Daniel Sarfati. Pommard. Décrocher de temps en temps avec Israël

Pommard 516 âmes.

Le village est désert, et les coteaux croulent sous le raisin. 

Au bout d’une route poussiéreuse, une bâtisse solide en pierres sèches, au milieu des vignes.

Un ami ORL m’avait donné l’adresse. 

« Si tu veux comprendre quelque chose aux vins de Bourgogne, commence par là.  Tu verras, le type est rugueux mais assez sympa ».

Mon ami a passé un Diplôme Universitaire à Dijon : « Vin et Olfaction : de la passion à la pathologie ».

Les troubles de l’olfaction et du goût induits par le COVID 19 peuvent-ils être rééduqués par le vin ? A doses modérées. 

La clôture est ouverte, le viticulteur me fait signe d’entrer dans la cour pavée et observe, méfiant, mon immatriculation 75. 

Un gros chat noir sommeille sur une dalle plate, à l’ombre. Le chien, lui, a l’air heureux d’avoir de la visite, tourne autour de moi, jusqu’au moment où son maître le rappelle.

Il me serre la main. 

« Pierre. Vous êtes le copain d’Eric ? »

Sa paume est calleuse, sa voix est pierreuse. 

Oui. Moi c’est Daniel. 

« Vous avez bien fait de venir à cette heure…

Asseyez vous sous la tonnelle… Je vais chercher le vin… Je l’ai gardé au frais… »

Le soleil a commencé sa descente, mais il fait encore très chaud et chaque rayon fait briller la charpente métallique de la grange. 

Pierre revient, le chien aux basques, avec une bouteille et du fromage sur une planche.

« Je vous apporté un 2016… Très peu de bouteilles… Un hiver rigoureux et du gel au printemps… Mais un cru exceptionnel…

Ça se boit avec notre fromage ».

Un fromage crémeux enrobé de graines de moutarde au cassis, qu’il étale sur une épaisse tranche de pain.

Le chien s’est posé à mes pieds. 

Le chat a ouvert un œil et m’observe de loin. 

« Que du pinot noir ! », me dit-il fièrement. 

C’est très bon, d’une grande profondeur.

Ça laisse un souvenir olfactif, c’est ce qui a dû intéresser mon ami Éric. 

Je pose la question qui fâche.

Et du blanc, vous en faites ?

« Jamais sur ce terroir ! », gronde Pierre. 

Le chien a sursauté et s’est mis du côté de son maître.

Le chat s’est réveillé, et a glissé silencieusement derrière moi. 

« Si vous voulez du blanc, allez à Meursault ».

Ah, oui… Meursault… Albert Camus…, je tente de plaisanter…

Pierre reste de marbre. Il a essuyé son Opinel et l’a rangé dans sa poche. 

« Camus ? Connais pas ce domaine ».

Meursault, c’est à moins de dix kilomètres.

Un autre pays. Étranger. 

« Ils vont tirer un feu d’artifice à Meursault pour le 14 juillet. Vers 23 heures. 

Moi, à cette heure je dors normalement. 

J’espère qu’ils ne vont pas me réveiller ».

J’ai encore tenté une plaisanterie. 

Oh ! Moi, vous savez j’ai l’habitude d’être réveillé en pleine nuit quand ça pète ! Les Houthis. 

Éric m’a appelé ce matin. 

Il voulait débriefer mon passage en Bourgogne. 

Éric est un ashkénaze anxieux. 

Je lui ai dit que Pierre m’avait très bien reçu. 

« Lui aussi t’a trouvé sympa. Mais il n’a pas compris ta dernière remarque. 

Pourquoi tu lui a parlé des Houthis ?!! 

Tu ne peux pas décrocher de temps en temps avec Israël ? »

‌‌© Daniel Sarfati

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2 Comments

  1. Pierre et son Pommard ,c’est sa spécialité, il ne connait que çà, même pas Camus. Lui c’est le vin, rouge, autrement il fait les gros yeux comme son chien et son chat. C’est égal Daniel Sarfati ne regrette pas sa visite, le vin et le fromage, c’était drôlement bon.

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