Extraits de l’article de Shmuel Trigano, « Le sionisme de Jérusalem »

Extraits de l’article de Shmuel Trigano, « Le sionisme de Jérusalem », 

Paru dans Tribune Juive le 4 septembre 2025, 

Précédés d’une introduction de Philippe Sola

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Introduction Par Philippe Sola

Dans sa dernière intervention au Centre Begin de Jérusalem (https://www.youtube.com/watch?v=lyKV8lyCn4c&list=PLTD4rtuXMQOs9SQ-3DqgiTp2q7gaEIjof&index=7), Shmuel Trigano continue de développer ce double concept normalité / anormalité du peuple juif. Sa nouvelle grille de compréhension est éclairante et permet d’entrevoir des pistes de réflexion et d’action, nous permettant ainsi de sortir de la stérilité du constat.

La réponse au « conflit » (le mot « conflit » suggère l’intention de participer des deux belligérants, je préfère le mot « agression ») n’est pas tant de nature sociale et politique qu’une nouvelle définition d’une identité, d’un contexte, qui s’inscrit dans un cadre plus métaphysique. Ce dernier « agit » même sur ceux qui pensent en être totalement préservés. 

C’est comme si nous faisions tout (M. Macron en tête) pour ne pas voir la dimension métaphysique des choses, en apportant des « solutions » techniques, onusiennes, bureaucratiques, définitives. Je dirais même plus : tout en ne reconnaissant pas la dimension métaphysique présente dans le conflit, et en répondant à ce dernier par des arguments économiques (« c’est la misère des Gazaouis qui génère la violence »), politiques (« c’est la colonisation israélienne qui génère la violence »), sociaux (« c’est l’absence d’égalité de droits entre Palestiniens et Israéliens qui génère la violence »), le discours globalisé anti-juif est marqué par la volonté non-dite, non-avouée, d’introduire une « nouvelle métaphysique », qui se résumerait par ce syllogisme : 

« le peuple juif n’entre pas dans les cases d’un Etat humain, normal, 

le peuple palestinien aspire à entrer dans les cases d’un Etat humain, normal, 

donc le peuple juif, pour exister en Etat à côté de l’Etat palestinien, doit se conformer au statut de la normalité bureaucratique et internationale ». 

Dans ce syllogisme, ce qui est problématique, ce n’est pas l’Etat palestinien, mais l’Etat juif. 

Ce syllogisme met à jour ce sous-entendu : le peuple juif se vit comme un « reste », un élément non totalement assimilable dans une entité politique, et même dans une totalité de pensée. Son identité doit être modifiée en ce sens.

Le non-dit des discours mondiaux contemporains : le peuple juif doit changer son identité car il n’y a pas de donné qui le précède.

© Philippe Sola, 29 septembre 2025

Extraits du texte de Shmuel Trigano

« Une nouvelle dualité constitutionnelle se cherche aujourd’hui, dans l’ère post-moderne, pour dire à nouveau – dans une sorte de régression à la période de l’autoémancipation: « Sois Juif/religieux chez toi et homme au dehors »… Je fais référence ici au mouvement social et politique qui s’est ouvert en Israël avec le projet de réforme judiciaire. »

« Que faut-il entendre par « Cité juive » ? Le postulat d’une existence souveraine, et donc singulière, embrassant toutes les dimensions de l’existence d’une collectivité, en l’occurrence le peuple juif. Le Souverain inscrit sa singularité dans une perspective sur l’univers… Il n’est pas, dans sa conscience de soi, le produit du hasard et des circonstances ni le produit d’un échafaudage. Il fait corps avec une idée qui le rend capable de répondre à la question : « Pourquoi j’existe, pourquoi je vis », une proclamation qui ne doit rien aux circonstances et que l’on peut définir comme une transcendance concrète. »

« Un ordre de l’univers précède l’existence. C’est cela le ciel de la souveraineté. »

« Il faut en premier lieu répondre à la question « Qui sommes-nous ? ». Il y a en effet un trouble à traiter en premier : le chaos identitaire qui nous frappe. Nous sommes les héritiers d’une très longue histoire, hors du commun, les descendants des générations d’Abraham, Isaac et Jacob, inséparables du texte biblique. Cette filiation n’élimine pas les clivages et les différences dont certaines sont constitutives de l’être juif à l’image d’une sagesse philosophique, celle de la Genèse qui se définit autour de l’existence d’un second dans l’Être, l’Homme…. »

« Nous sommes tout d’abord un peuple. Ce qui définit le peuple n’est pas le territoire (je n’ai pas dit la terre) mais la filiation avec l’origine. L’existence d’un peuple est indépendante du rassemblement spatial. »

« Aujourd’hui il [ndr : le judaïsme] est toujours dans la Cité israélienne en retrait du « dehors » créé par le sionisme, de même que la Cité juive, est restée en exil. Elle est absente de la démocratie israélienne : le Juif y est toujours séparé de l’homme, et l’homme chasse parfois le Juif, défi pour la démocratie comme pour le judaïsme malgré la ritournelle avec laquelle on célèbre Israël : « juive et démocratique »… »

« Le projet de « Jérusalem » a pour finalité de mettre en œuvre une nouvelle donne intellectuelle, culturelle et idéologique du sionisme dont l’orientation ne viserait plus à la « normalisation des Juifs », c’est-à-dire la construction d’une identité israélienne qui romprait avec  l’histoire et l’identité immémoriales du peuple juif, mais à  forger un nouvel âge de sa créativité qui rassemblerait les éléments de son immense héritage de façon à ce qu’il soit partagé par toutes ses composantes. »

« […] il importe au pouvoir rabbinique de se réformer : de se livrer à un aggiornamento des dispositifs pris au long des siècles. L’élargissement du monde du ghetto implique un redimensionnement du judaïsme de l’exil. Il importe aussi au rabbinat de renoncer au pouvoir total qu’il a tiré de la disparition de l’Etat. Et de se conformer à la place que la Tora lui assigne. Le prophète invoque le pouvoir mais il n’est pas un homme de pouvoir. »

« Le programme de Jérusalem vise justement l’unité des nations dans leurs différences assumées par le biais de l’unité d’Israël, malgré et grâce à ses nombreuses déclinaisons singulières. Il ne s’agit de rien de plus que de comprendre le double sens de la réunion du peuple juif à Jérusalem, capitale de l’Etat d’Israël, de rendre au sionisme sa portée universelle ultime qui renouerait avec la vocation spirituelle immémoriale d’Israël. »

« Cela suppose d’aller plus loin que l’Etat-nation pour repnouveler la vocation prophétique de la Parole aux nations. Sans l’étape du sionisme, de l’Etat-nation rien de tout cela ne serait possible car sans l’unification des diasporas du peuple juif, on ne peut même pas penser à l’unification des peuples de l’humanité (qui se jouerait en elle). En s’unissant, à Sion, Israël s’unit comme peuple, comme nation. C’est à cette charnière que la vocation de Jérusalem est à retrouver, déjà simplement en constatant que le peuple juif qui se réunit et s’unit à Sion porte avec lui l’esprit des peuples que les Juifs quittent et où ils étaient des acteurs à part entière de la même façon qu’ils les ramènent à Jérusalem dans l’horizon d’une unité à trouver, la sienne et celle de l’humanité. » `

© Shmuel Trigano

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