
Il est des causes qui, à force d’être investies d’une ferveur sans limite, cessent d’être des causes politiques pour devenir des croyances religieuses. Le « palestinisme » — et il faut oser employer ce néologisme pour désigner non pas la lutte du peuple palestinien, mais l’adoration mimétique dont il fait l’objet en Occident — est devenu, pour une partie significative de nos sociétés, l’équivalent d’une religion de substitution. Une foi sans Dieu mais non sans dogmes. Une mystique de la victime qui comble le vide spirituel d’une époque désorientée.
Dans un monde occidental désenchanté, privé de sens collectif, déchristianisé mais encore hanté par les réflexes du salut et de la rédemption, la figure du Palestinien est venue incarner l’innocence absolue, le martyr sacré, le témoin souffrant du mal universel. Cette construction mentale s’est nourrie d’une convergence étrange : à la fois les héritiers du christianisme et ceux de l’islam, pour des raisons très différentes, se sont mis à idolâtrer la cause palestinienne, chacun y projetant ses mythes fondateurs.
Le Christ palestinien : une réinvention chrétienne
Pour les consciences occidentales d’origine chrétienne — qu’elles soient croyantes ou, plus souvent, sécularisées mais toujours imprégnées de culture biblique — le Palestinien est devenu le nouveau Christ. On ne le voit plus comme un acteur historique inscrit dans une lutte géopolitique complexe, mais comme un symbole absolu de l’innocence crucifiée. Gaza devient un Golgotha. L’enfant palestinien, une figure christique par excellence : pur, souffrant, sacrifié par une puissance considérée comme cynique et toute-puissante. Israël, dans cette scénographie religieuse inversée, prend la place de Rome, ou pire : celle du bourreau pharisien, aveuglé par sa propre loi.
Le palestinisme occidental est donc une projection christique. Il ne cherche pas à comprendre les responsabilités croisées, les conflits internes, les manipulations politiques : il réclame un martyr et une Passion. Il a besoin, pour continuer à croire en sa propre vertu, d’un peuple victime, porteur de tous les péchés du monde. Le Palestinien devient ainsi l’homme-symbole d’un Occident qui ne croit plus en Dieu mais qui continue de croire au salut par la souffrance de l’innocent.
Le Mahomet palestinien : une reconquête islamique
À l’opposé, dans les consciences islamisées — qu’il s’agisse des sociétés musulmanes ou des jeunes générations islamisées d’Europe — la figure palestinienne est investie d’un tout autre imaginaire. Ici, ce n’est pas la souffrance rédemptrice qui est mise en avant, mais le djihad victorieux. Le Palestinien n’est pas le Christ supplicié, mais le Prophète combattant. Mohamed à Badr, Mohamed à Khaybar. Le modèle est celui du combat contre l’infidèle, de la libération d’une terre sacrée, de la reconquête.
Dans cette logique, le drapeau palestinien ne flotte pas sur des hôpitaux ou des écoles en ruines, mais sur Jérusalem reconquise, sur Tel-Aviv « libéré ». Le récit palestinien devient une variation contemporaine du récit coranique de la conquête. Il est sacralisé non pas par la souffrance, mais par la promesse de la victoire eschatologique. D’où la fascination pour les mouvements armés, pour les martyrs, pour le « résistant » devenu figure sainte, peu importe les moyens employés. Le terrorisme, dans cette vision, se confond avec la foi.
Une religion sans transcendance
Ces deux imaginaires — le Christ souffrant d’un côté, le Mahomet conquérant de l’autre — se rejoignent paradoxalement dans leur aveuglement commun. Le palestinisme n’est plus une cause : c’est un mythe. Un mythe qui, comme toutes les religions païennes, exige des sacrifices humains, et surtout, un ennemi à haïr.
Ce culte du Palestinien abstrait et idéalisé interdit tout débat. Il exclut toute nuance. Il nie les responsabilités du Hamas, les choix stratégiques de la résistance palestinienne, les luttes de pouvoir internes, les tragédies humaines complexes. Il transforme un conflit tragique et historique en une pièce binaire où le mal est d’un seul côté, le bien de l’autre.
Ainsi, le palestinisme, tel qu’il se manifeste aujourd’hui dans les universités, les festivals, les réseaux militants et les sermons du vendredi, n’est plus une solidarité politique : c’est une religion civile, totalitaire dans son langage, messianique dans ses fins. Et comme toute religion dévoyée, il fabrique de la haine au nom de l’amour, de la violence au nom de la justice, de l’exclusion au nom de l’humanité.
© Charles Rojzman

Il y a tant de religions dévoyées, peut être toutes les religions actuelles son dévoyées, cherchant leur passage dans le ciel où rien ne luit.
Votre image du christianisme réactivé en Palestinisme explique bien des choses dans le pauvre pays où je vis. L’Islam recyclé doit être assez vrai.
Mais peut-être sommes nous, tous et chacun, logés à la même enseigne.
Au repas des vivants chacun est convié et partage la même nourriture, qu’il le sache ou l’ignore.
Le résurgence volcanique d’un antisémitisme au mieux de sa forme, violent et meurtrier est affreusement angoissant, qui n’a d’autre limite que l’anéantissement, la destruction, la ruine et la mort de tous, victimes et bourreaux.