Hamas : « Oui, mais Non »

Par Andrew Fox

Israël reste dans une situation stratégique difficile et le Hamas a un plan de survie

Le Hamas a finalement répondu hier au plan en 21 points de Donald Trump pour mettre fin à la guerre à Gaza, et il apparaît initialement conciliant. Le mouvement salue les médiateurs arabes, islamiques et internationaux. Il soutient un cessez-le-feu immédiat et l’acheminement de l’aide humanitaire. Il se dit prêt à négocier un échange de prisonniers et, dans un langage soigneusement choisi, approuve le transfert de l’administration quotidienne de Gaza à un organisme technocratique palestinien bénéficiant d’un soutien régional. Il se dit même prêt à libérer tous les otages israéliens, vivants et décédés, dans le cadre du plan d’échange proposé, tout en soulignant que les conditions préalables à un tel transfert doivent être réunies.

Enlevez le vernis diplomatique, et il ne reste que le schéma observé dans presque tous les grands cycles de négociations avec le Hamas au cours des deux dernières années. L’organisation privilégie les éléments qu’elle privilégie déjà (couloirs d’aide, échanges de prisonniers, administration municipale non partisane) tout en retardant les revendications fondamentales qui modifieraient véritablement la trajectoire du conflit. Cela illustre l’approche du « oui, mais » : faire preuve de souplesse en marge et reléguer les points critiques à l’arrière-plan des discussions futures.

La déclaration elle-même clarifie ce séquençage. Les questions relatives à la structure politique à long terme de Gaza et, plus largement, à la question des droits des Palestiniens, affirme le Hamas, devraient s’inscrire dans un « cadre national palestinien global ». Autrement dit, les décisions les plus cruciales concernant le pouvoir, la sécurité et la souveraineté devraient être reportées à un futur processus intra-palestinien, dans lequel le Hamas entend pleinement avoir voix au chapitre et une influence. Cette stratégie est astucieuse ; en réponse au plan actuel, elle est évasive.

Nulle part cette esquive n’est plus évidente que sur la question du désarmement. Le cœur du plan est la démilitarisation : des mesures vérifiables pour démanteler l’infrastructure militaire du Hamas, prix à payer pour un cessez-le-feu, des retraits israéliens progressifs et une transition vers un ordre politique plus stable. Sur ce point, la déclaration est étonnamment muette. Pour le Hamas, le désarmement n’est pas un simple détail politique ; c’est une question d’existence, d’autant plus que des violences claniques et une guerre civile d’après-guerre sont une réelle possibilité. Une acceptation directe redéfinirait le mouvement. Refuser d’aborder la question laisse la porte ouverte à une pause tactique tout en préservant les capacités essentielles du groupe. Cela garantit également que Jérusalem et Washington interpréteront la réponse, non sans raison, comme un rejet poli, même s’il revêt un langage diplomatique. Cela frôle également une autre question du plan en 20 points : comment garantir qu’un groupe comme le Hamas a désarmé dans une zone comme Gaza, inondée d’armes ?

La même ambiguïté existe dans le discours du Hamas sur la gouvernance. Le mouvement affirme « renouveller son accord pour confier l’administration de la bande de Gaza à un organisme palestinien indépendant (technocrates), fondé sur un consensus national palestinien et bénéficiant du soutien arabe et islamique ». À bien y lire, il s’agit d’un engagement à accepter un mandataire pour les fonctions municipales, et non d’une promesse d’exclure le Hamas des processus décisionnels qui façonnent la sécurité et la politique. L’insistance de la déclaration sur le fait que l’avenir de Gaza doit être décidé dans un cadre palestinien global indique le contraire : le Hamas entend rester parmi les décideurs.

Même la clause relative aux otages, invoquée comme preuve de bonne foi, est prudente. Le groupe approuve le plan d’échange, mais conditionne sa mise en œuvre à la « situation sur le terrain ». Parallèlement, des messagers proches des pourparlers évoquent des problèmes pratiques ; notamment, le fait que le Hamas a, ces dernières semaines, parfois perdu le contact avec d’autres factions soupçonnées de détenir certains des prisonniers. Cet aveu est significatif. Le calendrier proposé pour la restitution de tous les otages est volontairement serré, ce qui exerce une pression pour obtenir rapidement des preuves de conformité. Si le mouvement ne peut livrer tous les prisonniers rapidement, la promesse deviendra une rupture prématurée, et toute la chaîne de libérations et de retraits de prisonniers qui en dépend sera interrompue.

