Les musiciens de Radiohead ont peur de quelques excités en keffieh qui pourraient perturber leurs concerts. Par Daniel Sarfati

Pour instiller un climat de terreur culturel, il suffit de quelques excités en keffieh, soutenus par des (euro)députés et certains d’une non réponse judiciaire pour leurs méfaits. 

Ainsi, il est possible d’empêcher Amir de chanter, Raphaël Enthoven de présenter son dernier livre à la FNAC, de boycotter les produits israéliens vendus chez Carrefour. 

Rue Vavin, chez Jean-Paul Hévin, l’objet de ma réflexion était un gâteau 70% cacao Sao Tomé à la pulpe de framboise. 

Le dessert pour des amis que j’avais invités à dîner chez moi. 

« Avec ou sans brochette de pâtes de fruits yuzu/mandarine en décoration ? », m’interrogeait, avec patience, la charmante vendeuse japonaise. 

D’un côté ça faisait plus chic avec la brochette, d’un autre côté ça pouvait nuire à la sobre élégance, à la Soulages, de l’édifice chocolaté. 

Un client est entré. 

Il portait un keffieh et avait la même tête de brute que Javier Bardem aux Emmy Awards, réclamant le boycott des cinéastes israéliens. 

J’ai eu un moment de panique. 

Le chocolatier Jean-Paul Hévin serait-il un sponsor d’un régime génocidaire ?

Mon dessert pour ce soir était foutu. Il allait tout saccager. 

Non, non. 

La brute en keffieh venait lui aussi pour des gâteaux. Une soirée entre profs à La Sorbonne pour fêter le début de l’année universitaire. 

Il pérorait avec la patronne. 

J’ai finalement opté pour les pâtes de fruits en plus du gâteau, et pour marcher sur les pieds de Javier Bardem. C’est un zeugme. 

« Pourriez vous excuser ! »

Un peu plus et il allait me traiter de colon. 

Je ne me suis pas excusé. 

J’ai eu l’impression d’avoir emporté une petite victoire assez dérisoire. 

Mon gâteau a remporté un franc succès auprès de mes invités. 

Le groupe de rock alternatif britannique Radiohead refuse de se produire en Israël tant que Netanyahou est au pouvoir. 

L’excuse est bidon. 

Des milliers de jeunes israéliens auraient bien voulu à nouveau faire la fête et danser. 

Des jeunes qui votent ou non Bibi. 

Des jeunes qui veulent oublier la guerre et la politique. 

Radiohead prône dans les textes de ses chansons résistance et liberté de pensée. 

Un de ses grands succès, « Karma Police », évoque une « fête saccagée », qu’il faudrait réparer. 

Une fête comme le Festival Nova à Beeri. 

La vérité est que les musiciens de Radiohead ont peur de quelques excités en keffieh qui pourraient perturber leurs concerts.‌‌

© Daniel Sarfati

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