Israel Tavor. « Du juif imaginaire à Israël fantasmé, le miroir du malaise occidental »

Israel Tavor

Parler d’Israël aujourd’hui, ce n’est jamais neutre. Qu’on l’admire ou qu’on le condamne, l’État hébreu est devenu bien plus qu’un acteur géopolitique : il est un symbole, un miroir déformant sur lequel nos sociétés projettent ce qu’elles refusent d’être. Cette dynamique n’est pas nouvelle.

L’historien américain David Nirenberg l’a magistralement démontré dans « Anti-Judaism: The Western Tradition » : depuis deux mille ans, le « Juif » fonctionne comme une figure conceptuelle contre laquelle l’Occident pense et construit ses propres valeurs.

Aujourd’hui, ce n’est plus seulement « le Juif » religieux, théologique ou économique qui est mis en scène, mais le sioniste, ou Israël lui-même.

Et le mécanisme est identique : en condamnant Israël, ce que l’on rejette, ce n’est pas seulement une politique, mais une image négative qui aide à affirmer son propre camp moral.

Depuis l’Antiquité, le « juif » ne désigne pas seulement un individu ou une religion, mais une catégorie symbolique utilisée pour penser “l’autre intérieur”, le négatif à travers lequel l’Occident — et au-delà — forge son identité.

Dans le christianisme primitif, le « juif » est opposé au chrétien non comme une personne, mais comme une structure spirituelle. Paul de Tarse, dans ses épîtres, oppose la « lettre » (le judaïsme, vu comme attachement littéral et légaliste à la Loi) à « l’esprit » (la foi chrétienne, fondée sur la grâce et l’intériorité). Cette opposition devient fondatrice : le judaïsme est le passé que le christianisme prétend avoir transcendé, un système de règles froides contre une religion de foi vivante. Le « juif » devient alors le nom d’une fidélité stérile à la loi, d’un refus du salut, d’une cécité volontaire face à la vérité révélée.

Au Moyen Âge, dans la chrétienté, cette figure se renforce : Le « juif » est vu comme le peuple déicide, mais aussi comme le maître de l’argent, du prêt à intérêt, de la ruse intellectuelle. Il devient le symbole du commerce contre la chevalerie, de la ruse contre l’honneur, de la parole tordue contre la foi simple. Les représentations populaires (caricatures, accusations de profanation d’hosties, meurtres rituels) renforcent cette image d’un “anti-humain”, utile pour cristalliser les peurs sociales et théologiques.

Dans le monde musulman médiéval, le schéma est similaire, bien qu’en général moins violent que dans le monde chrétien. Le Coran critique les « enfants d’Israël » pour avoir reçu la révélation et l’avoir corrompue ou cachée. Le « juif » est souvent la figure de l’exclusivisme, de l’orgueil tribal, ou du refus de reconnaître la vérité finale (l’islam).

Chez certains penseurs musulmans, comme Al-Ghazali ou Ibn Taymiyya, les juifs deviennent le symbole du savoir mal employé, d’une obsession formaliste, ou d’un attachement exagéré aux règles au détriment de la foi.

Chez les réformateurs protestants, notamment Martin Luther, le rejet du judaïsme prend une tournure radicale :

Au départ admiratif des Juifs (pensant qu’ils se convertiront une fois libérés du catholicisme), Luther devient violemment antijuif lorsqu’ils refusent de le suivre, les accusant d’endurcissement, de perversion et de tromperie.

Dans son pamphlet « Des Juifs et de leurs mensonges » (1543), il reprend des accusations médiévales et appelle à brûler leurs synagogues. Le judaïsme y devient le modèle ultime du ritualisme aveugle, contre la foi réformée et directe.

Chez les penseurs des Lumières, l’image change de forme mais pas de fonction.

Voltaire, par exemple, décrit les Juifs comme fanatiques, superstitieux, arriérés, rejetant leur religion comme l’archétype du particularisme contre l’universalisme.

Pour Hegel, les Juifs sont les porteurs d’une « religion de la séparation », incapables de dépasser leur attachement à un Dieu transcendant, et donc de participer pleinement à l’Histoire.