Les points non négociables du plan en 20 points étaient censés être évidents : les armes doivent être retirées de la table des négociations et le Hamas doit être exclu du gouvernement pendant la transition. La déclaration du Hamas n’aborde aucun de ces points. Il salue l’aide, l’apparence de compromis, la façade technocratique de l’accord, sans en accepter les éléments fondamentaux qui en font le sens. En ce sens, cette déclaration ne marque pas un tournant, mais plutôt une impasse habituelle : féliciter les médiateurs, accepter les aspects indolores, éviter les questions cruciales et reporter les questions difficiles à un futur forum qui pourrait ne jamais avoir lieu.

Pendant ce temps, les enjeux humains demeurent cruellement réels. Les civils de Gaza, déjà accablés par les bombardements, les déplacements et l’effondrement des services de base, porteront le poids d’une nouvelle stratégie de la corde raide. Le choix du Hamas de traiter le territoire comme sa dernière ceinture explosive garantit que le coût de l’ambiguïté stratégique retombe en premier et en premier lieu sur ceux qui ont le moins d’influence sur l’issue du conflit. Si le mouvement cherche à préserver son arsenal et son influence politique, et si Israël cherche à empêcher le Hamas de reconstruire l’un ou l’autre, alors chaque jour sans plan clair de désarmement et de gouvernance rapproche les deux camps de l’escalade plutôt que de l’apaisement.

La vérité dérangeante est que le plan ne peut fonctionner sans les éléments que le Hamas a laissés de côté. Un cessez-le-feu non lié au désarmement ne sera qu’une pause, et non une paix véritable. Un intérimaire technocratique qui n’isolerait pas le Hamas du contrôle ne serait qu’un déguisement, et non une véritable transition. Un calendrier de libération des otages, impossible à respecter parce que les prisonniers sont dispersés entre les factions, servira de prétexte à des accusations, et non de moyen d’apaiser les tensions. Le calcul est impitoyable et est inscrit dans la structure même de la proposition.

C’est pourquoi la déclaration d’aujourd’hui doit être lue avec lucidité. Le Hamas a accepté certaines parties du plan qui réduisent la pression immédiate et améliorent son image, tout en évitant les sections qui menacent sa survie en tant que groupe armé et son rôle politique. Tant que le mouvement ne sera pas disposé à indiquer clairement ce qu’il entend faire de ses armes et de sa prétention à gouverner, le « oui » dans ses déclarations restera un « non » plus doux. Pour les Gazaouis en quête d’une véritable issue et pour les négociateurs qui aspirent à un accord durable, cela reste la phrase la plus inquiétante du texte…

© Andrew Fox

Ancien militaire britannique, analyste et chercheur, spécialisé dans la défense, Moyen-Orient, désinformation et zones de conflit.

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6 Comments

  1. Après toutes les déclarations optimistes publiées par nos amis ces dernières heures voilà bien la première analyse lucide de la situation .
    Tous les autres croient au Père Noël .
    Hélas.

  2. Analyse lucide. Le Hamas rejette le plan en faisant semblant de l’accepter moyennant des aménagements qu’il sait inacceptables. Comme toujours, un usage extraordinairement habile de la ruse, avec pour seul objectif de gagner du temps. Son image s’améliore (il paraît soudain converti à l’idée d’un compromis), et derrière des formules évasives, la ferme intention de conserver ses seuls atouts : otages et armes.

  3. Parfaitement d’accord avec vous. Les réactions des uns et des autres sont au mieux de l ignorance, au pire de la mauvaise foi motivée par la haine d Israël et l argent du Quatar

  4. Enfin une analyse lucide et claire de ce « oui mais » du Hamas, après toutes les réactions abusivement optimistes de la plupart des commentaires lus ici ou là, et même ceux de Trump à l’emporte pièce, comme d’hab.
    Mais malgré cela, l’intervention de B. Netanyahou de samedi soir semble elle aussi, aller vers l’optimisme.
    Alors attendons un peu et espérons, mais ça va être compliqué….
    Merci pour cet article.

  5. on est arrivé au stade où les choses doivent être claires et transparentes (radicales), si le Hamas ne veut pas de cette ligne, Israël choisira l’option « guerre totale ». A prendre ou à laisser pour le Hamas.

    • Comment auraient réagi les nazis si le 8 mai 1945, les Alliés leur avaient présenté un document intitulé « Plan de paix Harry Truman » plutôt que « Capitulation sans condition du IIIème Reich »? Ils se seraient tout simplement dit que tout n’est pas perdu… Comme le Hamas avec le Plan de paix Trump en 21 points. Pour que les choses leur soient claires, l’intitulé du plan Trump devrait contenir le mot « Capitulation sans condition ». C’est ce que le monde attend, ce qu’Israël attend, ce que le Moyen Orient attend. La fin du cauchemar Hamas.

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