La France, d’alliée d’Israël à complice des antisémites : la dérive morale et diplomatique d’un pays désavoué. Par Richard Abitbol

« Nous ne capitulerons pas. Nous sommes chez nous. Nous y sommes, nous résisterons et nous y resterons« 


« Ceux qui entendent les cris des victimes et ne réagissent pas deviennent à leur tour les bourreaux. » — Élie Wiesel

La réception de Mahmoud Abbas à l’Élysée n’est pas un événement anodin. Elle marque, à bien des égards, la fin d’une époque : celle où la voix de la France comptait encore au Proche- Orient. En revendiquant une « continuité » avec la reconnaissance de l’État palestinien, Emmanuel Macron pense raviver une tradition diplomatique d’équilibre. Il ne fait, en réalité, qu’entériner un effacement — celui de la France comme puissance d’influence crédible dans la région.

De l’alliance statrégique à la suspicion mutuelle

Il fut un temps où la France et Israël partageaient une véritable communauté de destin. Dans les années 1950 et 1960, Paris fut le premier allié occidental d’Israël. C’est la France qui lui donna les moyens de sa défense — le savoir-faire nucléaire, la technologie aéronautique, l’ingénierie militaire — dans une alliance stratégique fondée sur la modernité, la science, et une certaine idée du monde libre. C’est aussi la France qui, par ses savants et ses ingénieurs, participa à la construction du réacteur de Dimona. À cette époque, Israël regardait la France comme son grand frère intellectuel et militaire.
Puis vinrent les renoncements. Le général de Gaulle, par son virage brutal après 1967, fit basculer la diplomatie française dans un double langage : condamnation des « agressions » israéliennes d’un côté, ventes d’armes massives au monde arabe de l’autre. Depuis, la position française n’a cessé d’osciller, entre empathie verbale et trahison politique, entre discours moralisateur et impuissance pratique.
Aujourd’hui, cette incohérence est devenue une ligne : celle d’une France qui, à force de vouloir ménager tout le monde, ne convainc plus personne. Ni Jérusalem, ni Washington, ni les capitales arabes ne prennent Paris au sérieux. Israël n’a plus confiance — non seulement dans la parole française, mais dans sa loyauté même. Et il a raison. Car il n’est pas d’alliance possible quand la diplomatie devient une posture, quand la morale se réduit à une mise en scène.

La France prétend encore défendre la « solution à deux États ». Mais elle récite cette formule creuse comme un prêtre fatigué récite son office : sans foi, sans conviction, sans prise sur la réalité. Cette « solution » est devenue une incantation diplomatique, une gesticulation de confort. Pendant que Paris parle de paix abstraite, la région se recompose :
 Les Accords d’Abraham redessinent la carte stratégique du Moyen-Orient ;
 L’Arabie saoudite, l’Égypte et les Émirats esquissent un ordre régional pragmatique ;
 La Chine s’impose comme médiatrice économique ;
 Les États-Unis redéfinissent leurs alliances selon une logique de résultats.
La France, elle, s’accroche à des mots qui n’engagent plus personne. Elle s’est exclue elle- même du jeu. Et lorsqu’elle parle encore, c’est pour moraliser des conflits qu’elle ne comprend plus.

De la dérive diplomatique à la dérive morale

Mais ce déclassement n’est pas seulement géopolitique : il est moral. Car dans le même temps où Paris perd sa place sur la scène internationale, elle perd son âme sur la scène intérieure.
Jamais, depuis la Libération, l’antisémitisme n’a connu en France une telle explosion. Les chiffres des actes antijuifs se comptent par milliers, les synagogues sont profanées, les enfants juifs insultés à l’école, les familles menacées dans les rues. Et ce climat ne vient pas de nulle part. Il s’alimente d’un discours politique ambigu, toléré, parfois encouragé, où le rejet d’Israël sert de masque à la haine du Juif.
Emmanuel Macron, loin d’y mettre fin, a contribué à cette confusion. Ses propos désastreux sur la supposée « double allégeance » des Français juifs — qui renvoient aux clichés les plus sombres de l’histoire française — ont légitimé ce soupçon ancien : celui selon lequel les Juifs ne seraient jamais tout à fait Français. Son refus de participer à la marche contre l’antisémitisme, sous prétexte de préserver une « neutralité républicaine », a envoyé un signal terrible : celui d’un chef d’État qui redoute plus la division des extrêmes que la honte nationale. Et ses fréquentations troubles — Elie Heitem, Yassine Bellatar, Ofer Bronstein — ont ajouté à la confusion : des individus qui, sous couvert de dialogue ou de médiation, flirtent avec les mouvances les plus radicales et légitiment les discours les plus biaisés.
Il ne s’agit plus ici d’imprudence : il s’agit d’un choix. Un choix politique, celui du silence face à la haine. Un choix moral, celui de la compromission.

Le Président funambule

Emmanuel Macron s’est voulu équilibriste : ni pro-israélien, ni propalestinien. Mais en réalité, il a cessé d’être neutre : il est devenu complice.