Marx, dans « La Question juive », assimile le judaïsme à l’esprit du capitalisme et de l’égoïsme bourgeois, une “abstraction” à dépasser pour parvenir à l’émancipation réelle.

Dans tous ces cas, le « juif » ne sert pas à parler des Juifs, mais à définir une position morale, politique ou spirituelle à rejeter. Il est l’image du mauvais croyant, du mauvais citoyen, du mauvais penseur — l’obstacle intérieur à la vérité que l’on prétend défendre.

Depuis la seconde moitié du XXe siècle, le « juif conceptuel » s’est déplacé de la sphère religieuse et sociale vers la sphère politique et géopolitique, prenant la forme d’un État : Israël.

Ce dernier ne représente plus seulement un pays comme un autre, mais devient, dans de nombreux discours occidentaux et extra-occidentaux, une figure symbolique de ce qu’il faut rejeter pour affirmer sa propre supériorité morale.

Israël est ainsi investi d’un rôle imaginaire structurant : il incarne l’ethnicisme, le nationalisme, la militarisation, la fermeture, le tribalisme — tout ce que l’Occident postmoderne affirme avoir dépassé.

Quelques déclinaisons de cette construction contemporaine :

Dans les milieux postcoloniaux, Israël est souvent présenté comme l’ultime colonisateur, la dernière survivance d’un monde impérial que le reste de la planète a déconstruit. Dans cette lecture, le conflit israélo-palestinien est essentialisé en un conflit Nord-Sud, Blancs contre indigènes, puissants contre dépossédés — Israël étant assimilé à une puissance blanche occidentale implantée au Moyen-Orient, niant ainsi l’histoire diasporique, orientale et exilique du peuple juif lui-même. Cette réduction rend impossible toute complexité historique : Israël est condamné non pour ce qu’il fait, mais pour ce qu’il est censé symboliser.

Dans certains cercles anticapitalistes, Israël est utilisé comme symbole d’une modernité financiarisée, numérisée et opaque, supposément contrôlée par une élite juive mondialisée. Les start-ups israéliennes en cybersécurité, les investissements technologiques, les fonds internationaux liés à la diaspora sont parfois présentés comme autant de preuves d’une domination globale, rejouant les vieux fantasmes du « complot juif » sous une forme technocratique ou économique. Le « sionisme » devient dans ce langage une étiquette glissante, associée à l’exploitation, au contrôle numérique, au capitalisme de surveillance — une sorte de mise à jour du « juif banquier » du XIXe siècle.

Dans la gauche radicale, le sionisme est perçu non comme un mouvement d’autodétermination d’un peuple persécuté, mais comme un nationalisme ethnique illégitime, assimilé à un projet raciste, voire fasciste. En inversant les rapports historiques, le sionisme devient l’oppresseur et non plus la réponse à l’oppression. Il est accusé de trahir les idéaux de justice, d’universalisme et de décolonisation, comme si la mémoire de la Shoah ou l’histoire millénaire de la marginalisation juive n’avaient aucune pertinence. Israël devient alors l’unique État-nation dont le principe même d’existence est constamment remis en question, ce qui révèle un traitement d’exception.

Dans les institutions internationales, l’obsession disproportionnée à l’égard d’Israël est un symptôme flagrant de sa charge symbolique. Le nombre de résolutions contre Israël aux Nations Unies, par rapport à des régimes autoritaires ou à des conflits d’ampleur bien plus meurtrière (Syrie, Yémen, Éthiopie, etc.), illustre un biais structurel. Il ne s’agit pas simplement d’un déséquilibre diplomatique, mais d’un usage politique d’Israël comme exutoire moral, permettant à d’autres États ou mouvements de projeter leurs propres fautes ou contradictions sur un « coupable idéal ».

