
Le 23 juillet dernier, une colonie de vacances, constituée en majorité de jeunes français de confession juive, a été débarquée manu militari d’un avion en partance de Valencia (Espagne) pour Paris. Ces enfants ont ensuite été séquestrés dans une salle et leur monitrice molestée par la Guardia Civil. Deux versions s’opposent : la compagnie aérienne (dont je ne citerais pas le nom, pour ne pas lui faire de publicité) prétend que les jeunes vacanciers n’ont pas respecté les consignes de sécurité, tandis que les enfants affirment que la situation a dégénéré quand l’un d’entre eux a prononcé quelques mots en hébreu. Une enquête est en cours et on attendra ses conclusions pour savoir si ces faits relèvent ou pas d’une discrimination de nature antisémite.
Un ministre « à la masse » qui voit des israéliens partout !
En revanche, antisémitisme indéniable il y a eu dans les propos d’un membre du gouvernement espagnol. En effet, le ministre espagnol des Transports, un dénommé Oscar Puente -phonétiquement, son patronyme est conforme à ses idées- a explicitement manifesté, suite à ce malheureux incident et sans attendre les conclusions de l’enquête, son soutien à la compagnie aérienne et, surtout, a qualifié les enfants français juifs de « gamins israéliens ». On peut dire qu’il y est allé Franco sur ce coup-là ! Or, monsieur Puente (ce nom, décidément, le prédispose à tenir des propos nauséabonds…), étant donc ministre et non pas stagiaire dans une sous- préfecture, ne pouvait ignorer que ces jeunes voyageurs étaient pour la plupart de nationalité française. Puente n’est certainement pas le Monsieur Jourdain [1] de la politique, qui ferait de l’antisémitisme sans le savoir. Sa remarque ne relève pas de l’erreur et elle est porteuse de sens politique :
-par un premier glissement sémantique (explicite), ce ministre a amalgamé de jeunes français juifs à des Israéliens, voulant ainsi faire accroire qu’un juif, quelle que soit sa nationalité, ne peut pas être vraiment français (ou espagnol) parce qu’il a d’abord et pour toujours prêté allégeance à Israël. Il s’agit là d’un sordide recyclage de l’argument central de l’idéologie antisémite nazie, argument selon lequel les juifs sont « inassimilables » par nature dans toute société non juive, car le judaïsme ne serait pas seulement une religion (ou une culture), mais une « race » avec ses caractéristiques biologiques propres.
-par un second glissement sémantique (implicite), le public européen, auquel la majorité des médias martèle depuis des mois le narratif du Hamas, va, dès qu’il entend le mot « israélien », lui associer par réflexe pavlovien l’adjectif « génocidaire ». Et, contre des juifs/israéliens présentés comme « génocidaires », toutes les violences sont non seulement permises, mais elles sont de plus moralement justifiées. C’est le même raisonnement qui a conduit les miliciens du Hamas à étrangler les petits Ariel et Kfir Bibas, respectivement 4 ans et 8 mois au moment de leur enlèvement, et considérés non pas comme un petit garçon et un bébé, mais comme de dangereux ennemis sionistes à éliminer.
La péninsule hystérique
Ce ministre a renoué avec une tradition antisémite multiséculaire en Espagne : on se souvient en effet de l’édit d’expulsion (ou « décret de l’Alhambra », sorte de « judenfrei » médiéval) signé en 1492 par Ferdinand II d’Aragon et Isabelle de Castille, sous l’influence du Grand Inquisiteur Torquemada.
1492, l’Espagne découvrait l’Amérique et l’antisémitisme d’État en même temps ; 2025, l’Espagne découvre le Hamas et la déconquista en même temps…
Y a-t-il un président pour sauver les gosses ?
Tiens, puisqu’il est question « d’en même temps », on espérait qu’un Emmanuel Macron furibond fasse convoquer l’ambassadeur d’Espagne au Quai d’Orsay et réclame la démission du ministre espagnol desTransports ! Rien de tout cela ne s’est produit et on constate tristement que le président a choisi de ne pas s’impliquer personnellement dans la défense et la protection d’enfants français juifs victimes de discrimination. Cette indifférence élyséenne est « inexplicable » et « inexcusable », pour reprendre les propres mots du chef de l’État lors de l’affaire Nahel.
L’indignation et la compassion à géométrie variable ne sont pas de nature à renforcer une unité nationale française déjà fracturée.
A mort les antisémites…morts !
Sur le front de l’antisémitisme, l’été avait pourtant bien commencé avec, le 12 juillet dernier,l’institution, par Emmanuel Macron en personne, d’une journée nationale de commémoration en hommage au capitaine Alfred Dreyfus. Après avoir boycotté la « Marche pour la République et contre l’antisémitisme » du 12 novembre 2023, le président français semblait enfin avoir pris la mesure de la situation ! On s’était réjoui un peu vite… En fait, il s’agissait juste de célébrer un juif mort pour mieux préparer l’abandon des juifs vivants, comme en témoigne par exemple la décision récente de reconnaître un État palestinien, donc, en l’état actuel des choses, de légitimer le Hamas [2].
Il est beaucoup moins risqué de condamner des antisémites d’extrême droite morts depuis un siècle que de sanctionner les jeunes et vigoureux antisémites islamistes des « territoires perdus de la République », pour reprendre l’expression de l’historien Georges Bensoussan.
Emmanuel Macron traque les antisémites du passé et laisse passer l’antisémitisme du présent… A quanddonc une commission d’enquête interministérielle pour déterminer si l’Homme de Tautavel refusait de manger de la carpe farcie et des strudels ? Et pendant que les actes antisémites explosent en France et en Europe, le président maintient en poste son ministre des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot (alias « Touche pas à mon népote »), dont l’administration a organisé l’arrivée en France, sous le statut de réfugiée et bénéficiant d’une bourse, de la gazaouie Nour Atallah, militante islamiste et admiratrice revendiquée d’Adolf Hitler…
Mince ! Pourquoi personne, en 1940, ne nous a averti que les envahisseurs nazis étaient en fait des « réfugiés » ? On aurait sans doute évité bien des malentendus ! En tout cas, si quelques SS ou gestapistes centenaires traînent encore du côté de l’Argentine, de la Syrie ou de l’Égypte, ils savent désormais où venir terminer leurs jours : il n’est jamais trop tard pour reprendre les études et il se trouvera bien un Science Po pour les accueillir et leur offrir une bourse dans un environnement où les étudiants juifs sont de moins en moins les bienvenus [3] [4]. En effet, à Sciences Po, c’est la bourse ou Lévy, mais pas les deux ensemble !
Maman, les ratés nous chassent de l’avion !
Si jamais de petits français de confession juive avaient de nouveau l’audace de transiter par un aéroport espagnol, seront-ils encore débarqués de l’avion ? Doit-on craindre qu’on ne les force alors à voyager par le train ?
En wagons à bestiaux.
© Marc Hellebroeck
Notes
[1] Il n’aimerait sans doute pas être rebaptisé « Jourdain »…
[2] Champions frères… musulmans ! Par Marc Hellebroeck – Tribune Juive
[3] Mobilisation pro-palestinienne à Sciences Po : “Depuis le 7 octobre, il y a un mal- être énorme”, selon une étudiante membre de l’UEJF – UEJF – Union des Étudiants Juifs de France
[4] « En cours, plus personne ne se met à côté de moi » : le malaise des étudiants juifs de Sciences Po à Menton

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