Qu’est-ce? Par David Castel

Qu’est-ce ?

Il pleut souvent ici. Pas d’eau, mais de nouvelles.

Des lignes tombent, serrées, comme ces gouttes qu’on regarde sans savoir si elles finiront en torrent.

Un homme perd sa fonction pour un vote trop libre. Il sourit. C’est son arche à lui. C’est rester debout quand tout penche.

Plus loin, une fièvre ancienne refait surface, rougeole d’un autre âge. On pensait les corps à l’abri, ils se souviennent. Le monde, parfois, garde ses microbes plus fidèlement que ses promesses. C’est soigner.

Un vice-président américain s’avance, costume froissé par la poussière du vent. Il parle de désarmer, de libérer, de tenir parole. Mais ici les mots doivent traverser le déluge avant d’arriver à bon port. C’est écouter.

Les juges, là-bas, soupèsent les preuves, découpent les chiffres, pèsent l’éthique au milligramme. Ils ne voient pas que le ciel se fissure pendant qu’ils mesurent la pluie. C’est tolérer.

Sur la frontière nord, un nom s’efface dans un nuage. Un autre s’ajoute sur la liste. L’histoire écrit encore à la craie sur des cartes mouvantes. C’est survivre.

Dans les rues, des drames à la petite échelle — un tir, un accident, un corps oublié. Rien d’héroïque, rien d’épique. Juste la vie qui essaie de se rappeler qu’elle en est une. C’est réparer.

Dans les bureaux, les lois avancent, reculent, s’annulent. La démocratie tousse mais respire. On dirait une arche bancale qui flotte encore, malgré les trous dans la coque. C’est ajuster.

Le monde autour joue à la guerre : missiles d’exercice, sanctions sportives, fausses alertes. Les nations rejouent Babel avec plus de moyens et moins de sens. C’est observer.

Et puis, deux noms retrouvés, deux vies rendues aux familles — mais sans la respiration. On plie les drapeaux, on ferme les yeux, on murmure un merci sans savoir à qui. C’est pleurer.

On lit Noa‘h cette semaine. L’homme qui a fermé la porte derrière lui, sans savoir quand elle se rouvrirait.

Peut-être que le pays tout entier vit là, dans ce geste — bâtir une arche à chaque matin, rassembler les vivants, attendre que la colombe revienne avec une brindille.

C’est espérer.

© David Castel

Ex-avocat, hébréophone & parémiographe. Écrit entre deux cafés, trois procès et mille aphorismes.

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