Dans le monde arabo-musulman, l’antisionisme s’articule souvent autour d’une fusion entre opposition politique à Israël et réactivation d’un imaginaire théologique sur les Juifs. Le conflit avec Israël est parfois formulé non seulement en termes de territoire ou de droits, mais comme une confrontation métaphysique avec une entité perçue comme corrompue, trompeuse, ou éternellement hostile à l’islam. Des textes religieux, souvent sortis de leur contexte ou instrumentalisés, nourrissent une vision eschatologique où les Juifs deviennent les ennemis de la fin des temps, renforçant un climat de suspicion globale. Ce discours alimente une haine du sionisme qui déborde largement la politique, en faisant d’Israël le symbole moderne d’un mal ancien.

Dans chacun de ces cas, Israël n’est plus un État à juger sur ses actes, mais une entité morale abstraite à incarner ce que l’on veut dénoncer : l’abus de pouvoir, la clôture identitaire, l’injustice structurelle, la domination technologique. La critique devient un rituel de purification morale, une mise en scène où l’on affirme sa propre innocence en pointant du doigt un coupable totémique.

Israël fonctionne alors moins comme un objet de critique rationnelle que comme une figure morale totalisante : on ne critique pas une politique, une coalition ou une décision, mais une essence perçue comme illégitime.

Israël devient l’écran sur lequel nos sociétés projettent leur besoin de purification morale, leur culpabilité coloniale, leurs angoisses identitaires ou technologiques.

Ce mécanisme symbolique permet aussi de comprendre un phénomène en apparence contradictoire : l’adhésion d’une partie de la droite, voire de l’extrême droite, à Israël.

Là où certaines mouvances progressistes rejettent Israël en tant qu’avatar moderne du « juif imaginaire » (dominateur, tribal, violent) une frange droitière s’enthousiasme justement pour cette caricature.

Dans leur lecture, Israël n’est plus le bouc émissaire, mais le modèle assumé de ce qu’eux-mêmes veulent être : une nation enracinée, ethniquement définie, fière de ses frontières, armée et décomplexée face à ses ennemis.

Ce « sionisme d’admiration », qui cohabite souvent avec des relents antisémites latents, ne vise pas à comprendre Israël, mais à l’utiliser comme fantasme de puissance identitaire, comme miroir inversé d’une Europe affaiblie.

Dans les deux cas — rejet à gauche, fascination à droite — Israël n’est pas regardé pour ce qu’il est, mais pour ce qu’il fait résonner dans l’imaginaire occidental.

Cet imaginaire antijudaïque moderne est d’autant plus troublant qu’il repose souvent sur des rejets inversés de ce qui est objectivement enviable : l’argent, la réussite, l’intelligence stratégique, la résilience nationale, la puissance militaire ou technologique.

Des qualités que les sociétés valorisent — tant qu’elles sont les leurs. Or, dans le cas juif ou israélien, ces qualités deviennent suspectes, insupportables, presque obscènes.

Comme le montre Nirenberg, le « juif conceptuel » incarne souvent une hypercompétence inquiétante, une forme d’excellence perçue comme déloyale, inhumaine, trop organisée, trop performante. Israël, en tant qu’État fort, moderne, technologiquement avancé, devient alors le nom d’un excès occidental qu’on refuse d’assumer pour soi-même. Ce rejet est profondément ambivalent : on admirerait Israël s’il n’était pas juif, mais on le hait d’autant plus qu’il réussit en l’étant.

Ainsi, Israël incarne une double projection : il est à la fois ce que l’Occident prétend ne pas vouloir être (militaire, identitaire, dur) et ce qu’il envie secrètement de ne plus réussir à être (cohérent, fort, souverain).

Ce traitement exceptionnel d’Israël (surmédiatisé, surinterprété, surcondamné) repose souvent sur un biais hérité.

La haine des Juifs n’est plus admissible dans les formes traditionnelles, elle ressurgit alors dans des discours qui s’en défendent avec vigueur, mais qui en rejouent les structures.

Il ne s’agit pas ici de nier les critiques légitimes à l’égard d’Israël, mais de distinguer la critique politique de la charge symbolique.

Quand Israël est le seul pays dont l’existence est remise en cause dans les amphithéâtres européens, ou lorsqu’on brûle son drapeau à chaque cause internationale, ce n’est plus de politique qu’il s’agit, mais de morale inversée.

