À l’Assemblée générale de l’ONU, un président sans gouvernement a adoubé un État sans frontières

Par Jean-Eric Schoettl

Jean-Eric Schoettl
© Fabien Clairefond

LA RECONNAISSANCE PAR EMMANUEL MACRON D’UN ÉTAT PALESTINIEN, LE 22 SEPTEMBRE À NEW YORK, MARQUE LE BASCULEMENT DANS UNE DIPLOMATIE VIRTUELLE OÙ SEULE COMPTE LA MAGIE DU VERBE, POINTE L’ANCIEN SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL.

Lorsqu’un président fantôme reconnaît un État fantôme, la politique extérieure de la France prend des allures spec­trales. Elle entre dans l’ère de la diplomatie virtuelle.

Un président sans gouvernement, ni majorité, peut-il adouber – de son propre chef et sans débat national interne – un État sans fron­tières, ni véritables institutions, ni enracinement historique ? Un président au crédit usé, dont le pays est à la fois affaibli et situé à des milliers de kilomètres du théâtre des opérations, peut-il faire advenir, par la magie du verbe, un État palestinien moderne, dont le projet serait de se développer et non de détruire son voisin ? Un vœu pieux, proféré à l’Assemblée générale des Nations unies, peut-il conférer une existence à ce qui ne saurait être que l’aboutissement d’un long effort de patience et de raison, plus contrarié aujourd’hui que jamais par le déferlement des passions ?

La raison serait de poser comme préalable à toute reconnaissance que chaque acteur local donne à ses voisins le droit d’exister dans des frontières sûres. Ce qui impose, dans l’immédiat, la libération des otages israéliens, le désarmement des terroristes du Hamas et la fin corrélative des opérations de Tsahal à Gaza. Et, dans un second temps, un accord sincère entre puissances voisines.

Cela fait des décennies qu’une conspiration de bonnes volontés essaie de donner corps à la solution à deux États. Mais toutes les tentatives menées en ce sens dans le passé (accords de Camp David, accords d’Oslo, Quartet, accords d’Abraham…), quoique bénéficiant de contextes plus favorables qu’aujourd’hui et du concours de grandes nations, ont échoué, car elles se sont brisées sur l’écueil du fanatisme. Pense-t-on qu’après le pogrom du 7 octobre 2023 et au beau milieu de représailles israéliennes qualifiées de « génocidaires » par la majeure partie de l’opinion internationale une initiative française aussi naïve qu’artificielle (fût-elle soutenue par quelques autres pays) accomplira le miracle ?

Comment atteindre le but désirable – deux États coexistant en bonne intelligence – en mettant la charrue avant les bœufs, c’est-à-dire en installant un État palestinien sans désinstaller le projet – enraciné dans le psychisme collectif d’un monde musulman travaillé par l’islamisme – de rayer Israël de la carte ? Comment ignorer que ce projet de liquidation d’une présence juive sacrilège, la cause palestinienne a reçu mission de l’accomplir ? Que cette mission sacrée est même inscrite dans les chartes de ses organisations (le Hamas, mais aussi, malgré quelques amendements cosmétiques obtenus par les Américains, l’OLP et ses composantes) ? Que la France se déshonorerait et se ridiculiserait d’avoir reconnu sans précaution un État palestinien qui, comme Gaza en octobre 2023, servirait de tremplin à un futur pogrom ?

Comment ne pas voir que la posture présidentielle, quelle que soit la neutralité des intentions dont elle se prévaut, ne peut être interprétée par les parties prenantes que comme un désaveu de l’une – Israël – et une caution apportée à une autre – le Fatah ? N’est-ce pas d’ailleurs là le message qu’Emmanuel Macron veut émettre dans l’une des deux directions (l’opinion arabo-musulmane), quitte à l’atténuer, quant aux modalités, dans l’autre direction (Israël et ses amis occidentaux) ?

C’est jeter de l’huile sur un feu que l’on s’efforce ensuite de calmer. Comment, en effet, pour la beauté symbolique du geste, reconnaître inconditionnellement l’État palestinien et subordonner « en même temps » l’ouverture de notre ambassade, qui est la conséquence nécessaire de cette reconnaissance, au départ du Hamas et à l’arrivée aux affaires, à la suite d’élections libres, organisées en Cisjordanie et à Gaza avec la bénédiction du concert des nations, d’une direction palestinienne non corrompue, démocratique et pacifique ?

Ce « en même temps » illusoire, qui entend faire bonne mine sur tous les tableaux, mais ignore l’âpre enchaînement des causes et des effets, est caractéristique de la logique atemporelle du songe. Un songe présidentiel scénarisé le 22 septembre dernier à New York.

© Jean-Eric Schoettl

Source: Le Figaro

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