Encore

Complice, non par adhésion idéologique, mais par lâcheté politique. Complice, parce que son silence nourrit la haine qu’il prétend apaiser. Complice, parce que sa diplomatie anti- israélienne, travestie en appel à la paix, alimente en France une légitimation culturelle de l’antisémitisme.
Par lâcheté politique, certainement, mais peut-être pas seulement. Car certaines attitudes, certains mots, certaines fréquentations trahissent davantage qu’un calcul : ils révèlent une disposition intérieure, une défiance instinctive, presque viscérale, envers tout ce qui touche au judaïsme ou à Israël.
Cette hostilité diffuse, que le président tente de dissimuler sous le vernis d’une diplomatie équilibrée, affleure dans ses silences, dans ses hésitations, dans ses choix symboliques.
Et l’on finit par s’interroger : et si, derrière le masque du pragmatisme, se cachait tout simplement une antipathie enracinée ? Un rejet de fond, culturel, moral, hérité d’une tradition française qui n’a jamais su se départir de son vieux démon antisémite ?
En vérité, Emmanuel Macron n’est pas sans rappeler un Dominique de Villepin plus jeune : même morgue, même posture de surplomb, même plaisir à désavouer Israël au nom d’une grandeur française qu’ils incarnent bien mal.
Un De Villepin qui s’empêche encore, peut-être… mais pour combien de temps ?
Ce n’est plus seulement une erreur d’analyse : c’est une faillite morale. Car en politique étrangère comme en éthique, on ne trahit pas impunément ses valeurs fondatrices. La France, jadis patrie des droits de l’homme, devient aujourd’hui celle des indignations sélectives. Elle pleure pour Gaza, mais détourne les yeux quand les Juifs de France sont menacés. Elle s’indigne des ripostes israéliennes, mais reste muette face aux crimes du Hamas. Et ce déséquilibre moral détruit la légitimité même de sa parole.

La solitude d’un pays qui s’est trahi lui-même

La diplomatie française n’est plus une politique, c’est une morale d’occasion. La République s’y perd, parce qu’elle confond humanisme et faiblesse, équilibre et abdication. En prétendant être la conscience du monde, elle a cessé d’en être l’acteur.
Israël, lui, avance. Il se souvient de la France d’autrefois — celle qui l’aida à se construire, celle de Mendes-France, de Guy Mollet, de la coopération nucléaire — et mesure aujourd’hui l’abîme. La confiance est rompue, et peut-être pour longtemps.
Mais l’enjeu dépasse la seule relation franco-israélienne. C’est l’honneur de la France elle- même qui vacille : son courage, sa lucidité, sa fidélité à la vérité. On ne joue pas avec la haine comme avec un équilibre diplomatique. On ne reste pas neutre entre les bourreaux et leurs victimes.
La diplomatie française n’est plus une politique, c’est une morale d’occasion. La République s’y perd, parce qu’elle confond humanisme et faiblesse, équilibre et abdication. En prétendant être la conscience du monde, elle a cessé d’en être l’acteur.

celle de Mendes‑France, de Guy Mollet, de la coopération nucléaire — et mesure aujourd’hui l’abîme.
La confiance est rompue, et peut‑être pour longtemps. Mais l’enjeu dépasse la seule relation franco‑israélienne. C’est l’honneur de la France elle‑même qui vacille : son courage, sa lucidité, sa fidélité à la vérité. On ne joue pas avec la haine comme avec un équilibre diplomatique. On ne reste pas neutre entre les bourreaux et leurs victimes.

Appel à la résistance civique

Que chacun se souvienne : dénoncer l’antisémitisme n’est pas une posture, c’est un devoir existentiel. Si la loi encadre la parole publique, la conscience individuelle demeure souveraine.
Notre responsabilité collective est d’exiger la dignité, la protection et l’égalité pour les Français juifs, à l’abri des querelles politiciennes.
Nous n’accepterons plus l’inacceptable. Nous n’abandonnerons personne. Nous ne capitulerons pas. Nous sommes chez nous. Nous y sommes, nous résisterons et nous y resterons.

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7 Comments

  1. En effet, dénoncer l’antisémitisme est un devoir existentiel, il s’agit de regarder face à face sa conscience, mesurer et peser la responsabilité qui est la sienne face à l’action ou l’inaction en cette période où l’obscurité envahit tout.
    Ne rien faire, ne rien dire, ne pas agir, c’est être mort parmi les morts ! C’est faire le choix de la lâcheté, c’est tout simplement être le spectateur de la déchéance de sa propre humanité.

  2. La diplomatie de l’Etat est au diapason de ce que la société française est devenue. Elle illustre la dérive morale ou plutôt la déchéance morale d’un pays massivement lobotomisé et déshumanisé, devenu un régime Islamo-nazi et eurofasciste. Et ce avec l’approbation d’une large partie de la population : qu’il s’agisse de ceux qu’indifferent les atrocités racistes et les dénis de justice commis dans leur pays (ex Sarah Halimi, Lola, Thomas, Philippine, viols d’Evry et de Courbevoie); de ceux qui soutiennent la propagande antisémite des palestinistes et les crimes contre l’humanité du Hamas ou ceux qui soutiennent le régime bandériste de Kiev et la guerre contre la Russie (ce sont souvent les mêmes !) ils montrent que la nazification de la France (institutions et mentalités) a atteint un point de non retour. Certes de nombreux Français sont opposés à tout cela mais nous ne disposons d’aucun pouvoir et sommes condamnés à nous expatrier sans retour ou assister au triomphe de la Bête dans ce qui fut jadis le pays des Lumières. A mes yeux la France n’existe plus. Une grande partie des Français ont été biberonnés à la haine : contre eux-mêmes, contre les Juifs et contre la Russie qu’ils savent tout juste situer sur une carte. Je n’ai rien de commun avec ces individus : « L’etranger n’est pas celui que sépare de nous le hasard d’une rivière ou d’une montagne mais celui dont les principes, les vœux et les sentiments sont en guerre avec vos principes, vos vœux et vos sentiments » (Stendhal)

  3. Merci MR Abitbol pour cette analyse percutante . J’ai honte d’être française dans ce pays qui , via ceux qui le représentent , renonce à ses valeurs , ses principes , se couche lamentablement . Nous sommes nombreux à ne pas rejoindre la meute de pleutres antisémites , à condamner les actes qu’ils perpètrent , les propos qu’ils tiennent, mais pas assez nombreux malgré tout .

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