Le « juif conceptuel » n’a pas disparu.

Il a été déplacé, modernisé, habillé en État-nation. L’enseignement fondamental de David Nirenberg est que tant qu’on continuera à penser nos valeurs à travers le rejet d’un “autre juif”, qu’il soit religieux, économique ou sioniste, nous resterons prisonniers d’un schéma millénaire, incapable de voir les Juifs — et Israël — comme des sujets complexes et non comme des symboles à condamner pour se rassurer.

Penser Israël, c’est aujourd’hui un test pour la pensée occidentale. Le critiquer, c’est un droit. Mais l’utiliser pour définir ce qu’on prétend être, c’est rejouer, sous un nouveau masque, l’un des plus vieux réflexes de la culture occidentale.

© Israel Tavor

Israel Tavor est Chef de projet éditorial à Tel Aviv


Version anglaise

Speaking about Israel today is never a neutral act. Whether admired or condemned, the Jewish state has become far more than a geopolitical actor: it is a symbol, a distorting mirror onto which our societies project what they refuse to become. This dynamic is not new.

American historian David Nirenberg brilliantly demonstrated this in « Anti-Judaism: The Western Tradition: for two thousand years », the « Jew » has functioned as a conceptual figure against which the West thinks and builds its own values.

Today, it is no longer only the religious, theological, or economic « Jew » that is being portrayed, but the Zionist—or Israel itself.

And the mechanism is the same: in condemning Israel, what is rejected is not merely a policy, but a negative image that helps affirm one’s own moral stance.

Since Antiquity, the « Jew » has not only referred to an individual or a religion but to a symbolic category used to represent the « inner other », the negative through which the West—and beyond—shapes its identity.

In early Christianity, the « Jew » is opposed to the Christian not as a person, but as a spiritual structure. Paul of Tarsus, in his epistles, contrasts the “letter” (Judaism, seen as literal and legalistic adherence to the Law) with the « spirit » (Christian faith, founded on grace and inwardness). This opposition becomes foundational: Judaism is the past that Christianity claims to have transcended, a cold system of rules versus a living religion of faith. The « Jew » then becomes the name for sterile fidelity to the law, for the refusal of salvation, for willful blindness to revealed truth.

In the Middle Ages, within Christendom, this figure intensifies: the « Jew » is seen as the people who killed God, but also as the master of money, interest-bearing loans, and intellectual cunning. He becomes the symbol of commerce versus chivalry, of trickery versus honor, of twisted words versus simple faith. Popular depictions (caricatures, accusations of host desecration, ritual murder) reinforce this image of an “anti-human,” useful to crystallize social and theological fears.

In the medieval Muslim world, the pattern is similar, though generally less violent than in the Christian world. The Quran criticizes the « Children of Israel » for having received revelation and then corrupted or hidden it. The « Jew » is often depicted as a figure of exclusivism, tribal pride, or the refusal to acknowledge the final truth (Islam).

Among some Muslim thinkers, such as Al-Ghazali or Ibn Taymiyya, Jews come to symbolize misused knowledge, formalist obsession, or excessive attachment to rules at the expense of faith.

Among Protestant reformers, especially Martin Luther, the rejection of Judaism takes a radical turn:

Initially admiring the Jews (thinking they would convert once freed from Catholicism), Luther becomes violently anti-Jewish when they refuse to follow him, accusing them of stubbornness, perversion, and deceit.

In his pamphlet « On the Jews and Their Lies » (1543), he reprises medieval accusations and calls for the burning of their synagogues. Judaism becomes the ultimate model of blind ritualism, opposed to the reformed and direct faith.

With Enlightenment thinkers, the image changes form but not function.

Voltaire, for example, describes Jews as fanatical, superstitious, backward, rejecting their religion as the archetype of particularism against universalism.

For Hegel, Jews carry a « religion of separation », incapable of moving beyond attachment to a transcendent God, and thus unable to fully participate in History.

