Publier la recension par Philippe Mocellin du Collectif « Critique de la déraison antisémite », ouvrage dédié à Boualem Sansal, au moment-même où notre ami est libéré des geôles algériennes

A propos de la parution, le 21 novembre 2025, aux Éditions Intervalles, de l’ouvrage collectif « Critique de la déraison antisémite (un enjeu de civilisation, un combat pour la paix) ». Par Philippe Mocellin

« Cet ouvrage publié, prochainement, sous la direction de Daniel Salvatore Schiffer, s’est imposé comme une évidence, dans un contexte, bégaiement d’une histoire tragique, où un antisémitisme décomplexé se propage, en France, en Europe et dans le monde, ayant banalisé, au cours de toutes ces dernières années, des réflexes de haine vis-à-vis de la population juive ». Philippe Mocellin [1]

Philosophe, biographe, universitaire, Daniel Salvatore Schiffer a eu l’immense mérite, pourvu de convictions sans faille, de réunir, dans ce nouvel ouvrage à paraître, 30 intellectuels, venant d’horizons variés, autour du combat contre l’antisémitisme. En effet, si les massacres du 7 octobre 2023, perpétrés par l’organisation terroriste du Hamas, dans le sud d’Israël, ont, sur fond de conflit israélo-palestinien, accéléré le phénomène et libéré la parole, force est de reconnaître qu’un antisémitisme s’est réellement réinstallé dans le paysage politique et sociétal [2].

La réinstallation d’un antisémitisme…

Bien loin d’être « résiduels », comme l’affirment certains responsables de partis politiques, en mal d’argument pour cacher leur propre complicité dans le développement de ce climat nauséabond, les actes antisémites dans l’espace public se sont multipliés dans notre pays. En 2024, selon le rapport officiel du Service de Protection de la Communauté Juive, ce sont 1570 faits qui ont été comptabilisés, représentant 62 % de l’ensemble des délits antireligieux, dont ceux dirigés contre les lieux de culte…

Après l’assassinat, en 2006, de Ilan Halimi, de trois enfants et d’un enseignant à Toulouse en 2012, de Sarah Halimi, en 2017 et de Mireille Knoll, en 2018, survivante de l’holocauste, un jeune sur vingt déclarait, peu de jours après la journée internationale en faveur de la mémoire des victimes de la shoah, le 27 janvier 2025, que « le génocide décidé par les dignitaires nazis était une invention » !

 Plus globalement, les résultats publiés récemment par différents instituts de sondage sont éloquents ! 23% des français considèrent « que les Juifs ne sont pas des français comme les autres ».

L’antisémitisme prospère aussi dans nos universités, en grande partie, sous couvert d’antisionisme et bien souvent articulé à l’hydre antisémite… Ne craignons pas de dénoncer, à cet égard, que les mobilisations et les rencontres dites « scientifiques », organisées, au sein des établissements d’enseignement supérieur contre la politique du gouvernement israélien, ont donné lieu à des dérapages insoutenables, fondés sur l’essentialisation et l’ostracisation des Juifs.

« Racistes, sionistes, c’est vous les terroristes ! », tels sont les propos de propagande de tous ces « policiers » de la pensée.

Autant de faits graves et alarmants, en résonnance avec les guerres du Moyen-Orient, qui nous renvoient, à n’en pas douter, à un combat de civilisation !

… à la haine viscérale

La parole des victimes du 7 octobre a fait immédiatement penser, en dépit des multiples dénégations, à d’autres récits, ceux de la shoah et a surtout permis de démasquer la persistance d’un antisémitisme abject, de plus en plus assumé.

Plus encore, un lien historique « troublant » s’établit entre l’islamisme et le nazisme, faisant directement écho à l’antisémitisme viscéral du grand mufti de Jérusalem, Ali, Al-Husseini, allié du régime nazi, après sa rencontre avec le führer le 28 novembre 1941.

L’islamisme, dans sa phraséologie, ses pratiques et ses méthodes terroristes, partage avec le nazisme, une même obsession : faire du Juif un ennemi prioritaire, qui plus est, en faire un être « déshumanisé », autorisant, plus facilement encore, son « éradication ».

En tout état de cause, c’est bien au nom de la défense de minorités et des peuples opprimés que l’extrême gauche française a choisi de faire preuve d’une complaisance coupable à l’égard de l’islam radical et d’hystériser la « résistance » palestinienne et cela, en rendant le seul Juif responsable de la situation guerrière et même pire, l’identifier comme le génocidaire.

En assimilant dans un seul bloc homogène, Etat d’Israël, société israélienne, Juifs de France, l’objectif est de créer, par l’emploi de discours violents et irresponsables, la confusion, source permanente de fabrication de l’antisémitisme et d’exacerbation des tensions communautaires [3].

Faire face à l’hydre antisémite !

Dix ans près « Charlie Hebdo, Montrouge, Hyper Cacher », l’antisémitisme progresse et la liberté d’expression régresse… Et pourtant, la lutte à mener est encore devant nous et rien n’est perdu, à condition que la société tout entière se mobilise et que l’action soit durable, visible et sans concession.

C’est tout le sens, comme le souligne Daniel Salvatore Schiffer, de cet ouvrage collectif, appelant « à un sursaut des consciences, dans le sillage d’Hannah Arendt et d’Emmanuel Levinas ».

Si le procès de Nuremberg a marqué une rupture historique, après des siècles de massacres et d’exactions violentes, sans en avoir à en répondre devant la justice, le 7 octobre a remis en cause, ou tout du moins, réinterrogé, les fondements même de cette démarche internationale, en charge de punir la persécution politique d’Etat, les meurtres de masse et les crimes contre l’humanité.

Il s’agit alors de combattre, par l’accès à la connaissance, le fléau de l’antisémitisme, fruit de l’ignorance et d’une faillite morale : à savoir, la grande histoire que nous n’enseignons plus dans nos établissements scolaires, en l’absence d’un franc soutien des autorités éducatives et que nous refusons, encore moins, d’apprendre.

Serge Klarsfeld soutient que « l’antisémitisme est une maladie de l’humanité qui renait à chaque fois avec des raisons différentes et des ennemis différents » et en ajoutant que les « Juifs ne peuvent compter que sur eux-mêmes pour se défendre ». Nous pouvons répondre collectivement à ce grand homme, « chasseur » de nazis et Président de l’association des fils et filles de déportés juifs de France que des intellectuels éclairés, libres, lucides, clairvoyants et déterminés, sont à leur côté pour toujours et unis, de façon indéfectible, pour la mémoire, au service de la défense de nos libertés, de nos principes et de nos valeurs !  

© Philippe Mocellin

Docteur en Science Politique. Maître de Conférences associé de 2013 à 2019 à l’Université de Poitiers, Philippe Mocellin est l’auteur d’ouvrages de sociologie, d’essais et de contributions géopolitiques sur la situation au Moyen-Orient.

  • Contributeur à l’ouvrage : « Ce que le 7 octobre a véritablement révélé »
  • Cf. Philippe Mocellin, Philippe Benguigui, L’antisémitisme, maladie de l’humanité, publiée par l’Association « Zakhor pour la mémoire », en 2025
  • Philippe Mocellin, Philippe Mottet, « 7 octobre, un an après », paru sur le site Géopoweb, le 5 octobre 2024.

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