture de droite Miri Regev lui reproche l’humanisation de terroristes palestiniens filmés dans leur quotidien, dont on partage les histoires amoureuses et familiales.“Je pense au contraire que cette série ouvre la porte sur ce qui se passe chez le voisin”, rétorque Laëtitia Eïdo. “On montre aux Israéliens que les Palestiniens ont parfois les mêmes peurs, les mêmes problèmes, le même sentiment d’injustice. C’est triste de dire qu’on les ‘humanise’ car ils sont de fait “humains’”, souligne-t-elle.

Un succès malgré les critiques venues d’Israël et de Palestine

En Cisjordanie, on accuse également les auteurs de la série de vouloir montrer les Palestiniens sous le seul angle du terrorisme. “Si on ne prend pas un angle bien déterminé, il n’y a pas d’histoire, on ne fait pas un documentaire”, objecte Laëtitia Eïdo. En dépit des critiques, la série est un véritable succès populaire en Israël, dans les Territoires palestiniens et à travers le monde grâce à sa diffusion sur Netflix. Aux Etats-Unis, “Fauda” est entré dans le top 3 des séries les plus regardées. L’animateur et humoriste américain Conan O’Brien, venu sur le tournage trois jours plus tôt, s’est dit “un grand fan”.

Pour Laëtitia Eïdo, française par son père et libanaise par sa mère, cette aventure israélienne ne va pas de soi. Par ses choix, la jeune actrice sait qu’elle fait grincer des dents. D’abord au Liban, qui n’a jamais fait la paix avec l’Etat hébreu et où les “mauvais souvenirs” sont nombreux suite à l’invasion du pays en 1982 et à la dernière guerre avec le Hezbollah en 2006. Mais aussi en France et ailleurs, où des sympathisants du mouvement BDS (Boycott, Divestment, Sanctions) lui reprochent de travailler avec une puissance occupante. Des critiques injustifiées pour la comédienne. Pour elle, le boycott n’a pas sa place dans l’art. “L’art, estime-t-elle, est la seule chose qui rassemble vraiment les gens, c’est le seul domaine qui peut encourager l’amour mutuel”.

Un trait d’union au risque de fâcher les uns et les autres

Forte de sa double origine, Laëtitia Eïdo se veut “un trait d’union entre les cultures” même si elle ne se donne aucune “mission particulière”, tient-elle à préciser. “En tant qu’acteur actrice, explique-elle, on n’est pas là pour mettre les politiciens au chômage. On est juste là pour faire avancer les choses d’une autre manière, pour faire un pas vers l’autre”.

Pour illustrer son propos, la jeune femme nous confie une anecdote de tournage : un technicien juif israélien sur le plateau n’avait jamais parlé à un arabe de sa vie, et la série lui en a donc offert l’occasion. “Les Israéliens et les Palestiniens vivent de plus en plus cloisonnés, il faut au contraire qu’ils se rencontrent et qu’ils se parlent. Si les deux peuples s’habituaient l’un à l’autre, ils exigeraient des politiques de trouver des solutions”, veut-elle croire.

 Cette curiosité pour l’autre côté du miroir, cette ouverture vers les autres, Laëtitia les puise dans son histoire familiale. L’actrice raconte que son grand père libanais, assassiné, lui aussi, au matin du massacre de Sabra et Chatila, avait des origines juives. Il était aussi “maire d’un arrondissement de Beyrouth. Il prônait la paix et pendant la guerre, il a toujours refusé de prendre les armes”, souligne-t-elle.

La destruction de Beyrouth marque l’enfance de Laëtitia Eïdo. Alors que les confessions s’entremêlent de génération en génération, les branches musulmane et chrétienne de sa famille se divisent et restent fâchées. Sa mère musulmane rentre en conflit avec sa famille pour épouser son père chrétien. “Tout cet héritage m’oblige à dépasser les clivages religieux ou ethniques”, explique-t-elle.

A l’image de sa mère, Laëtitia Eïdo joue souvent des rôles de femmes fortes. Dans Fahdma N’Soumer (2014), un film tourné dans les montagnes berbères d’Algérie en langue kabyle, elle prend les traits d’une résistante qui repousse la première invasion française en 1850.

Dans le film israélien Holy Air (2016), elle interprète une arabe chrétienne de Nazareth qui donne des cours d’éducation sexuelle dans un univers profondément misogyne. “Si j’ai davantage joué des femmes dans le combat – et il est important de porter à l’écran ou à la scène leur exemple -, je veux aussi incarner des femmes qui sont en difficulté, qu’il faut défendre en racontant leurs histoires”, précise-t-elle. “Et que ce soit dans la société palestinienne, israélienne ou ailleurs, il arrive que les femmes se retrouvent pareillement diminuées, camouflées, dominées ou soumises à des lois qui, je trouve, finissent par les faire ‘disparaître’, des femmes qui sont empêchées de vivre dans toute leur puissance.”

Anthony Lesme

Source tv5monde

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1 Comment

  1. Ses citations dans l’article donnent l’impression que Laetitia Eido est douée d’une forte personnalité, très appréciable dans le combat qu’elle mène, à travers l’écran, pour dépasser les clivages religieux et ethniques rencontrés dans sa vie familiale.

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