For Marx, in « On the Jewish Question », Judaism is assimilated to the spirit of capitalism and bourgeois selfishness, an “abstraction” to be overcome in order to reach real emancipation.

In all these cases, the « Jew » is not invoked to speak about Jews, but to define a moral, political, or spiritual position to be rejected. He is the image of the bad believer, the bad citizen, the bad thinker—the inner obstacle to the truth one claims to uphold.

Since the second half of the 20th century, the « conceptual Jew » has shifted from the religious and social sphere to the political and geopolitical one, taking the form of a state: Israel.

This state no longer represents just another country but becomes, in many Western and non-Western discourses, a symbolic figure of what must be rejected in order to affirm one’s own moral superiority.

Israel is thus invested with an imaginary structuring role: it embodies ethnicism, nationalism, militarization, closure, tribalism—everything that postmodern Western society claims to have transcended.

Some contemporary expressions of this construction:

In postcolonial circles, Israel is often portrayed as the ultimate colonizer, the last remnant of an imperial world that the rest of the planet has deconstructed. In this reading, the Israeli-Palestinian conflict is essentialized into a North-South conflict, Whites against Indigenous peoples, the powerful against the dispossessed—Israel being equated with a Western white power implanted in the Middle East, thereby denying the diasporic, Eastern, and exilic history of the Jewish people themselves. This reduction makes any historical complexity impossible: Israel is condemned not for what it does, but for what it is said to symbolize.

In some anticapitalist circles, Israel is used as a symbol of a financialized, digitized, and opaque modernity, supposedly controlled by a global Jewish elite. Israeli cybersecurity start-ups, technological investments, and international diaspora-linked funds are sometimes presented as evidence of global domination, replaying old fantasies of the « Jewish conspiracy » in technocratic or economic form. In this language, « Zionism » becomes a slippery label associated with exploitation, digital control, and surveillance capitalism—a kind of updated version of the 19th-century « Jewish banker ».

In the radical left, Zionism is seen not as a movement for the self-determination of a persecuted people, but as an illegitimate ethnic nationalism, equated with a racist or even fascist project. Reversing historical relations, Zionism becomes the oppressor rather than the response to oppression. It is accused of betraying the ideals of justice, universalism, and decolonization, as if the memory of the Holocaust or the millennia of Jewish marginalization were irrelevant. Israel then becomes the only nation-state whose very right to exist is constantly questioned—revealing an exceptional form of treatment.

In international institutions, the disproportionate obsession with Israel is a striking symptom of its symbolic burden. The number of UN resolutions against Israël, compared to authoritarian regimes or far deadlier conflicts (Syria, Yemen, Ethiopia, etc.), illustrates a structural bias. This is not merely a diplomatic imbalance, but a political use of Israel as a moral scapegoat, allowing other states or movements to project their own faults or contradictions onto an « ideal culprit ».

In the Arab-Muslim world, anti-Zionism is often articulated around a fusion of political opposition to Israel and a reactivation of theological imagery about Jews. The conflict with Israel is sometimes framed not just in terms of territory or rights, but as a metaphysical confrontation with an entity perceived as corrupt, deceptive, or eternally hostile to Islam. Religious texts, often taken out of context or weaponized, fuel an eschatological vision in which Jews are cast as end-time enemies, reinforcing a climate of global suspicion. This discourse fuels a hatred of Zionism that far exceeds politics, making Israel the modern symbol of an ancient evil.

In all these cases, Israel is no longer a state to be judged by its actions, but a moral abstraction meant to embody what one seeks to denounce: abuse of power, identity-based closure, structural injustice, technological domination.

Criticism becomes a ritual of moral purification, a performance in which one affirms innocence by pointing to a totemic culprit.

Israel functions less as an object of rational critique than as a totalizing moral figure: what is being criticized is not a policy, a coalition, or a decision, but an essence perceived as illegitimate.

Israel becomes the screen onto which our societies project their need for moral purification, their colonial guilt, their identity or technological anxieties.

This symbolic mechanism also explains an apparently contradictory phenomenon: the support of part of the right, even the far right, for Israel.

Where certain progressive movements reject Israel as a modern avatar of the « imaginary Jew » (domineering, tribal, violent), a right-wing fringe admires precisely this caricature.

In their view, Israel is no longer the scapegoat, but the ideal model of what they themselves want to be: a rooted nation, ethnically defined, proud of its borders, armed and unapologetic toward its enemies.

This « Zionism of admiration », often coexisting with latent antisemitism, does not aim to understand Israel, but to use it as a fantasy of identity power, as a reverse mirror of a weakened Europe.

In both cases—leftist rejection and right-wing fascination—Israel is not seen for what it is, but for what it evokes in the Western imagination.

This modern anti-Judaic imagination is all the more troubling because it often rests on reversed rejections of what is objectively admirable: money, success, strategic intelligence, national resilience, military or technological strength.

Qualities that societies value—so long as they belong to them. Yet, in the Jewish or Israeli case, these qualities become suspicious, unbearable, almost obscene.

As Nirenberg shows, the « conceptual Jew » often embodies an unsettling hyper-competence, a form of excellence perceived as disloyal, inhuman, overly organized, overly efficient. Israel, as a strong, modern, technologically advanced state, becomes the name of a Western excess that one refuses to assume for oneself. This rejection is deeply ambivalent: Israel might be admired—if it were not Jewish. But it is hated all the more because it succeeds as Jewish.

Thus, Israel embodies a double projection: it is both what the West claims not to want to be (militaristic, identity-based, harsh) and what it secretly envies no longer being able to be (coherent, strong, sovereign).

This exceptional treatment of Israel (overexposed, overinterpreted, overcondemned) often stems from an inherited bias.

Hatred of Jews is no longer admissible in traditional forms, so it resurfaces in discourses that loudly deny it—yet replay its structures.

This is not to deny legitimate criticism of Israel, but to distinguish political critique from symbolic charge.

When Israel is the only country whose existence is questioned in European lecture halls, or when its flag is burned at every international cause, this is no longer about politics, but about inverted morality.

The « conceptual Jew » has not disappeared.

He has been displaced, modernized, dressed as a nation-state. David Nirenberg’s fundamental insight is this: as long as we continue to define our values through the rejection of a « Jewish other »—whether religious, economic, or Zionist—we remain trapped in a millennia-old schema, unable to see Jews—and Israel—as complex subjects rather than symbols condemned to soothe our conscience.

To think about Israel is, today, a test for Western thought. Criticizing it is a right.

But using it to define who we claim to be is to replay, under a new mask, one of the oldest reflexes of Western culture.

© Israel Tavor

Israel Tavor est Chef de projet éditorial à Tel Aviv

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1 Comment

  1. La haine des Juifs dans le monde moderne n’est que la partie saillante de la haine des Blancs et des occidentaux. Cela est su et compris depuis plus de vingt ans. Cela n’est pas intrinsèquement lié à l’islam. L’Afrique chrétienne et la diaspora Afro-americaine ou afro-européenne est presque aussi fortement touchée par la haine antisémite que le monde arabo-musulman. Certains pays musulmans le sont beaucoup. Les Blancs antisionistes cad antisémites sont dans 90% des cas adeptes des théories racistes pronées par Angela Davis ou Rockaya Diallo : c’est l’électorat du Nouveau Front Populaire (qui est anti populaire), de la République en marche (qui signifie la fin de la République), des travaillistes anglais (qui sont les pires ennemis des travailleurs et du prolétariat anglais) et des démocrates américains.(qui sont anti démocrates). S’y ajoute une haine ancestrale envers la religion qui a inventé le monothéisme, mais elle existe aussi bien chez des chrétiens dévoyés ou des athées sectaires que de musulmans radicalisés. Il s’agit avant tout d’une haine raciale : ceux qui veulent anéantir Israël veulent également anéantir la « blanchité ». On peut d’ores et déjà en conclure que les pays occidentaux ayant laissé prospérer l’antisémitisme se situent au plus bas niveau du monde civilisé et se sont eux-mêmes condamnés à mort.

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